Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2017, et des pièces complémentaires enregistrées les 3 et 23 janvier 2018, la commune de Soissons, représentée par la SELARL Antoine et B et M associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif d'Amiens ;
3°) de mettre à la charge de M. E...la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public.
Une note en délibéré présentée pour la commune de Soissons a été enregistrée le 19 juin 2019.
Considérant ce qui suit :
1. M. E...a déposé le 9 mars 2015, et complété le 5 juin 2015, une demande de permis de construire pour un projet de reconstruction d'une habitation après sinistre, sur une parcelle cadastrée CH n° 71 située 134 route de Bucy à Soissons. Par un arrêté du 1er septembre 2015, le maire de Soissons a rejeté cette demande. La commune relève appel du jugement du 17 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.
Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. La commune de Soissons verse, pour la première fois en appel, l'arrêté du 8 avril 2014 par lequel son maire a, au visa de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, donné délégation à M. A...C..., 8ème adjoint, chargé de l'urbanisme, de l'habitat et des travaux, à l'effet d'" exercer en (...) lieu et place les fonctions de maire en ce qui concerne les services chargés de ces attributions ", ainsi que la justification de la publication régulière de cet arrêté au recueil des actes administratifs de la commune des mois de mars et avril 2014. Cette délégation, qui contrairement à ce que fait valoir M. E... définit avec une précision suffisante les limites de la délégation consentie à M. C..., donnait ainsi compétence à ce dernier pour signer l'arrêté en litige, au nom du maire de Soissons. La commune de Soissons est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté querellé.
3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E...devant la juridiction administrative.
Sur les autres moyens :
En ce qui concerne le moyen tiré du vice de procédure :
4. Aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I.- L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. / II.- Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; / 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; / 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs (...) ". Aux termes de l'article L. 562-4 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au plan d'occupation des sols, conformément à l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme ".
5. Les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés aux risques d'inondation, et valant servitudes d'utilité publique, s'imposent directement aux autorisations de construire. Il incombe ainsi à l'autorité compétente en matière d'urbanisme de faire elle-même application de ces dispositions et, notamment, de s'assurer que la construction projetée n'est pas interdite, ou soumise à conditions particulières, par celles-ci.
6. Le plan de prévention des risques naturels de la vallée de l'Aisne entre Montigny-Lengrain et Evergnicourt (secteur Aisne Aval entre Montigny-Lengrain et Sermoise) divise le territoire qu'il règlemente en six zones, dont la zone rouge. L'article 2.1 du règlement de ce plan interdit dans cette zone toute nouvelle construction soumise à permis de construire, déclaration préalable ou faisant l'objet d'un permis d'aménager, à l'exception des travaux ou occupation du sol visés à l'article 2.2. En vertu de cet article 2.2, peut être autorisée, sous certaines conditions, la reconstruction après sinistre d'un bâtiment.
7. Ainsi qu'il a déjà été dit au point 1, M. E...a déposé une demande de permis de construire pour un projet de reconstruction d'une habitation après sinistre, sur la parcelle cadastrée CH n° 71. Il ressort des pièces du dossier que cette parcelle est partiellement située en zone rouge du plan de prévention des risques naturels visé au point 6. Il incombait ainsi au maire de Soissons, dans le cadre de l'instruction de cette demande, d'apprécier notamment si la construction projetée constituait une construction nouvelle interdite par l'article 2.1 du règlement de ce plan ou une reconstruction après sinistre pouvant, sous certaines conditions, être autorisée en vertu de l'article 2.2 de ce même règlement.
8. L'arrêté en litige a rejeté la demande présentée par M. E...motif pris, notamment, de ce que le projet ne porte pas " sur une reconstruction d'une habitation après sinistre mais sur une reconstruction après démolition ", de sorte " qu'il y a lieu de prendre en compte la réglementation du PPRI applicable aux constructions neuves ". Si cet arrêté se réfère à un procès-verbal de constat du 25 avril 2013, dressé par un huissier de justice missionné par la commune de Soissons à l'effet de constater l'état de la parcelle cadastrée CH n° 71, ce procès-verbal se borne à indiquer que " De la voie publique, je n'observe sur la parcelle CH n° 71 aucune construction. / Je constate que la parcelle est en cours de travaux et que les fondations ont été réalisées comportant des fers d'encrage. J'observe sur le côté de la parcelle le long de la clôture avec la parcelle cadastrée n° 70 que sont entreposés divers matériaux, palettes de parpaings, des fers à béton et des treillis soudés pour le coulage béton. / Je constate (sic) un tracteur de chantier de type "manitou" stationné sur la parcelle. J'observe sur le chemin public la présence de deux palettes et des treillis soudés pour le coulage béton. Afin d'illustrer la matérialité de faits constatés, des clichés ont été pris et annexés ci-après faisant apparaître l'état réel des lieux ". Ce procès-verbal ne se prononce donc nullement sur le point de savoir si la destruction de la maison auparavant bâtie sur la parcelle cadastrée CH n°71 résulte ou non d'un sinistre. L'appréciation du maire de Soissons selon laquelle cette démolition ne résulte pas d'un sinistre n'est donc pas fondée sur les constats mentionnés dans ce procès-verbal.
9. Le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'un vice de procédure, tenant à ce qu'il a été édicté en tenant compte de ce procès-verbal qui n'était pas joint au dossier de demande et qui n'avait pas été communiqué à M.E..., doit par suite être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le projet consiste en une reconstruction après sinistre relevant de l'article 2.2 du règlement du plan de prévention des risques naturels prévisibles :
10. En principe, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration comme au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité.
11. M.E..., pour tenter d'établir que la maison précédemment édifiée sur la parcelle CH n° 71 aurait été détruite par un sinistre, se prévaut de l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement correctionnel rendu par le tribunal de grande instance de Soissons le 3 février 2014. Si ce jugement l'a relaxé des faits de démolition d'une construction non autorisée par un permis de démolir, c'est aux seuls motifs " qu'aucun élément de la procédure ne permet d'établir que la démolition de la maison ne serait pas accidentelle ", et " qu'un doute existe quant à la cause de la destruction de cette maison ". Aucune autorité de la chose jugée ne s'attache ainsi à ces motifs. M. E... n'apporte aucun commencement de preuve de ce que la destruction de la maison précédemment édifiée sur la parcelle CH n° 71 résulterait d'un incendie. La demande de permis de construire déposée le 9 mars 2015 par M. E...ne portant pas sur une reconstruction après sinistre, le maire de la commune de Soissons a pu, sans commettre d'erreur de droit ni erreur d'appréciation, se fonder sur les dispositions de l'article 2.1 du règlement du plan de prévention des risques, cité au point 6, pour prendre la décision contestée. Il résulte de l'instruction que le maire de Soissons aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce motif, qui justifie à lui seul le refus de permis de construire critiqué. Dans ces conditions et à supposer même que le motif tiré de la méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme lui aurait été irrégulièrement opposé, M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le maire a refusé de lui délivrer un permis de construire.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme :
12. Aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié (...) ".
13. Ainsi qu'il a été dit, le règlement du plan de prévention des risques naturels de la vallée de l'Aisne entre Montigny-Lengrain et Evergnicourt (secteur Aisne Aval entre Montigny-Lengrain et Sermoise) prévoit expressément l'interdiction de la reconstruction projetée. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme doit par suite être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Soissons est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 1er septembre 2015.
Sur les frais du procès :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Soissons, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme réclamée sur leur fondement par M.E....
16. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. E...une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Soissons sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 17 octobre 2017 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif d'Amiens et les conclusions présentées par celui-ci devant la cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : M. E...versera à la commune de Soissons une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Soissons, à M. D...E...et à Me F...B....
N°17DA02481 2