Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 25 avril 2018, la commune de Gercy, représentée par la SELARL Pelletier et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de MmeB... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B...le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 10 mars 2015, pris sur le fondement de l'article D. 161-11 du code rural et de la pêche maritime, le maire de Gercy a mis en demeure Mme B...de retirer les obstacles à la circulation sur le chemin rural dit "sentier rural du trou d'Odain", dans un délai de deux mois. La commune de Gercy relève appel du jugement du 19 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le mémoire en réplique produit par Mme B...et enregistré par le greffe du tribunal administratif d'Amiens le 29 septembre 2017, avant la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué à la commune de Gercy. Toutefois, il résulte de la lecture du jugement attaqué que le tribunal administratif d'Amiens ne s'est pas fondé sur ce mémoire, ou sur les pièces qui lui étaient jointes, pour annuler l'arrêté municipal du 10 mars 2015. En particulier, la motivation de ce jugement fait apparaître que le tribunal s'est fondé sur les seules attestations produites par Mme B...à l'appui de sa requête introductive d'instance pour écarter la qualification de chemin rural du sentier en cause. Dès lors, la commune de Gercy n'est pas fondée à soutenir que le défaut de communication du mémoire en réplique de Mme B...constitue une violation du principe du contradictoire ou du droit à un procès équitable.
3. Il résulte du point 2 du jugement attaqué que le tribunal administratif d'Amiens a expressément, et avec une précision suffisante, écarté la fin de non-recevoir opposée en défense par la commune de Gercy et tirée de ce que la requête introductive d'instance de Mme B... ne comportait l'énoncé d'aucun moyen. La commune n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait, sur ce point, entaché d'une insuffisance de motivation.
Sur le bien fondé du jugement :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
4. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge ".
5. Il résulte de la lecture de la requête introductive d'instance de Mme B...devant le tribunal administratif d'Amiens que celle-ci a soulevé un moyen tiré de ce que le sentier en cause ne remplissait pas les critères jurisprudentiels de définition d'un chemin rural et qu'ainsi l'arrêté du maire de Gercy la mettant en demeure de supprimer les obstacles à la circulation sur ce chemin était entaché d'excès de pouvoir. Cette requête était dès lors recevable au regard des dispositions citées au point précédent.
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif d'Amiens :
6. Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune ". Aux termes de l'article L. 161-2 du même code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. / La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée ". Aux termes de l'article L. 161-5 de ce code : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux ". Enfin, aux termes de l'article D. 161-11 du même code : " Lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire y remédie d'urgence. / Les mesures provisoires de conservation du chemin exigées par les circonstances sont prises, sur simple sommation administrative, aux frais et risques de l'auteur de l'infraction et sans préjudice des poursuites qui peuvent être exercées contre lui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que le plan cadastral de la commune de Gercy fait apparaître, depuis au moins l'année 1955, un "sentier rural dit du trou d'Odain" reliant la rue de l'église à un espace boisé situé au nord, à proximité de la voie ferrée. Il est constant que ce sentier, dont le tracé traverse un ensemble immobilier appartenant aujourd'hui à MmeB..., servait à l'origine de voie de passage aux habitants de la rue de l'église qui l'empruntaient pour accéder à un point d'eau dénommé le "trou d'Odain". Toutefois, il résulte de plusieurs attestations concordantes produites par Mme B...que ce sentier a cessé d'être utilisé comme voie de passage au milieu des années 1960, lorsque la mise en place du réseau public de distribution d'eau a mis fin à l'utilisation du "trou d'Odain" par les habitants. Mme B...soutient sans être sérieusement contredite que lorsqu'elle a fait l'acquisition, en 1993, de l'ensemble immobilier que traverse ce sentier, celui-ci avait déjà été clôturé à ses deux extrémités par l'ancien propriétaire des parcelles en cause, qui y laissait paître des animaux. De même, il ressort de photographies produites au dossier que la mare qui, selon un constat d'huissier établi à la demande de la commune, aurait été aménagée sur l'emprise du sentier, existait avant que Mme B...ne fasse l'acquisition de sa propriété. Dès lors, il résulte de ces différents éléments que le sentier rural dit du "trou d'Odain" n'est plus utilisé comme voie de passage depuis de nombreuses années. Par ailleurs, il n'est pas établi par la commune de Gercy que celle-ci aurait procédé à des actes réitérés de surveillance ou de voirie sur ce sentier. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la propriété du sentier, celui-ci ne saurait recevoir la qualification de chemin rural au sens des dispositions des articles L. 161-1 et L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime, cités au point précédent. Par suite, le maire de Gercy ne pouvait légalement faire usage du pouvoir qu'il tient de l'article D. 161-11 du même code pour mettre en demeure Mme B...de supprimer les obstacles à la circulation sur ce chemin.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Gercy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté pris par son maire le 10 mars 2015.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeB..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Gercy demande à ce titre.
10. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Gercy le versement de la somme de 1 500 euros à Mme B...sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Gercy est rejetée.
Article 2 : La commune de Gercy versera la somme de 1 500 euros à Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Gercy et à Mme A...B....
N°17DA02365 2