Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 juillet 2017 et 15 mars 2018, M. B...E..., représenté par Me A...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de le relaxer des fins de la poursuite et de rejeter l'action domaniale ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement public Voies navigables de France le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public ;
- et les observations de Me C...F..., représentant M.E....
Considérant ce qui suit :
1. Le 5 juin 2015, un arbre implanté sur la propriété de M.E..., sur le territoire de la commune de Les-Rues-des-Vignes, s'est abattu sur la maison éclusière voisine et a ainsi causé des dommages à cet immeuble. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 12 août 2015 à l'encontre de M. E...puis déféré au tribunal administratif de Lille par l'établissement public Voies Navigables de France qui se fonde sur l'appartenance du bien au domaine public fluvial. M. E...relève appel du jugement du 18 mai 2017 par lequel la magistrate désignée par le président de ce tribunal l'a condamné au paiement d'une amende de 200 euros en répression ainsi qu'au versement de la somme de 21 802,37 euros au titre de l'action domaniale.
Sur l'action publique :
2. Aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. / Pour le domaine public défini à l'article L. 4314-1 du code des transports, l'autorité désignée à l'article L. 4313-3 du même code est substituée au représentant de l'Etat dans le département (...) ". Si l'observation du délai de dix jours mentionné par ces dispositions n'est pas prescrite à peine de nullité, les conditions et délais dans lesquels est notifié le procès-verbal ne doivent pas porter atteinte aux droits de la défense.
3. Il résulte de l'instruction que M.E..., contrairement à ce qu'il soutient, a reçu notification, le 21 décembre 2015, du procès-verbal de contravention de grande voirie du 12 août 2015 constatant les faits pour lesquels il est poursuivi. Si cette notification est intervenue au-delà du délai prévu par les dispositions citées au point précédent, il n'est pas démontré que ce retard, pour regrettable qu'il soit, aurait eu en l'espèce pour effet de porter atteinte aux droits de la défense.
4. Aux termes de l'article L. 2111-10 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public fluvial artificiel est constitué : / (...) / 2° Des ouvrages ou installations appartenant à l'une de ces personnes publiques, qui sont destinés à assurer l'alimentation en eau des canaux et plans d'eau ainsi que la sécurité et la facilité de la navigation, du halage ou de l'exploitation (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que la maison éclusière endommagée est la propriété de l'établissement public Voies navigables de France et qu'elle est située dans l'enceinte de l'écluse de Crèvecoeur, au point kilométrique 14065 sur le canal de Saint-Quentin. Elle est au nombre des ouvrages destinés à assurer la sécurité et la facilité de la navigation sur le domaine public fluvial. La circonstance que la personne occupant le logement ne soit plus l'éclusier et qu'ainsi, il n'existe plus de lien fonctionnel entre cette maison et l'écluse voisine n'est pas, en l'absence d'acte de déclassement, de nature à la faire regarder comme n'appartenant plus au domaine public fluvial.
6. Aux termes de l'article L. 2132-8 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut : / 1° Dégrader, détruire ou enlever les ouvrages construits pour la sûreté et la facilité de la navigation et du halage sur les cours d'eau et canaux domaniaux ou le long de ces dépendances ; / (...) / Le contrevenant est passible d'une amende de 150 à 12 000 euros. Il doit supporter les frais de réparations et, en outre, dédommager les entrepreneurs chargés des travaux à dire d'experts nommés par les parties ou d'office ".
7. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté par M.E..., que le 5 juin 2015, un arbre implanté sur sa propriété est tombé sur la maison éclusière située sur la parcelle voisine, relevant, comme il a été dit au point 5, du domaine public fluvial, et que cette chute a entraîné des dommages. Ces faits entrent ainsi dans le champ d'application de la contravention de grande voirie prévue par les dispositions de l'article L. 2132-8 du code général de la propriété des personnes publiques citées au point précédent. M. E...ne démontre pas que la chute de l'arbre trouverait directement sa cause dans l'action du vent, comme il le prétend, ni, en tout état de cause, qu'il se serait produit à l'occasion d'une tempête exceptionnelle présentant localement un caractère imprévisible et irrésistible. Par suite, M. E...n'est pas fondé à soutenir que les faits seraient imputables à un cas de force majeure, l'exonérant de sa responsabilité.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que M. E...n'est pas fondé à soutenir qu'il devrait être relaxé des fins de la poursuite de la contravention prévue à l'article L. 2132-8 du code général de la propriété des personnes publiques.
Sur l'action domaniale :
9. Il est constant, ainsi qu'il a été dit au point 7, que la chute de l'arbre implanté sur la propriété de M. E...a endommagé la maison voisine appartenant au domaine public fluvial. Il ressort notamment des énonciations du procès-verbal du 12 août 2015 que des dégradations ont été constatées sur la toiture, une gouttière, des huisseries, des dépendances et la clôture de la maison. M. E... fait grief à ce procès-verbal d'être insuffisamment précis, et fait valoir que les dégradations mentionnées dans le constat d'huissier établi le 29 décembre 2015 à la demande de l'établissement public Voies navigables de France ne seraient pas toutes imputables à la chute de l'arbre. Cependant, il n'apporte, pour sa part, aucun élément de nature à remettre en cause ces constatations. En outre, il résulte de l'instruction qu'il n'a pas donné suite à un courrier du gestionnaire du domaine public du 14 septembre 2015 qui l'invitait à participer à une expertise contradictoire destinée à évaluer les dommages causés à la maison. Les pièces du dossier ne font pas davantage apparaître que le gestionnaire du domaine aurait négligé de protéger la maison éclusière contre l'humidité, ou qu'il aurait, par son inertie, contribué à l'aggravation du dommage. Dans ces conditions, les sommes réclamées à M. E... sur la base des devis produits par l'établissement public Voies navigables de France, correspondant à un montant total de 27 181,37 euros, n'apparaissent pas excessives par rapport au coût de la remise en état du domaine public, et ne présentent pas, dès lors, un caractère anormal. Toutefois, le tribunal administratif ayant limité à la somme de 21 802,37 euros les frais de remise en état du bâtiment, il n'appartient pas à la cour d'aggraver sur le seul appel de l'intéressé la condamnation qui a été prononcée à son encontre au titre de l'action domaniale.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille l'a condamné, au titre de l'action publique, au paiement d'une amende de 200 euros et, au titre de l'action domaniale, à verser à l'établissement public Voies navigables de France la somme de 21 802,37 euros.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'établissement public Voies navigables de France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. E...de la somme qu'il demande sur ce fondement.
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... le versement à l'établissement public Voies navigables de France de la somme qu'il demande sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public Voies navigables de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et à l'établissement public Voies navigables de France.
Délibéré après l'audience publique du 22 mars 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de la chambre,
- M. Michel Richard, président-assesseur,
- M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 avril 2018.
Le rapporteur,
Signé : C.-E. MINETLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°17DA01511 2