Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2019, MmeD..., représentée par Me A...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Christian Boulanger, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante géorgienne, née le 3 août 1977, est entrée régulièrement en France le 6 novembre 2016 sous l'empire d'un visa de court séjour. Elle a ensuite bénéficié d'un titre de séjour valable du 8 juin au 7 décembre 2017 en qualité de parent d'enfant malade. Elle relève appel du jugement du 16 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juin 2018 du préfet de l'Aisne refusant de renouveler son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que, par un mémoire enregistré le 12 octobre 2018 au greffe du tribunal administratif d'Amiens, Mme D...a invoqué le moyen tiré du vice de procédure en raison de la composition irrégulière du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. En indiquant au point 6 de son jugement que le moyen tiré du vice de procédure résultant de l'irrégularité de la composition du collège devait être écarté, les premiers juges se sont bornés à répondre au moyen présenté par la requérante. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait statué ultra-petita doit être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté du 22 juin 2018 :
3. Aux termes de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
4. L'article R. 313-22 de ce code dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
5. Il ressort des pièces du dossier que l'avis émis par le collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 3 mars 2018 mentionne expressément que le défaut de prise en charge médicale du fils de MmeD..., Saba Kurashvili, entrainerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, avant d'estimer qu'un traitement approprié était effectivement disponible en Géorgie. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis du collège de médecins serait entaché d'un vice de procédure doit être écarté.
6. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un ressortissant étranger qui se prévaut des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile mentionné ci-dessus, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
7. Dans son avis du 3 mars 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Saba Kurashvili, qui présente un trouble sévère du spectre autistique, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il pouvait toutefois avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine et qu'il pouvait voyager sans risque vers ce pays. La requérante n'établit pas qu'il lui serait impossible d'accéder au traitement nécessaire qui, d'après les pièces du dossier, notamment des informations extraites de la base " Medical Country of origin information ", est accessible en Géorgie, pays dans lequel le trouble de son fils a été diagnostiqué et où il a déjà fait l'objet d'un traitement médicamenteux. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. Mme D...est hébergée avec son fils dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale et ne perçoit aucun revenu sur le territoire français. Elle n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-neuf ans. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait noué des liens sociaux et professionnels en France d'une particulière intensité. Compte tenu des conditions et de la durée de son séjour, le préfet de l'Aisne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale doit être écarté. Pour les mêmes raisons, l'autorité administrative n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme D....
9. Aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
10. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment et de la circonstance qu'il y existe un traitement approprié et accessible, rien ne s'oppose à ce que le traitement de l'enfant de l'intéressée puisse se poursuivre en Géorgie. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D..., au ministre de l'intérieur et à Me A...C....
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Aisne.
N°19DA00134 5