Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 août 2017, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'infirmer ce jugement en tant que, par son article 1er, il annule la décision du 28 juin 2017 fixant le pays de destination ;
2°) de rejeter la demande de M.A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal à l'encontre de la décision fixant le pays de destination :
1. M. A..., ressortissant camerounais, né le 6 mai 1993, déclare avoir quitté son pays d'origine en indiquant que sa vie et sa liberté y étaient menacées en raison de son orientation sexuelle. Il fait le récit devant la juridiction de deux agressions homophobes donc il aurait été victime en 2013 et 2014 et a, lors de l'audience devant le tribunal administratif, précisé que ses démarches auprès des autorités pour dénoncer ces agressions avaient été vaines et fait constater la présence de cicatrices et de traces de coups sur son corps. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier, faute de tout élément probant, que la présence de ces marques attesterait la réalité de persécutions subies dans son pays d'origine du fait de son orientation sexuelle. Par ailleurs, l'intéressé n'apporte devant la juridiction aucun élément de nature à établir ou même à faire présumer comme suffisamment sérieux les risques le concernant pour les raisons invoquées en cas de retour dans son pays d'origine. Au demeurant, il ne justifie pas avoir présenté une demande d'asile en France. Dans ces conditions, en dépit de la circonstance que l'homosexualité serait passible de sanctions pénales au Cameroun et que les homosexuels y seraient la cible d'agressions violentes et peu réprimées, le requérant ne démontre pas qu'il serait personnellement exposé à des risques directs de peines ou traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler la décision fixant le pays à destination duquel M. A... pourrait être éloigné en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.
2. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant la juridiction administrative par M. A... à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
Sur les autres moyens présentés par M. A... :
3. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 3 avril 2017, publié le même jour au recueil spécial n° 31 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à Mme E...D..., adjointe au chef du bureau de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer, notamment, les décisions contestées. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
4. La motivation de la décision fixant le pays de destination n'est pas distincte de celle de l'arrêté attaqué. Elle comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Sa motivation n'est pas stéréotypée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
5. Il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet du Pas-de-Calais n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressé doit être écarté.
6. La légalité de la décision obligeant M. A... à quitter le territoire ayant été confirmée par le jugement du 6 juillet 2017 du tribunal administratif de Lille, l'intéressé n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
7. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article L. 513-3 de ce code : " La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même. / Le recours contentieux contre la décision fixant le pays de renvoi n'est suspensif d'exécution, dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 512-3, que s'il est présenté en même temps que le recours contre l'obligation de quitter le territoire français ou l'arrêté de reconduite à la frontière qu'elle vise à exécuter ".
8. L'arrêté du 28 juin 2017 décide qu'il est fait obligation à M. A... de quitter le territoire français à destination du pays dont il revendique la nationalité ou de tout autre pays où il établirait être légalement admissible. Le préfet doit ainsi être regardé comme ayant, par une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français, décidé que l'intéressé pourrait notamment être reconduit au Cameroun. Contrairement à ce que soutient M. A..., cette décision n'exclut pas qu'il soit éloigné à destination de l'Espagne, s'il y est légalement admissible, ce qu'en en tout état de cause, il ne démontre pas. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 513-2 et L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.
9. Pour les raisons exposées au point 2, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 28 juin 2017. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A... aux fins d'injonction doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du 6 juillet 2017 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande de M. A...tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 22 mars 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Michel Richard, président-assesseur,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 avril 2018.
Le président-rapporteur,
Signé : M. C...Le premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°17DA01680 2