Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2018, et des pièces complémentaires, enregistrées les 24 juillet, 27 août et 15 novembre 2018, Mme B...C..., représentée par Me A...Dewaele, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État au bénéfice de son conseil la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Bangui le 26 septembre 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante centrafricaine née le 14 août 1979, est régulièrement entrée en France le 21 septembre 2003. Par un arrêté du 16 août 2017, le préfet du Nord a rejeté sa demande tendant au renouvellement de son titre de séjour. Mme C...relève appel du jugement du 20 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 16 août 2017.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de délivrer une carte de résident :
2. Mme C...reprend en appel le moyen, quelle avait invoqué en première instance, tiré de ce que le refus en litige aurait été pris par une autorité incompétente. Il y a lieu d'écarter ce moyen, à l'appui duquel elle ne se prévaut d'ailleurs d'aucune argumentation nouvelle en appel, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
3. Cette décision comprend l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, et alors que le préfet du Nord n'était pas tenu de faire état de l'ensemble des éléments de fait relatifs à la situation de MmeC..., le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.
4. Aux termes de l'article 11 de la convention franco-centrafricaine : " Après trois années de résidence régulière et non interrompue, les ressortissants de chacune des parties contractantes établis sur le territoire de l'autre partie peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans, dans les conditions prévues par la législation de l'État d'accueil (...) ". Aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est délivrée de plein droit à l'étranger qui justifie : / 1° D'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre de l'une des cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles ou de l'une des cartes de résident prévues au présent code, à l'exception de celles délivrées sur le fondement des articles L. 313-7, L. 313-7-1, L. 313-7-2 ou L. 313-13, du 3° de l'article L. 313-20, des articles L. 313-23, L. 316-1 ou L. 317-1 ou du 8° de l'article L. 314-11 (...). / 2° De ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L.5423-3 du code du travail. La condition prévue au présent 2° n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ; / 3° D'une assurance maladie (...) ".
5. Le préfet du Nord s'est fondé, pour estimer que Mme C...ne pouvait prétendre à la délivrance d'une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " en vertu des stipulations et dispositions précitées, sur le motif tiré de ce que l'intéressée ne justifie pas disposer de ressources propres, stables, régulières et d'un montant suffisant sur les cinq dernières années. Mme C...se borne à cet égard à relever que son précédent emploi lui assurait une rémunération mensuelle nette de 1 120 euros. Toutefois, il est constant qu'à la date de l'arrêté en litige, Mme C...était sans emploi. Elle n'établit ni même n'allègue qu'à cette date elle disposait de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions citées au point précédent doit ainsi être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le refus de lui délivrer une carte de résident est entaché d'illégalité.
En ce qui concerne le refus de délivrer une carte de séjour temporaire :
7. MmeC..., entrée en France, ainsi qu'il vient d'être dit, le 21 septembre 2003, soit à l'âge de 24 ans, a été mise en possession d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ", valable du 28 octobre 2003 au 12 octobre 2004, renouvelé jusqu'au 12 octobre 2011, ce qui lui a permis d'obtenir en juin 2004 un master en sciences, technologies, santé mention Terre-environnement et en octobre 2009 un master en sciences et technologies à finalité recherche, mention environnement, spécialité géosciences de l'environnement. Durant ses études, Mme C...a régulièrement travaillé. Elle a ensuite été mise en possession d'un titre de séjour en qualité de travailleur temporaire, valable du 15 novembre 2013 au 14 mai 2014, renouvelé jusqu'au 9 juin 2016, et ainsi été recrutée par une association en qualité de chargée de développement dans le cadre d'un contrat de six mois, renouvelé pour une période de dix mois. Son père ainsi que l'un de ses frères résident régulièrement en France. Mme C...soutient sans être sérieusement contredite que sa mère et sa soeur sont réfugiées au Congo-Brazzaville, et que ses trois autres frères ne résident plus en Centrafrique. Dans ces conditions, compte tenu de la durée de son séjour régulier en France, de son intégration professionnelle, de la présence régulière en France de son père et de son frère, et de l'absence d'attaches personnelles dans son pays d'origine, MmeC..., qui par ailleurs souffre, depuis août 2016, de crises compulsives généralisées dont certaines ont nécessité une hospitalisation et une consultation au service des urgences, est fondée à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'une carte de séjour temporaire porte une atteinte excessive à son droit au respect de la vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et à en demander l'annulation, ainsi, par voie de conséquence, que celles l'obligeant à quitter le territoire français, lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 août 2017 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'une carte de séjour temporaire, lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dewaele, avocate de MmeC..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de ce dernier le versement à cette avocate de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1710486 du 20 avril 2018, en tant qu'il porte sur les conclusions dirigées contre le refus de délivrance d'une carte de séjour temporaire et l'arrêté du 16 août 2017 portant refus de carte de séjour temporaire sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord de délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à Mme C...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera la somme de 1 000 euros à Me Dewaele sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord et à Me A...Dewaele.
N°18DA01321 5