Par une requête, enregistrée le 4 mai 2016, M. A...C..., représenté par Me B...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à nouvel examen de sa demande de titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet lui a appliqué le deuxième alinéa de l'article 3 de l'accord franco-tunisien à la place du premier alinéa ;
- elle est entachée d'une erreur de fait s'agissant de l'ancienneté de son séjour en France ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'une régularisation était possible ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité, par voie de conséquence, de l'illégalité du refus de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité, par voie de conséquence, de l'illégalité du refus de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2016, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête, qui se borne à reprendre l'énoncé des mêmes moyens que ceux soulevés devant les premiers juges, ne satisfait pas à l'exigence de motivation posée par l'article R. 411-1 du code de justice administrative, est irrecevable ;
- par référence au mémoire produit devant les premiers juges, aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Yeznikian, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. C..., ressortissant tunisien, est entré en France le 28 novembre 2007 sous couvert d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois portant la mention " salarié ANAEM - carte de séjour à solliciter dans les deux mois suivant l'arrivée ", son contrat de maçon ayant été favorablement visé par les services compétents ; qu'il a obtenu une carte de séjour portant la mention " salarié " délivré par le préfet des Alpes-Maritimes valable du 28 novembre 2007 au 27 novembre 2008, renouvelée par le préfet de police de Paris jusqu'au 27 novembre 2009 ; que, par une décision du 29 janvier 2010, le préfet de la région Ile-de-France a refusé le renouvellement de son autorisation de travail et, par un arrêté du 29 juin 2010, le préfet de police de Paris a refusé le renouvellement du titre de séjour " salarié " et l'a obligé à quitter le territoire français ; que M. C...a demandé à la préfecture du Nord, le 21 août 2013, son admission exceptionnelle au séjour et la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de " salarié " ; que M. C...relève appel du jugement du 23 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2015 par lequel le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié ". / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants tunisiens visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelle et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans " ;
3. Considérant que le préfet du Nord, ainsi qu'il y est tenu, a procédé à l'examen de la demande de titre de séjour présentée en qualité de salarié par M. C...sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, seul applicable aux tunisiens qui sollicitent leur admission au séjour au titre de l'exercice d'une activité professionnelle ; que si le préfet du Nord s'est fondé sur les stipulations du deuxième alinéa de l'article 3 de l'accord franco-tunisien sans faire apparaître qu'il avait cherché à vérifier qu'il remplissait les conditions posées par le premier alinéa du même article, il résulte de l'instruction que M. C...est dépourvu de contrat de travail visé par les services en charge de l'emploi ; que, dans ces conditions, il ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer le titre de séjour " salarié " prévu par le premier alinéa de l'article 3 précité ; qu'en outre et contrairement à ce qu'il soutient, si M. C... est régulièrement entré en France le 28 novembre 2007 et y a travaillé du 30 novembre 2007 à octobre 2008 et du 12 février 2009 au 24 juin 2010, il ne justifie pas d'un séjour régulier de trois années donnant droit à un titre de séjour sur le fondement des stipulations du second aliéna, dès lors qu'il a fait l'objet d'un refus d'autorisation de travail le 29 janvier 2010 et d'un refus de renouvellement de titre de séjour et d'une mesure d'éloignement le 29 juin 2010 ; que, par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Nord, qui, en outre, ne s'est pas fondé sur des faits inexacts concernant l'ancienneté de son séjour en France, n'a ni commis d'erreur de droit ni méconnu les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ;
4. Considérant que bien que l'accord franco-tunisien ne prévoit pas de modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance ; qu'il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation ;
5. Considérant qu'en dépit de la promesse d'embauche dont bénéficie l'intéressé, le préfet du Nord, qui a procédé à un examen particulier de la situation de M.C..., n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer, à titre dérogatoire, un titre de séjour en qualité de salarié ;
6. Considérant que M. C...déclare vivre à Lille avec Mme V., une compatriote qui dispose d'un titre de séjour de dix ans, depuis 2010 et avoir noué des liens avec le fils de cette dernière ; qu'il a versé au dossier des attestations d'hébergement de cette dame et de son fils, une fiche de paie de juin 2010 avec l'adresse de celle-ci, des abonnements de transport ferroviaire entre Lille et Paris de mars à juin 2010, les déclarations de revenus au titre des années 2011 et 2012, un relevé de frais bancaires pour l'année 2013, un courrier d'EDF et une facture d'opticien ; que, toutefois, les pièces ainsi produites ne permettent pas de démontrer l'intensité des relations qu'il allègue avoir nouées avec Mme V. et son fils, alors qu'au demeurant, dans sa demande de titre de séjour réalisée le 21 août 2013, il déclarait être célibataire ; qu'en dépit de ses efforts d'insertion professionnelle, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait une intégration sociale d'une particulière intensité dans la société française ; que, par ailleurs, il ne démontre pas être démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 32 ans ; que, compte tenu de ses conditions de séjour en France et en dépit de sa durée, la décision contestée ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, le préfet du Nord n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour est illégale ;
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
8. Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être dit au point 7, M. C...n'est pas fondé à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination seraient illégales par voie de conséquence de l'illégalité entachant le refus de séjour ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être, dès lors, rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., au ministre de l'intérieur et à Me B...D....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 9 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 mars 2017.
Le président-assesseur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président-rapporteur,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°16DA00843 2