Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me A... H..., représentant la SAS Auchan Supermarché, de Me C... G... représentant la commune d'Aulnoye-Aymeries et de Me B... F..., représentant la société Foncière Chabrières.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. La société Foncière Chabrières a déposé une demande de permis de construire le 20 décembre 2018 dans le but d'étendre un supermarché existant situé à Aulnoye-Aymeries, dont la surface de vente passait ainsi de 1 199 m² à 1 720 m². Le projet a bénéficié, le 1er avril 2019, d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial du Nord. La Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté les recours administratifs préalables obligatoires formés par les sociétés Lidl et Auchan et a émis un avis favorable au projet le 18 juillet 2019. Le maire d'Aulnoye-Aymeries a accordé le permis de construire sollicité par la société Foncière Chabrières par un arrêté du 19 août 2019, dont la société Auchan Supermarché demande l'annulation en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.
Sur les fins de non-recevoir opposées à la requête :
En ce qui concerne l'intérêt à agir :
2. D'une part, si la société requérante s'est désignée en première page de la requête et du mémoire ampliatif sous le nom de " I... ", elle s'est toujours présentée dans le corps de ses mémoires comme la SAS Auchan qui exploite un établissement Simply Market à Aulnoye-Aymeries et elle a produit spontanément, avant même l'enregistrement des mémoires en défense, un extrait Kbis de la " SAS Auchan Supermarché " qui mentionne qu'elle exploite une enseigne Simply Market dans cette commune. La présente requête doit donc être regardée comme ayant été introduite par cette dernière société.
3. D'autre part, la société Auchan Supermarché, qui exploite dans la même commune que le projet, à deux minutes en voiture, un magasin commercialisant des produits comparables sur une surface de vente de 2 088 m2, démontre son intérêt à agir contre l'arrêté attaqué.
En ce qui concerne le recours administratif préalable obligatoire :
4. Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I. - Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, (...), tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / (...) / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. (...) ".
5. Il est constant que la SAS Auchan Supermarché a saisi la Commission nationale d'aménagement commercial qui, à la suite de cette saisine, a rendu un avis daté du 18 juillet 2019. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'exercice par la société requérante d'un recours administratif préalable obligatoire doit être écartée.
Sur la légalité de l'arrêté du 19 août 2019 :
En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'arrêté :
6. Aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation, à des membres du conseil municipal. / (...) ".
7. Si l'arrêté attaqué comporte seulement à côté de la signature le tampon " Pour le maire, l'adjoint " sans préciser l'identité du signataire, la commune d'Aulnoye-Aymeries indique en défense que l'arrêté a été signé par M. D... E..., premier adjoint au maire.
8. Or si par un arrêté du 7 avril 2014 le maire d'Aulnoye-Aymeries a donné à cet adjoint " délégation pour tous documents administratifs et financiers ", cet arrêté n'a pas défini avec une précision suffisante l'objet et l'étendue de la délégation ainsi accordée. Il est, par suite, intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, qui n'autorisent la délégation que d'une partie des attributions du maire.
9. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 19 août 2019 a été pris par une autorité incompétente.
En ce qui concerne la motivation de l'avis de la Commission nationale :
10. Si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la Commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables.
11. En l'espèce, pour autoriser le projet qui lui était soumis, la Commission, mentionnant les textes dont elle faisait application et les éléments de fait sur lesquels elle se fondait, a retenu que l'extension du supermarché existant ne génèrera pas d'imperméabilisation supplémentaire, que le site bénéficiera d'une desserte suffisante tant par la voirie que par les transports en commun, que le projet, par l'isolation de l'extension et la mise en place de meubles froids fermés et de panneaux photovoltaïques, réduira la consommation énergétique du supermarché, que la végétalisation du site sera accentuée et que le projet améliorera l'offre et le confort d'achat des consommateurs.
12. Dans ces conditions, eu égard aux caractéristiques modestes du projet et alors que la question a été examinée dans le rapport présenté lors de la séance de la Commission, l'absence de motivation spécifique de l'avis de la Commission quant aux effets du projet sur l'animation de la vie urbaine ne suffit pas à caractériser une insuffisance de motivation de cet avis.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 752-6 du code de commerce :
13. Aux termes du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa version alors applicable : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / (...) / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / (...) ".
14. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet aux objectifs énoncés par la loi, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation de ces objectifs.
15. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet, situé dans une zone comprenant habitations et bureaux, consiste à étendre de 521 m² un magasin existant depuis 1995 et présentant une surface de vente de 1 199 m². Cet agrandissement se fera par la création d'extensions du bâtiment, au nord, au sud et à l'est, sur des terrains déjà imperméabilisés. Le parc de stationnement attenant sera diminué de 130 à 102 places et 59 arbres de haute tige seront plantés. Les façades seront rénovées. Le service de " drive " et la station-service seront modernisés. Le projet ne prévoit aucune modification des accès au site ou de la desserte par la route ou les transports en commun.
16. D'autre part, si le projet est susceptible de majorer dans une certaine mesure la fréquentation du magasin, il ne ressort pas des pièces du dossier, alors qu'il est situé à 1,5 kilomètre de la gare et alors que l'agglomération compte déjà six autres supermarchés, qu'il menacerait les commerces du centre-ville d'Aulnoye-Aymeries ou nuirait à l'animation de la vie urbaine de la commune. De plus, cette nouvelle attractivité permettra, comme l'avis de la direction départementale des territoires et de la mer l'a fait valoir, de limiter l'évasion commerciale vers les autres territoires et en particulier le centre commercial de Louvroil.
17. Dans ces conditions, le projet, qui a d'ailleurs reçu un avis favorable du ministre chargé de l'urbanisme, ne pouvait pas être regardé comme insatisfaisant au regard du critère, fixé en matière d'aménagement du territoire, de l'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral.
18. Il résulte de ce qui précède, alors que la consultation des associations de commerçants locales n'était pas requise et alors que la requérante n'a pas discuté de la conformité du projet aux autres critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce, que le moyen tiré de ce que le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi doit être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens :
19. Les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, en méconnaissance du principe du contradictoire et de ce qu'il est entaché d'une erreur de droit et de dénaturation n'ont pas été assortis des précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
Sur les conséquences de l'illégalité du permis de construire du 19 août 2019 :
20. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".
21. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le juge estime que le permis de construire qui lui est déféré est entaché d'un vice entraînant son illégalité mais susceptible d'être régularisé par la délivrance d'un permis modificatif, il constate, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, après avoir invité les parties à présenter leurs observations sur le principe de l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, par une décision avant-dire droit, que les autres moyens ne sont pas fondés et sursoit à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour permettre, selon les modalités qu'il détermine, la régularisation du vice qu'il a relevé même après l'achèvement des travaux.
22. Le vice tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte constaté au point 9 est susceptible d'être régularisé, sans apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même, par l'édiction d'un permis de construire modificatif par le maire ou par une personne bénéficiant d'une délégation de signature régulière.
23. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer sur les conclusions de la requête et d'impartir au maire d'Aulnoye-Aymeries un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt aux fins d'obtenir une mesure régularisant ce vice.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt pour permettre au maire d'Aulnoye-Aymeries de notifier le cas échéant à la cour une mesure régularisant le vice mentionné au point 9.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Lyon-Caen-Thiriez pour la SAS Auchan Supermarché, à Me B... F... pour la SCI Foncière Chabrières et à la commune d'Aulnoye-Aymeries.
Copie en sera transmise, pour information, à la Commission nationale d'aménagement commercial.
N°19DA02364 2