Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2017, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
1. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable (...) / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation (...) / (...) / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat (...) / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. /Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention ".
2. M. A..., ressortissant algérien né le 16 janvier 1997, déclare être entré en France en juin 2017. Le 29 juillet 2017, il a été interpellé par la police et n'a pas été en mesure de justifier de son droit à circuler ou séjourner sur le territoire national. Lors de son audition, au cours de laquelle il était assisté d'un interprète, l'intéressé, qui n'a pas souhaité avoir recours à un avocat, a déclaré qu'il avait quitté son pays car il devait de l'argent à quelqu'un. Il a également indiqué avoir pris contact avec l'association Accueil Insertion Rencontre mais n'avoir pas encore déposé son dossier de demande d'asile, alors qu'il était présent en France depuis un mois et demi à la date de son interpellation. A aucun autre moment, il n'a pas exprimé le souhait de demander l'asile en France ou dans un autre pays. Dès lors, en s'abstenant de déduire de ces déclarations, peu circonstanciées, que l'intéressé souhaitait formuler une demande d'asile, en ne l'admettant pas provisoirement au séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet du Nord n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu une telle erreur de droit pour annuler son arrêté.
3. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant la juridiction administrative.
Sur le moyen commun aux trois décisions :
4. Par un arrêté du 18 janvier 2017, régulièrement publié le 24 janvier 2017 au recueil n° 24 des actes administratifs de la préfecture du Nord, le préfet du Nord a donné délégation à M. E...B..., sous-préfet de Cambrai, à l'effet, dans le cadre de la permanence préfectorale, de signer, notamment, les décisions attaquées. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de ces décisions doit être écarté.
Sur les moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. La décision attaquée fait référence à la situation personnelle et familiale de l'intéressé en relevant qu'il est célibataire et sans charge de famille et mentionne qu'il n'a présenté aucune demande de titre de séjour. Elle indique également qu'un refus de visa ayant été opposé à l'intéressé à Annaba le 10 juillet 2015, l'irrégularité de son entrée sur le territoire français est de nature à justifier une obligation de quitter le territoire en application du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, le défaut de visa de l'accord franco-algérien n'entache pas d'irrégularité l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a été entendu préalablement à l'édiction de la mesure contestée, comme en témoigne le procès-verbal d'audition du 29 juillet 2017, lequel a été signé par l'intéressé et son interprète. A cette occasion, le requérant a pu faire valoir ses observations concernant notamment sa situation administrative et personnelle, les raisons de son départ d'Algérie et l'éventualité d'une mesure d'éloignement à son encontre. Il a enfin indiqué à la fin de l'audition, en réponse à la question qui lui avait été posée, qu'il n'avait pas d'autre élément à porter à la connaissance du préfet. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il disposait d'informations tenant à sa situation qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
Sur le moyen propre à la décision fixant le pays de destination :
7. M. A...n'apporte pas d'éléments probants de nature à établir la réalité des risques personnels encourus en cas de retour en Algérie du fait de son endettement. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur les moyens propres à la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / (...) ".
9. En l'espèce, après s'être référé aux dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et avoir relevé la courte durée de la présence de M. A... en France, le préfet du Nord a également pris en compte tant l'absence de mesure d'éloignement précédente, que le fait que sa présence en France ne constituait pas une menace pour l'ordre public. L'arrêté attaqué précise également qu'il est célibataire sans enfant à charge et que sa famille réside en Algérie. Par suite, le préfet du Nord, qui a examiné l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a suffisamment motivé sa décision en fait et en droit.
10. Ainsi qu'il a été dit au point 7, M. A...ne démontre pas les risques qu'il dit encourir en cas de retour en Algérie. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Nord a commis une erreur d'appréciation sur ce point en prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire doit, en tout état de cause, être écarté.
11. Pour prononcer l'interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an, le préfet du Nord s'est fondé sur la durée de séjour de M. A... d'un mois et demi à la date de l'arrêté en litige, l'absence de liens privés et familiaux dans ce pays, la circonstance qu'il n'ait pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement précédente et l'absence de menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le sol national. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire dont fait l'objet M.A....
12. Ainsi qu'il a été dit au point 2, M. A... n'a pas présenté de demande d'asile depuis son arrivée et en France et n'en a pas manifesté l'intention lors de son audition le 29 juillet 2017. Par suite, le moyen de M. A... tiré de ce que la décision en litige méconnaîtrait le droit constitutionnel d'asile doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 29 juillet 2017.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 8 août 2017 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande de M. A...devant le tribunal administratif est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 22 mars 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Michel Richard, président-assesseur,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 avril 2018.
Le président-rapporteur,
Signé : M. D...Le premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°17DA01866 2