Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2015, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule la mesure d'assignation à résidence ;
2°) de rejeter la demande présentée par M.E... devant le tribunal administratif de Lille.
Il soutient que :
- l'arrêté d'assignation à résidence est suffisamment motivé ;
- les autres moyens invoqués par M. E...en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 18 mai 2015, M. C...E...représenté par Me G...D..., conclut :
1°) au rejet de la requête du préfet du Nord ;
2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la décision fixant le pays de destination ;
3°) d'annuler pour excès de pouvoir ces mesures contenues dans l'arrêté du 5 août 2014 ;
4°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le moyen du préfet n'est pas fondé ;
- les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
- les modalités de l'assignation à résidence ne sont pas justifiées légalement ;
- les mesures d'éloignement et l'obligation de quitter le territoire français ont été signées par une autorité incompétente ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me G...D..., représentant M.E....
1. Considérant que, par un arrêté du 5 août 2014, le préfet du Nord a pris à l'encontre de M. E... un refus de titre de séjour, une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que, par un arrêté du 8 décembre 2014, l'autorité préfectorale l'a assigné à résidence pour une durée de trente jours ; que, par un jugement du 16 décembre et après avoir renvoyé en formation collégiale les conclusions à fin d'annulation du titre de séjour, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision d'assignation à résidence et a rejeté le surplus des conclusions ; que le préfet du Nord relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'assignation à résidence ; que, par la voie de l'appel incident, M. E...demande l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté ses autres conclusions ;
Sur l'appel principal du préfet du Nord :
2. Considérant qu'aux termes des dispositions du second alinéa de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision d'assignation à résidence est motivée (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant assignation à résidence que le préfet du Nord vise notamment les dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions des articles L. 561-2, L. 611-2, L. 624-1, R. 561-2 et R. 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, l'arrêté attaqué mentionne que M. E...justifie d'un domicile à Villeneuve d'Ascq et qu'il présente, par conséquent, des garanties permettant de considérer qu'il existe une perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre ; que, par suite, l'arrêté du 8 décembre 2014 doit être regardé comme suffisamment motivé ; que, par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné a retenu un défaut de motivation de sa décision ;
4. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant la juridiction administrative par M. E...à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision ordonnant son assignation à résidence ;
5. Considérant que M.F..., signataire de l'acte attaqué, a reçu délégation du préfet du Nord par arrêté du 29 septembre 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord, pour signer, en tant que directeur de l'immigration et de l'intégration, notamment les décisions portant d'assignation à résidence ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;
7. Considérant que M. E...justifie disposer d'une adresse à Villeneuve d'Ascq au domicile de son beau-frère et de sa demi-soeur et présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 5 août 2014 par le préfet du Nord ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'assignation à résidence d'une durée de trente jours ne serait pas, en l'espèce, justifiée par une perspective raisonnable de mettre à exécution l'obligation de quitter le territoire de la part du préfet ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 8 décembre 2014 portant assignation à résidence pris à l'encontre de M.E... ;
Sur l'appel incident de M.E... :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant que l'arrêté du 5 août 2014 a été signé par M. H...I..., adjoint au directeur de l'immigration et de l'intégration ; que M. I...a agi dans le cadre d'une délégation de signature qui lui avait été consentie par un arrêté du préfet du Nord du 16 juillet 2013, régulièrement publié au recueil des actes administratifs ; que cet arrêté donnait délégation à M. I...à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. B... A..., directeur de l'immigration et de l'intégration à la préfecture du Nord, les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire, en fixant le délai et celles fixant le pays à destination duquel l'étranger pourra être reconduit ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;
10. Considérant qu'il ressort des éléments versés au dossier que M.E..., ressortissant algérien né le 31 décembre 1973, est entré en France le 30 décembre 2012 muni de son passeport et d'un visa Schengen de court séjour ; qu'il s'est maintenu sur le territoire français au bénéfice de la durée d'instruction de sa demande d'asile rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 23 septembre 2013 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 30 avril 2014 ; qu'il est célibataire et n'a pas d'enfant à charge ; que s'il se prévaut de la présence d'une soeur et d'une demi-soeur en France chez laquelle il est hébergé, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident quatre de ses frères et soeurs et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans ; que M. E...ne justifie pas de l'intensité de son insertion sociale professionnelle alors même qu'il agit comme bénévole auprès du Secours populaire français ; que, compte tenu des conditions et de la durée du séjour à la date d'intervention de la mesure d'éloignement, le préfet du Nord n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. E...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure attaquée a été prise ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M.E... ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'illégalité ;
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précèdent que M. E...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant le délai de départ volontaire serait privée de base légale ;
13. Considérant que pour les mêmes raisons que celles exposées au point 9 le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté ;
14. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) " ;
15. Considérant qu'eu égard à la situation personnelle de M. E...telle que décrite au point 10 l'autorité préfectorale n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en fixant un délai de départ volontaire de trente jours pour l'exécution de la mesure d'éloignement ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
16. Considérant que M. E...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale ;
17. Considérant que pour les mêmes raisons que celles exposées au point 9 le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté ;
18. Considérant que M.E..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, fait valoir qu'un retour en Algérie l'exposerait à des traitements inhumains et dégradants dès lors qu'il a fui son pays en raison de rackets dont il a été victime par un groupe terroriste ; que, toutefois, il ne produit aucun élément probant tendant à faire craindre qu'il serait exposé, de manière personnelle et actuelle, à de tels traitements ; que, par suite, le moyen, tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision fixant un délai de départ volontaire et de celle fixant le pays de destination ; que, par suite, ses conclusions présentées aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être écartées ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du 16 décembre 2014 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif de Lille en tant qu'elle est dirigée contre l'arrêté l'assignant à résidence du 8 décembre 2014 est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées en appel par M. E...sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C...E...et à Me G...D....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 10 décembre 2015 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 décembre 2015.
Le président-assesseur,
Signé : C. BERNIERLe président de chambre,
Président-rapporteur,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°15DA00297 2