Par un jugement n° 1804202 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a prononcé un non-lieu à statuer sur les demandes de Mme D... portant sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et désignant le pays de renvoi et a rejeté le surplus de ces demandes portant sur le refus de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2019, Mme D..., représentée par Me B... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 novembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 16 octobre 2018 par laquelle le préfet de l'Eure lui a refusé le séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir fondé sur un moyen de légalité interne ou de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir fondé sur un moyen de légalité externe, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 ;
- le décret n° 2010-112 du 2 février 2010 ;
- l'arrêté du 13 juin 2014 portant approbation du référentiel général de sécurité et précisant les modalités de mise en oeuvre de la procédure de validation des certificats électroniques ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Anne Khater, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... D..., ressortissante de République démocratique du Congo, née le 2 février 1974, déclare être entrée sur le territoire français le 24 juin 2012. Elle a sollicité l'asile, qui lui a été refusé en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 18 novembre 2013. Elle a ensuite sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour lequel le médecin de l'agence régionale de santé a émis un avis favorable le 13 juin 2016. Elle en a sollicité le renouvellement sur ce même fondement, pour lequel le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a émis un avis, le 1er août 2018, selon lequel si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par deux arrêtés du 16 octobre 2018, le préfet de l'Eure a refusé le séjour à Mme D..., l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a assignée à résidence. Par un jugement n° 1804202 du 12 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions du 16 octobre 2018 portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et fixation du pays de destination ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence. Par un jugement rendu le 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de Mme D... tendant à l'annulation de la décision du 16 octobre 2018 lui refusant le séjour. Mme D... relève appel de ce second jugement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives : " I. - Un référentiel général de sécurité fixe les règles que doivent respecter les fonctions des systèmes d'information contribuant à la sécurité des informations échangées par voie électronique telles que les fonctions d'identification, de signature électronique, de confidentialité et d'horodatage. Les conditions d'élaboration, d'approbation, de modification et de publication de ce référentiel sont fixées par décret. / II. - Lorsqu'une autorité administrative met en place un système d'information, elle détermine les fonctions de sécurité nécessaires pour protéger ce système. Pour les fonctions de sécurité traitées par le référentiel général de sécurité, elle fixe le niveau de sécurité requis parmi les niveaux prévus et respecte les règles correspondantes. Un décret précise les modalités d'application du présent II. / III. - Les produits de sécurité et les prestataires de services de confiance peuvent obtenir une qualification qui atteste de leur conformité à un niveau de sécurité du référentiel général de sécurité. Un décret précise les conditions de délivrance de cette qualification. Cette délivrance peut, s'agissant des prestataires de services de confiance, être confiée à un organisme privé habilité à cet effet ". Aux termes de l'article 1er du décret du 2 février 2010 pris pour l'application des articles 9, 10 et 12 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives : " Le référentiel général de sécurité prévu par l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 susvisée fixe les règles auxquelles les systèmes d'information mis en place par les autorités administratives doivent se conformer pour assurer la sécurité des informations échangées, et notamment leur confidentialité et leur intégrité, ainsi que la disponibilité et l'intégrité de ces systèmes et l'identification de leurs utilisateurs. / Ces règles sont définies selon des niveaux de sécurité prévus par le référentiel pour des fonctions de sécurité, telles que l'identification, la signature électronique, la confidentialité ou l'horodatage, qui permettent de répondre aux objectifs de sécurité mentionnés à l'alinéa précédent. / La conformité d'un produit de sécurité et d'un service de confiance à un niveau de sécurité prévu par ce référentiel peut être attestée par une qualification, le cas échéant à un degré donné, régie par le présent décret ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Le référentiel général de sécurité ainsi que ses mises à jour sont approuvés par arrêté du Premier ministre publié au Journal officiel de la République française. L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information concourt à l'élaboration de ce référentiel et à sa mise à jour en liaison avec la direction interministérielle du numérique. Ce référentiel est mis à disposition du public par voie électronique ". L'arrêté du 13 juin 2014 portant approbation du référentiel général de sécurité et précisant les modalités de mise en oeuvre de la procédure de validation des certificats électroniques approuve, en son article 1er, la version 2.0 du référentiel général de sécurité prévu à l'article 2 du décret du 2 février 2010 et, en son article 2, en assure la disponibilité par voie électronique sur le site internet de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information et sur le site internet du secrétariat général à la modernisation de l'action publique.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'avis émis le 1er août 2018 par l'Office français de l'immigration et de l'intégration comporte, outre la mention qu'il a été rendu par le collège de médecins de cet office au terme d'un délibéré, les noms et prénoms des trois médecins qui l'ont rendu et, pour chacun d'eux, leur signature numérisée. En outre, il est constant que les noms des médecins composant le collège de médecins ont également été portés sur le bordereau de transmission. En se bornant à soutenir qu'aucun élément ne permet de s'assurer de l'intégrité du procédé de signature électronique auquel les médecins signataires ont eu recours, sans expliquer en quoi ce procédé aurait méconnu les orientations du référentiel général de sécurité instauré par les dispositions précitées, Mme D... n'apporte pas les précisions suffisantes permettant d'apprécier le bien-fondé du moyen soulevé. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".
6. D'une part, Mme D... soutient qu'elle souffre d'un état dépressif et de stress post-traumatique, mais aussi d'autres problèmes de santé d'ordre gynécologique, qui ne peuvent être effectivement traités en République démocratique du Congo, contrairement à ce qu'a estimé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Elle fait valoir les défaillances systémiques du système de santé congolais, l'impossible traitement de ses problèmes psychiatriques dans un pays dans lequel est né le traumatisme et produit, à cet effet, des ordonnances de prescriptions médicamenteuses, des pièces justifiant de ce qu'elle a subi une hystérectomie en France et un rapport établi par une psychologue clinicienne qui indique qu'un retour réactiverait de façon massive et irrémédiable le traumatisme subi dans son pays d'origine. Toutefois, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, ce dernier rapport, bien que très circonstancié, n'est ni daté, ni signé et ne comporte aucun cachet institutionnel. Les faits qu'il relève dans l'anamnèse et l'histoire du suivi de Mme D... ne permettent en tout état de cause pas de considérer qu'il tient compte de l'état de santé de l'intéressée à la date de la demande de renouvellement du titre de séjour. Il en va de même pour les ordonnances de prescriptions produites qui sont toutes antérieures au mois d'avril 2017. Par ailleurs, il est constant que l'intervention pour hystérectomie ne nécessite plus de prise en charge médicale. Enfin, aucun des éléments avancés par Mme D..., et notamment sur l'état du système de santé en République démocratique du Congo, ne permet de sérieusement remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de l'Eure sur l'existence d'un traitement approprié à l'état de santé de Mme D... dont elle pourrait effectivement bénéficier dans son pays d'origine, alors que le préfet de l'Eure produit en défense la liste des médicaments disponibles dans ce pays pour prendre en charge le syndrome d'état dépressif post-traumatique dont elle est atteinte.
7. D'autre part, Mme D... se prévaut de l'erreur d'appréciation commise par le préfet de l'Eure sur la menace à l'ordre public qu'elle constituerait et qui ferait obstacle à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme D... a été condamnée, le 22 juin 2015, pour des faits de violences avec usage ou menace d'une arme ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours à une peine d'emprisonnement de dix-huit mois dont six mois ont été assortis du sursis. Compte tenu de la gravité des faits incriminés et de leur caractère récent, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de l'Eure a opposé à l'intéressée la menace à l'ordre public qu'elle constituait pour lui refuser la délivrance du titre de séjour sollicité.
8. Il résulte de ce qui a été énoncé aux points 6 et 7 du présent arrêt, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En troisième lieu, si Mme D... fait valoir qu'elle réside sur le territoire français depuis plus de quatre ans à la date de la décision attaquée, qu'elle bénéficie d'un suivi médical, qu'elle n'a plus de contact avec sa famille restée en République démocratique du Congo et que le centre de ses intérêts se situe en France, elle a vécu, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, jusqu'à l'âge de trente-huit ans dans son pays d'origine où résident son mari et ses quatre enfants. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans.(...) ". Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 9 du présent arrêt, que ni la situation médicale, ni la durée de présence sur le territoire français dont se prévaut Mme D..., ni sa situation personnelle et familiale ne suffisent à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 précité. Il en va de même, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, des risques de persécutions, qu'elle invoque, en cas de retour dans son pays d'origine et qui ne sont pas établis, la demande d'asile de Mme D... ayant d'ailleurs été rejetée. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
2
N°19DA02706