1°) de réformer le jugement du 15 mai 2014 en tant qu'il a rejeté sa demande au titre des années 2007 et 2008 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008.
Elle soutient que :
- elle exerce une activité industrielle au sens des articles 1647 C sexies et 1465 du code général des impôts ;
- l'administration a reconnu l'exercice d'une telle activité au titre de l'année 2009 et que cette reconnaissance constitue une interprétation formelle d'une situation de fait au sens des dispositions de l'article L. 80B du livre des procédures fiscales ;
- elle peut bénéficier du système de la garantie institué par les dispositions du 2° du II de l'article 1647 C sexies du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la commune de La Sentinelle n'a été reconnue comme zone d'emploi en grande difficulté qu'au titre de l'année 2007 ;
- la société exerce principalement une activité de maintenance qui ne peut être qualifiée d'industrielle au sens des dispositions de l'article 1465 du code général des impôts ;
- l'importance des moyens mis en oeuvre ne saurait à elle seule permettre à la société de bénéficier du dispositif du crédit d'impôt dont elle se prévaut ;
- à supposer même qu'une partie de l'activité puisse être regardée comme industrielle, aucun élément précis n'est produit pour la détermination du nombre de salariés affectés à cette activité ainsi que le temps de travail qu'ils y consacrent.
II. Par un recours et un mémoire, enregistrés sous le n° 14DA01454 le 22 août 2014 et le 27 janvier 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 15 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a prononcé, à concurrence de 11 500 euros, la réduction de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle la société industrielle de Saint-Christophe a été assujettie au titre de l'année 2009 ;
2°) de rejeter la demande de la société industrielle de Saint-Christophe présentée devant le tribunal administratif de Lille ;
3°) de remettre à la charge de la société industrielle de Saint-Christophe la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle de l'année 2009 dont la société a obtenu la décharge partielle.
Il soutient que :
- la commune de La Sentinelle n'a été reconnue comme zone d'emploi en grande difficulté que pour l'année 2007 ;
- les premiers juges ayant rejeté la demande de la société pour les années 2007 et 2008, celle-ci ne pouvait bénéficier du système de la garantie institué par les dispositions du 2° du II de l'article 1647 C sexies du code général des impôts ;
- l'activité de la société ne peut être qualifiée d'industrielle au sens des dispositions de l'article 1465 du code général des impôts ; à supposer même qu'une partie de l'activité puisse être regardée comme industrielle, aucun élément précis n'est produit pour la détermination du nombre de salariés affectés à cette activité ainsi que le temps de travail qu'ils y consacrent.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2015, la société industrielle de Saint-Christophe demande à la cour de rejeter le recours du ministre.
Elle soutient que les moyens du recours du ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lavail Dellaporta, président assesseur,
- et les conclusions de M. Guyau, rapporteur public.
1. Considérant que la société industrielle de Saint-Christophe a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause le bénéfice du crédit d'impôt en faveur des entreprises implantées dans des zones d'emploi en grande difficulté prévu à l'article 1647 C sexies du code général des impôts au motif que cette société n'exerçait pas une activité industrielle au sens de l'article 1465 du même code ; qu'à la suite de ce contrôle, la société requérante a été assujettie à des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle au titre des années 2007 à 2009 ; qu'elle relève appel du jugement du 15 mai 2014 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions pour les années 2007 et 2008 ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel du même jugement en ce qu'il a prononcé la décharge, à concurrence de 11 500 euros, de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle assignée à la société industrielle de Saint-Christophe au titre de l'année 2009 ;
2. Considérant que la requête de la société industrielle de Saint-Christophe et le recours du ministre des finances et des comptes publics visés ci-dessus sont dirigés contre le même jugement et présentent à juger de questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt ;
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires de taxe professionnelle des années 2007 et 2008 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 1647 C sexies du code général des impôts alors en vigueur : " I. Les redevables de la taxe professionnelle et les établissements temporairement exonérés de cet impôt en application des articles 1464 B à 1464 G et 1465 à 1466 E peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt, pris en charge par l'Etat et égal à 1 000 euros par salarié employé depuis au moins un an au 1er janvier de l'année d'imposition dans un établissement affecté à une activité mentionnée au premier alinéa de l'article 1465 et situé dans une zone d'emploi reconnue en grande difficulté au regard des délocalisations au titre de la même année. (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1465 du même code dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Dans les zones définies par l'autorité compétente où l'aménagement du territoire le rend utile, les collectivités locales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre peuvent, par une délibération de portée générale, exonérer de la taxe professionnelle en totalité ou en partie les entreprises qui procèdent sur leur territoire, soit à des décentralisations, extensions ou créations d'activités industrielles ou de recherche scientifique et technique, ou de services de direction, d'études, d'ingénierie et d'informatique, soit à une reconversion dans le même type d'activités, soit à la reprise d'établissements en difficulté exerçant le même type d'activités. (...) " ; qu'ont un caractère industriel, au sens des dispositions combinées des articles 1465 et 1647 C sexies du code général des impôts, les entreprises exerçant une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre est prépondérant ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société industrielle de Saint-Christophe a pour activité l'installation et la maintenance de structures métalliques chaudronnées et de tuyauterie ainsi que la fabrication d'ensembles spéciaux prêt à l'utilisation permettant d'améliorer des machines ou des lignes de fabrication ; que si l'activité de maintenance, qui représente la part la plus importante du chiffre d'affaires réalisé par la société requérante, ne peut être regardée comme une activité industrielle dès lors qu'elle ne concourt pas directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, il n'en va pas de même en revanche de l'activité de fabrication de pièces, d'éléments de charpente métallique ou de matériels spécifiques de levage que la société réalise à partir de la transformation de tôles, tubes ou autres matières métalliques dans un atelier de 2 200 m² situé sur le territoire de la commune de La Sentinelle (Nord) à l'aide d'installations techniques fixes et d'outillages mentionnés dans les comptes d'immobilisation produits pour la première fois en appel et qui sont de nature à établir l'importance des moyens mis en oeuvre pour cette activité de fabrication ; que cette dernière activité est physiquement dissociable de l'activité de maintenance avec la possibilité d'affecter tant des immobilisations que du personnel distinctement d'une activité à l'autre ; que, dans ces conditions, eu égard à la nature des opérations de fabrication effectuées en 2007 et 2008, et compte tenu de l'importance des moyens techniques mis en oeuvre pour la réaliser, la société requérante est fondée à soutenir que l'activité de fabrication doit être regardée comme une activité industrielle au sens des dispositions précitées de l'article 1647 C sexies du code général des impôts ;
5. Considérant que, pour l'application des dispositions citées au point 1 de l'article 1647 C sexies du code général des impôts, il y a également lieu de prendre en compte l'ensemble des salariés employés depuis au moins un an au 1er janvier de l'année d'imposition dans un établissement affecté à une activité ouvrant droit au bénéfice de l'exonération, sans tenir compte de la nature des fonctions que chaque salarié exerce au sein de cet établissement ;
6. Considérant qu'en l'espèce, si l'administration conteste de manière précise le nombre de salariés que la société requérante prétend avoir affectés à l'activité de fabrication pour déterminer le montant du crédit de taxe professionnelle dont elle se prévaut au titre des années 2007 et 2008, l'état du dossier ne permet pas à la cour de connaître le nombre exact de salariés employés à plein temps ou à temps partiel remplissant la condition d'ancienneté requise au 1er janvier de chacune des années concernées et affectés à l'activité de fabrication exercée par la société dans l'atelier situé sur le territoire de la commune de La Sentinelle, ni le prorata du temps de travail consacré par eux à cette activité ; qu'il y a donc lieu d'ordonner avant dire droit un supplément d'instruction contradictoire sur ce point afin de permettre à la société industrielle de Saint-Christophe de produire tous les éléments justificatifs de nature comptable ou autre qu'elle est la seule à détenir ;
En ce qui concerne la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle de l'année 2009 :
7. Considérant qu'en vertu des dispositions du 2° du II de l'article 1647 C sexies du code général des impôts, lorsqu'une zone d'emploi n'est plus reconnue en grande difficulté, les salariés situés dans cette zone continuent à ouvrir droit au crédit d'impôt pendant un an pour les établissements en ayant bénéficié au titre de deux années et pendant deux ans pour ceux en ayant bénéficié au titre d'une année ou n'en ayant pas bénéficié ; qu'il en résulte que seuls les établissements industriels peuvent se prévaloir de la clause de garantie instituée par ces dispositions dans l'hypothèse où la zone d'emploi au sein de laquelle est situé l'établissement en cause ne serait plus considérée comme une zone en grande difficulté ; que, par suite, dès lors, d'une part, que les arrêtés ministériels du 2 mai 2008 et du 24 juin 2009 relatifs aux années 2008 et 2009 n'intégraient plus la commune de La Sentinelle dans une zone d'emploi en grande difficulté et que, d'autre part, les premiers juges avaient considéré que le caractère industriel de l'activité de la société industrielle de Saint-Christophe n'était pas établi au titre des années 2007 et 2008, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé la décharge, à concurrence de 11 500 euros, de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle la société industrielle de Saint-Christophe a été assujettie au titre de l'année 2009 ;
8. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, l'activité de fabrication exercée en 2007 et en 2008 par la société industrielle de Saint-Christophe au sein de l'établissement situé sur le territoire de la commune de La Sentinelle doit être regardée comme une activité industrielle au sens des dispositions du code général des impôts citées au point 3, et partant comme devant bénéficier du crédit d'impôt ; que, par suite, et alors même que la commune précitée n'a plus été intégrée dans une zone d'emploi en grande difficulté postérieurement à l'année 2007, la société industrielle de Saint-Christophe est en droit de se prévaloir de la clause de garantie prévue par les dispositions du 2° du II de l'article 1647 C sexies du code général des impôts dès lors que pour l'année 2009, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, l'activité de fabrication exercée par cette société au cours de cette année doit également être regardée comme une activité industrielle ;
9. Considérant que si l'administration conteste précisément le nombre de salariés que la société requérante prétend avoir affectés à l'activité de fabrication pour déterminer le montant du crédit de taxe professionnelle dont elle se prévaut au titre de l'année 2009, l'état du dossier ne permet pas à la cour de connaître le nombre exact de salariés employés à plein temps ou à temps partiel remplissant la condition d'ancienneté requise au 1er janvier de cette année et affectés à La Sentinelle, ni le prorata du temps de travail consacré par eux à cette activité ; qu'il y a donc lieu d'ordonner avant dire droit un supplément d'instruction contradictoire sur ce point afin de permettre à la société industrielle de Saint-Christophe de produire tous les éléments justificatifs de nature comptable ou autre qu'elle est la seule à détenir ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la requête de la société industrielle de Saint-Christophe et du recours du ministre des finances et des comptes publics, procédé au supplément d'instruction dont l'objet est défini aux points 6 et 9 du présent arrêt.
Article 2 : Il est accordé à la société industrielle de Saint-Christophe un délai de deux mois à compter du présent arrêt pour faire parvenir à la cour administrative d'appel les éléments du supplément d'instruction ordonné par l'article 1er.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent jugement, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société industrielle de Saint-Christophe et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée pour information à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 26 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 février 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. LAVAIL DELLAPORTALe président de chambre,
Signé : M. B...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le Greffier
Marie-Thérèse Lévèque
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Nos14DA01271,14DA01454