Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2014, Mme B...G..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 mars 2014 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Lille à lui verser une somme de 92 014 euros en réparation des préjudices subis à la suite du décès de son époux ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Lille la somme de 3 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le suivi anesthésique avant et après l'intervention chirurgicale de son mari n'a pas été conforme aux règles de l'art dans la mesure où la prise en continu du traitement bétabloquant préconisé par le cardiologue n'a pas été assuré ;
- l'absence de transmission des données au sein de l'équipe médicale et de consignes imprécises laissées aux infirmières révèle une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ;
- ces fautes sont de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Lille ;
- le lien de causalité entre ces fautes et le décès de son mari est établi.
Par des mémoires, enregistrés le 16 septembre 2014 et le 9 juillet 2015, la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) par la voie de l'appel provoqué, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 12 mars 2014 ;
2°) de condamner le CHRU de Lille à lui verser une somme de 4 613,45 euros en remboursement de ses débours avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge du CHRU de Lille une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le CHRU de Lille a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité.
Par un mémoire, enregistré le 15 mai 2015, le centre hospitalier régional universitaire de Lille, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande présentée devant le tribunal administratif de Lille était tardive ;
- M. B...a été informé, lors de deux consultations pré-anesthésiques, de la nécessité d'apporter les médicaments qui lui ont été prescrits dans le cadre des traitements qu'il devait suivre et s'était engagé à les prendre ;
- il n'est pas établi que le fait de ne pas avoir administré à l'intéressé le bétabloquant le jour de l'intervention réalisée le 13 avril 2001 serait en lien direct et certain avec le décès du patient ;
- il pourra être fait droit au remboursement des frais d'obsèques sur présentation d'une facture acquittée ;
- la requérante ne produit aucun élément précis à l'appui de sa demande d'indemnisation de ses pertes de revenus ;
- la somme de 20 000 euros demandée au titre du préjudice moral doit être ramenée à de plus justes proportions.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 19 juin 2015, Mme B...G...conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.
Elle soutient, en outre, que :
- sa demande présentée devant les premiers juges n'est pas tardive ;
- elle a justifié du montant des frais d'obsèques de son mari ainsi que de celui de ses pertes de revenus.
Mme B...G...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 19 mai 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Milard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Guyau, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant Mme B...G....
1. Considérant que M.B..., alors âgé de 74 ans, a été admis le 21 mars 2001 au service orthopédique du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille pour y subir une intervention chirurgicale ayant pour objet la pose d'une prothèse de genou droit ; qu'en raison d'une arythmie cardiaque, l'intervention a été différée ; qu'ayant été à nouveau hospitalisé le 12 avril 2001 en vue de cette intervention qui s'est déroulée le lendemain, M. B...est décédé le 15 avril 2001 vers 14 heures ; que le tribunal correctionnel de Lille, dont le jugement du 2 juillet 2008 a été confirmé par un arrêt rendu le 8 septembre 2009 par la cour d'appel de Douai, a prononcé la relaxe des deux praticiens de l'établissement hospitalier à la suite de la plainte introduite à leur encontre par l'épouse de M.B... ; que cette dernière a alors recherché la responsabilité de l'établissement hospitalier à raison de fautes commises dans la prise en charge médicale de son mari ; que la requérante relève appel du jugement du 12 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser une somme de 92 014 euros en réparation des préjudices subis à la suite du décès de son époux ; que, par la voie de l'appel provoqué, la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF demande la condamnation du CHRU de Lille à lui verser une somme 4 613,45 euros en remboursement de ses débours ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des expertises ordonnées par le tribunal de grande instance de Lille, que si la prise en charge anesthésique a été satisfaisante lors de l'intervention chirurgicale de M.B..., le suivi anesthésique avant et après l'intervention ne peut pas être considéré comme conforme aux règles de l'art dans la mesure où l'équipe médicale ne s'est pas assurée de la prise continue du " Sotalex ", bétabloquant prescrit à M. B... et préconisée par son cardiologue pendant son hospitalisation ; que si à l'issue de la consultation pré-anesthésique, le médecin a estimé qu'il n'était pas nécessaire de poursuivre ce traitement le jour de l'intervention chirurgicale au vu des éléments médicaux alors en sa possession, le traitement a toutefois été interrompu à compter du 12 avril 2001, date de l'entrée à l'hôpital de M. B... et repris le 15 avril au matin, après l'intervention malgré les indications précises du cardiologue de l'intéressé ; qu'il résulte de ces éléments qu'il y a eu des négligences dans le suivi pré et post anesthésique de M.B... ; que, d'autre part, il ressort du même rapport d'expertise qu'il y a eu un défaut d'organisation du service dans la mesure où des consignes peu précises ont été données aux infirmières quant à la reprise du traitement habituel de M.B... le lendemain de l'intervention et que l'anesthésiste ayant examiné le patient la veille de l'intervention en visite pré-anesthésique n'a eu ni connaissance des courriers du cardiologue de l'intéressé quant à la nécessité de poursuivre le traitement bétabloquant par " Sotalex ", ni été informé de ce que la première intervention chirurgicale de M. B...avait été reportée en raison d'une arythmie cardiaque ; qu'il résulte de ces éléments qu'il y a ainsi eu faute dans l'organisation et le fonctionnement du service en ce qui concerne la transmission des données au sein de l'équipe médicale et dans les consignes données au personnel soignant ; que ces négligences fautives sont ainsi de nature à engager la responsabilité du CHRU de Lille ;
4. Considérant, toutefois, qu'il ressort de la même expertise qui fait référence au rapport d'autopsie pratiquée sur le défunt, que le coeur de M. B...présentait un infarctus du myocarde récent d'environ vingt-quatre heures et un infarctus ancien et que la cause de la mort ne peut être déterminée avec certitude ; que le collège d'experts n'est pas davantage en mesure de déterminer la cause certaine du décès de M.B..., qui souffrait d'une cardiopathie d'origine ischémique et d'angine de poitrine ; que si ce collège indique que le décès de M. B...est probablement lié à un trouble du rythme ventriculaire venu compliquer l'infarctus aigu dont il a été victime et que l'absence de prise du " Sotalex " a pu favoriser dans une certaine mesure cette complication, il résulte cependant de l'instruction, en particulier des mêmes travaux d'expertise, que la dernière prise de " Sotalex ", bétabloquant prescrit par le cardiologue de M.B..., a eu lieu le jeudi 12 avril 2001 matin avant l'hospitalisation de l'intéressé et la suivante, le samedi 15 avril 2001 à 10 heures du matin ; que les experts sont demeurés dans l'incapacité d'affirmer avec certitude que la prise d'un comprimé de 80 mg de " Sotalex " avait perdu toute efficacité dans la période de 2 heures 30 à 4 heures qui a suivi son administration alors que M. B...est décédé le même jour à 14 heures et ne peuvent davantage affirmer qu'il était inefficace alors qu'il ressort des termes d'un rapport établi le 12 juin 2008 par un professeur, expert judiciaire, attaché au service de pharmacologie du centre hospitalier universitaire de Limoges et dont les termes ont été contradictoirement débattus par les parties devant les juridictions judicaires citées au point 1, qu'il est tout aussi raisonnable de supposer que le médicament " Sotalex " administré à M.B..., eu égard au dosage prescrit, était encore efficace lorsque celui-ci est décédé ; qu'enfin, il résulte des expertises ordonnées par le tribunal de grande instance de Lille et des procès-verbaux de comparution d'un des médecins anesthésistes que le jour de l'intervention chirurgicale, il a administré à M. B...par voie intraveineuse un autre bétabloquant, le " Brévibloc ", dont il n'est pas établi par l'expertise qu'il n'aurait pu pallier efficacement les effets de l'interruption du " Sotalex " ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que le décès de M. B...serait lié de manière directe et certaine à l'interruption du traitement par le bétabloquant " Sotalex " ; que par suite, les conclusions indemnitaires de Mme B...G...doivent être rejetées ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier régional universitaire de Lille, que Mme B...G...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel provoqué, que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant au remboursement de ses débours ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de Mme B...G...tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et celles de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...G...est rejetée.
Article 2 : L'appel provoqué de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...B...G..., au centre hospitalier régional universitaire de Lille et à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF.
Délibéré après l'audience publique du 26 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Muriel Milard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 février 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. MILARDLe président de chambre,
Signé : M. D...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°14DA01206 6