Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 26 juin 2018, le 8 août 2018 et le 26 avril 2019, M. A..., représenté par Me B... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 15 mai 2015 du directeur de l'institut départemental Albert Calmette ;
3°) de condamner cet établissement à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi ;
4°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'institut départemental Albert Calmette au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;
- l'arrêté du 12 mars 2013 relatif aux substances, préparations, médicaments classés comme stupéfiants ou soumis à la réglementation des stupéfiants dans les établissements de santé, les groupements de coopération sanitaire, les groupements de coopération sociale et médico-sociale, les établissements médico-sociaux mentionnés à l'article R. 5126-1 du code de la santé publique et les installations de chirurgie esthétique satisfaisant aux conditions prévues à l'article L. 6322-1 de ce même code et disposant d'une pharmacie à usage intérieur ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,
- et les observations de Me H... D... substituant Me B... C..., représentant M. A... et de Me F... I..., substituant Me G... J..., représentant l'institut départemental Albert Calmette.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui exerce depuis le 1er octobre 2005 les fonctions de préparateur en pharmacie à l'institut départemental Albert Calmette de Camiers, a demandé le 13 mai 2015 le bénéfice de la protection fonctionnelle à raison d'agissements constitutifs de harcèlement moral et discriminatoire dont il estime avoir été victime. Il relève appel du jugement du 26 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 15 mai 2015 du directeur de l'établissement refusant de faire droit à sa demande et d'autre part, à la condamnation de cet établissement à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de ces agissements.
En ce qui concerne les agissements allégués constitutifs de harcèlement moral :
2. D'une part, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires selon lequel : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". Aux termes de l'article 11 de cette loi, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ".
3. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
4. M. A... soutient qu'il a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de ses supérieurs hiérarchiques à raison de sa notation qui a été baissée à plusieurs reprises, de son isolement, du défaut de formation et d'accès au logiciel de travail Cortexte, du défaut de fourniture de matériels, de l'interdiction d'effectuer certaines tâches relevant de ses fonctions, de la notification de sanctions disciplinaires injustifiées, de l'exécution de tâches ne relevant pas des compétences d'un préparateur en pharmacie.
5. En premier lieu, si la note de M. A... qui était de 16,25 en 2006 n'a augmenté que de 0,25 point en dix ans, il ressort des fiches de notation et des comptes rendus des entretiens d'évaluation précis et détaillés sur la manière de servir de l'intéressé que, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le gel à quatre reprises de sa note entre 2007 et 2015 et la baisse à une reprise en 2011 sont justifiés par le comportement professionnel de M. A.... En appel, le requérant, en se bornant à indiquer que le bien-fondé des appréciations n'est pas établi, ne conteste pas sérieusement la description faite de sa manière de servir et n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges sur ce moyen qui doit dès lors être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par ces derniers au point 4 du jugement attaqué.
6. En deuxième lieu, M. A... soutient qu'il était isolé compte-tenu de la configuration des bureaux et qu'il lui était interdit d'accéder au bureau du pharmacien et d'entrer en contact avec le personnel soignant. Cependant, il ressort des pièces du dossier que M. A... dispose d'un bureau personnel attenant à celui de la pharmacienne et aucun élément produit par l'intéressé ne permet d'établir qu'il lui était interdit d'entrer en contact avec le personnel soignant.
7. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, la circonstance que des infirmières aient précisé que la visite et le contrôle des armoires à pharmacie n'étaient jamais effectués par M. A... mais par la pharmacienne n'est pas davantage de nature à établir une interdiction d'entrer en contact avec le personnel soignant. En outre, si l'intéressé ne pouvait délivrer les médicaments sans le contrôle effectif du pharmacien, cette restriction résulte des dispositions de l'article L. 4241-13 du code de la santé publique, selon lesquelles les préparateurs en pharmacie sont autorisés à seconder le pharmacien en ce qui concerne notamment la délivrance et la préparation des médicaments et ils exercent leurs fonctions sous la responsabilité et le contrôle effectif d'un pharmacien, et de celles de l'article 4 de l'arrêté du 12 mars 2013 susvisé concernant la délivrance des stupéfiants. Enfin, contrairement à ce que soutient M. A..., les tâches ponctuelles de nettoyage et de rangement des médicaments dans les rayonnages de la pharmacie pouvaient lui être confiées dès lors qu'il est chargé notamment de réceptionner les commandes de médicaments et de faire en sorte que ceux-ci puissent être délivrés rapidement.
8. En quatrième lieu, s'agissant des conditions de travail de M. A..., l'institut Albert Calmette justifie que l'intéressé a été inscrit en 2009 et 2010 aux sessions de formation du logiciel Cortexte, relatif au dossier informatisé du patient, et que lorsque ce logiciel a été redéployé à la pharmacie en 2012, la pharmacienne lui a proposé de lui réexpliquer ses fonctionnalités. Enfin, si M. A... soutient qu'il ne disposait pas du matériel nécessaire à l'exercice de ses missions, soit un ordonnancier et les clés du bureau du pharmacien afin d'accéder au stock de papeterie de la pharmacie, il ne l'établit pas par le seul incident isolé dont il fait état le 14 juin 2017.
9. En cinquième lieu, contrairement à ce que soutient M. A... qui prétend avoir été sanctionné à plusieurs reprises, les différents courriers qui lui ont été adressés en 2013 concernant des dysfonctionnements à la pharmacie et le mettant en garde sur ceux-ci n'ont été suivis d'aucune sanction. Un avertissement, qu'il n'a d'ailleurs pas contesté, a été prononcé à son encontre le 19 février 2014 pour insubordination, une désorganisation majeure au niveau de la pharmacie et du transport à la suite d'un refus d'effectuer une commande globale. Par ailleurs, si M. A... a fait l'objet de deux contrôles médicaux lors d'arrêts de travail, ceux-ci ont eu lieu en mai 2014 et en décembre 2015, soit à un an et demi d'intervalle et l'exercice de ce droit par le centre hospitalier, qui ne constitue pas une sanction infligée à l'intéressé, ne révèle pas en l'espèce, une attitude abusive de la part de l'employeur de M. A..., comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges. Enfin, si une retenue sur salaire a été envisagée, celle-ci est postérieure à la décision attaquée dès lors qu'elle concerne une absence injustifiée du 26 décembre 2017 au 29 décembre 2017. En outre, cette retenue n'a pas été mise en oeuvre à la suite de la réception de la justification de cette absence.
10. Il ne ressort pas de ces éléments, pris isolément ou dans leur ensemble, fondés, soit sur le non-respect par M. A... de ses obligations professionnelles, soit sur des éléments tenant à l'organisation et au bon fonctionnement du service de la pharmacie, que l'intéressé aurait été victime depuis sa prise de fonctions à l'institut Calmette jusqu'en 2015, date de la décision en litige, d'agissements répétés constitutifs de harcèlement moral. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le bénéfice de la protection fonctionnelle ne lui a pas été accordée à raison de ces agissements.
En ce qui concerne les agissements discriminatoires allégués :
11. En premier lieu, M. A... soutient qu'il a subi des agissements discriminatoires qui se sont accentués à compter de sa désignation en qualité de secrétaire de la section syndicale CGT en juillet 2012. Cependant, l'intéressé ne produit aucun élément probant permettant d'établir qu'il aurait subi une discrimination à raison de son activité syndicale alors qu'il a été autorisé en juin 2013 à bénéficier d'un congé pour formation syndicale, qu'en 2015, il a bénéficié d'une formation en qualité de représentant du personnel au comité technique d'établissement et que ses heures de décharge syndicale lui ont toujours été accordées. La seule circonstance que la section syndicale créée en 2012 a dû attendre deux à trois mois avant de disposer d'un bureau ne révèle pas une situation de discrimination vis à vis de M. A.... En outre, la suspicion alléguée à l'encontre de l'intéressé du fait de ses fonctions syndicales n'est pas établie par les pièces du dossier.
12. En second lieu, M. A... soutient qu'il a subi des propos discriminatoires tenant à sa race et à sa religion et produit une attestation d'un pharmacien qui a travaillé de manière très ponctuelle à ses côtés en 2007 et 2008, qui relate que les supérieurs hiérarchiques de M. A... l'auraient alerté sur les origines et la pratique religieuse de ce dernier. Les propos contenus dans cette attestation sont fermement contestés par le directeur de l'établissement hospitalier en fonction à l'époque et ne sont corroborés par aucune autre pièce du dossier, tel le dépôt d'une plainte pénale, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges. Par suite, les seuls éléments produits par M. A... ne permettent pas de faire présumer l'existence d'une atteinte au principe de non-discrimination à raison de l'origine ou de croyances religieuses. M. A... n'est ainsi pas fondé à soutenir que c'est à tort que le bénéfice de la protection fonctionnelle ne lui a pas été accordé à ce titre.
13. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par l'institut départemental Albert Calmette, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions indemnitaires et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A..., qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement à l'institut départemental Albert Calmette d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à l'institut départemental Albert Calmette une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et à l'institut départemental Albert Calmette.
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N°18DA01308