Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2017, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M.A....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement et du Conseil du 20 décembre 2006 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
1. Aux termes du point 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 : " En vue de vérifier si un ressortissant de pays tiers ou un apatride séjournant illégalement sur son territoire n'a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre, un État membre peut transmettre au système central les données dactyloscopiques relatives aux empreintes digitales qu'il peut avoir relevées sur un tel ressortissant de pays tiers ou apatride, âgé de 14 ans au moins, ainsi que le numéro de référence attribué par cet État membre. / En règle générale, il y a lieu de vérifier si un ressortissant de pays tiers ou un apatride n'a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre lorsque : / a) le ressortissant de pays tiers ou l'apatride déclare qu'il a introduit une demande de protection internationale mais n'indique pas l'État membre dans lequel il l'a introduite ; / b) le ressortissant de pays tiers ou l'apatride ne demande pas de protection internationale mais s'oppose à son renvoi dans son pays d'origine en faisant valoir qu'il s'y trouverait en danger ; ou / c) le ressortissant de pays tiers ou l'apatride fait en sorte d'empêcher d'une autre manière son éloignement en refusant de coopérer à l'établissement de son identité, notamment en ne présentant aucun document d'identité ou en présentant de faux documents d'identité ".
2. Il ressort des pièces du dossier que le 28 septembre 2017, M.A..., de nationalité afghane, a été entendu, dans le cadre fixé par l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un officier de police judiciaire qui l'a interrogé notamment sur son identité, son parcours, les raisons qui l'ont conduit à quitter son pays d'origine et sa situation administrative. S'il n'a pas manifesté son intention de présenter une demande d'asile, M. A...a, à cette occasion, indiqué qu'il avait quitté son pays " à cause des Talibans ", traversé le territoire de plusieurs Etats membres de l'Union européenne et qu'il ne voulait pas retourner en Afghanistan. Compte tenu de ces indications, il y avait lieu pour le préfet, selon les dispositions du b) du point 1 de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, citées au point précédent, de vérifier si M. A...n'avait pas introduit une demande de protection internationale dans un autre Etat membre. Toutefois, il ressort du procès-verbal de l'audition du 28 septembre 2017 que M. A...a été interrogé sur ce point et a répondu par la négative. En outre, il résulte d'un autre procès-verbal du même jour, produit par le préfet en appel, que l'intéressé a refusé de se soumettre au relevé de ses empreintes digitales, qui aurait permis de rechercher dans le fichier Eurodac l'existence d'une demande de protection internationale dans un autre Etat membre. Dans ces conditions, et à supposer même que les dispositions citées au point 1 puissent être utilement invoquées par l'étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, le préfet du Pas-de-Calais, qui avait mis en oeuvre toutes les diligences possibles afin de vérifier l'existence d'une telle demande, n'a pas, en tout état de cause, méconnu les dispositions citées au point précédent en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Le préfet est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 28 septembre 2017.
3. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant la juridiction administrative.
Sur les autres moyens soulevés par M. A...devant la juridiction administrative :
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté en litige :
4. Par un arrêté du 3 avril 2017, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. C...B..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer, notamment, les obligations de quitter le territoire français et les refus de délai de départ volontaire. Par suite, ces décisions ont été prises par une autorité compétente.
5. L'arrêté attaqué, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé.
6. Le moyen, soulevé à l'audience devant le tribunal administratif par le conseil de M. A..., selon lequel " le principe du contradictoire a été méconnu " n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne la légalité interne de l'obligation de quitter le territoire français :
7. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
8. Il est constant que M. A...est entré irrégulièrement en France et n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Il entre dès lors dans le champ d'application de ces dispositions.
9. Il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté attaqué, ni des autres pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M. A... avant de l'obliger à quitter le territoire français.
10. Ainsi qu'il a été dit au point 2, M. A...n'a pas sollicité l'asile en France au cours de son audition par les services de police le 28 septembre 2017. Interrogé sur d'éventuelles démarches administratives dans d'autres Etats membres de l'Union européenne, il a répondu n'en avoir effectué aucune et n'a pas indiqué, contrairement à ce qu'il indique, qu'il souhaitait se rendre au Royaume-Uni dans le but de présenter une demande d'asile. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir, en tout état de cause, que le préfet du Pas-de-Calais aurait commis une erreur de droit en lui faisant obligation de quitter le territoire français sans " tenir compte de son besoin de protection internationale ".
11. M.A..., qui au demeurant n'a demandé l'asile ni à la France, ni à aucun des autres pays européens qu'il a traversés, ne peut utilement se prévaloir du principe de non-refoulement énoncé par les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève dès lors que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas pour objet, en tout état de cause, de déterminer le pays à destination duquel il sera renvoyé et n'a pas non plus pour effet de le contraindre à retourner dans son pays d'origine.
12. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 7, que M. A...est entré irrégulièrement sur le territoire français et entre ainsi dans le champ de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, le préfet du Pas-de-Calais a formulé, dès le 28 septembre 2017, une demande de laissez-passer auprès des autorités consulaires afghanes afin de procéder à son éloignement. Par suite, l'intéressé n'établit pas que l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet poursuivrait un autre but que son éloignement du territoire national ou serait entachée de détournement de pouvoir.
13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais aurait fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.A....
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 13 que M. A...n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre par le préfet du Pas-de-Calais est entachée d'illégalité.
En ce qui concerne la légalité interne du refus de délai de départ volontaire :
15. Il résulte de ce qui a été dit au point 14 que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de refus de délai de départ volontaire.
16. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ".
17. Il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré irrégulièrement en France et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il entre ainsi dans le champ des dispositions du a) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne se prévaut d'aucune circonstance particulière qui permettrait de considérer qu'il ne présente aucun risque de fuite. Dès lors, en décidant de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard de ces dispositions.
18. Il résulte de ce qui a été dit aux points 15 à 17 que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de délai de départ volontaire est entachée d'illégalité.
En ce qui concerne la légalité interne de l'interdiction de retour sur le territoire français :
19. Il résulte de ce qui a été dit aux points 14 et 18 que M. A...n'est pas fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire.
20. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
21. Aux termes de l'article 11 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " 1. Les décisions de retour sont assorties d'une interdiction d'entrée : / a) si aucun délai n'a été accordé pour le départ volontaire, ou / b) si l'obligation de retour n'a pas été respectée. / Dans les autres cas, les décisions de retour peuvent être assorties d'une interdiction d'entrée. / 2. La durée de l'interdiction d'entrée est fixée en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas et ne dépasse pas cinq ans en principe (...) ".
22. Les dispositions citées au point précédent n'imposent pas que la situation de l'étranger, à l'encontre duquel une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français est envisagée, soit appréciée par l'autorité administrative au regard du territoire de l'ensemble des Etats membres de l'espace Schengen au lieu du seul territoire français. Par suite, les éléments d'appréciation énoncés par les dispositions rappelées ci-dessus du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier la durée de présence sur le territoire français, la nature et l'ancienneté des liens avec la France et la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français, ne présentent pas un caractère plus restrictif que ceux prévus par les dispositions de cette directive. Ces dispositions ne sont, par suite, pas contraires aux objectifs de celle-ci.
23. Il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré irrégulièrement en France et y séjournait depuis seulement cinq jours, selon ses déclarations, lorsqu'il a été interpellé. Il ne se prévaut d'aucune attache privée et familiale sur le territoire français et indique lui-même que son objectif était de gagner le Royaume-Uni dans la clandestinité. Dès lors, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions citées au point 20.
24. Aux termes du point 1 de l'article 42 du règlement (CE) n° 1987/2006 du 20 décembre 2006 : " Les ressortissants de pays tiers qui font l'objet d'un signalement introduit en vertu du présent règlement sont informés conformément aux articles 10 et 11 de la directive 95/46/CE. Cette information est fournie par écrit, avec une copie de la décision nationale, visée à l'article 24, paragraphe 1, qui est à l'origine du signalement, ou une référence à ladite décision ".
25. Il résulte des termes de l'article 2 de l'arrêté en litige que le préfet du Pas-de-Calais a informé M. A...qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. L'article 4 du même arrêté communique à l'intéressé diverses informations relatives à l'identité du responsable du traitement, les finalités de celui-ci et les conditions dans lesquelles il peut exercer un droit d'accès et de rectification aux données qui le concernent. L'argument selon lequel cette information ne serait pas conforme aux articles 10 et 11 de la directive 95/46/CE n'est assorti d'aucune précision. Dès lors, M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas reçu l'information prévue par les dispositions citées au point 24, circonstance qui serait, au demeurant, sans influence sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français elle-même.
26. Il résulte de ce qui a été dit aux points 19 à 25 que M. A...n'est pas davantage fondé à soutenir que l'arrêté en litige, en tant qu'il lui interdit le retour sur le territoire français, est entaché d'illégalité.
27. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 28 septembre 2017.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 4 octobre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
N°17DA02200 2