Par une requête, enregistrée le 22 mai 2019, la commune de Préseau, représentée par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille ;
3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- et les observations de Me B... D..., représentant la commune de Préseau.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération n° 6/2016 du 17 mars 2016, le conseil municipal de Préseau a adopté le budget primitif de la commune pour l'exercice de l'année 2016. La commune de Préseau relève appel du jugement du 7 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. A..., conseiller municipal, fait droit à sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". En application de ces dispositions, le maire est tenu de communiquer aux membres du conseil municipal les documents nécessaires pour qu'ils puissent se prononcer utilement sur les affaires de la commune soumises à leur délibération. Lorsqu'un membre du conseil municipal demande, sur le fondement de ces dispositions, la communication de documents, il appartient au maire, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'une part, d'apprécier si cette communication se rattache à une affaire de la commune qui fait l'objet d'une délibération du conseil municipal et, d'autre part, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général n'y fait obstacle, avant de procéder, le cas échéant, à cette communication selon des modalités appropriées. Ce droit à l'information des élus trouve à s'exercer indépendamment des dispositions du code général des collectivités territoriales imposant par ailleurs l'envoi aux élus de documents explicatifs lors de la convocation aux assemblées délibérantes.
3. Par courrier du 14 mars 2016, six conseillers municipaux, dont M. A..., ont demandé au maire de Préseau la communication de plusieurs documents relatifs au budget principal et au budget annexe, préalablement à la séance du conseil municipal du 17 mars 2016 consacrée à l'adoption du budget primitif de l'exercice 2016. Ces documents concernaient, pour le budget principal, le résultat de l'année 2015 de ce budget, la capacité d'autofinancement pour l'année 2016, la situation de la ligne de trésorerie souscrite au 1er mai 2015 pour un montant de 130 000 euros, la situation des différents emplois d'avenir, l'état des différents emplois vacataires et en contrat à durée déterminée, les notifications du sous-préfet et l'avis de la chambre régionale des comptes relatifs aux déséquilibres du budget principal et du budget annexe de l'exercice 2015, l'état des reports en section d'investissement, l'état des dépenses de fonctionnement 2015 engagées mais non mandatées correspondant à un service fait avant le 31 décembre 2015, le tableau d'amortissement 2016 des emprunts transmis par le comptable public, l'état de notification des taux d'imposition des taxes directes locales pour 2016, les dépenses prévisionnelles 2016 du centre de loisirs sans hébergement, tous les documents se rapportant à l'étalement de la subvention d'équilibre intégrée dans le budget principal et, d'autre part, pour le budget annexe, le résultat de l'année 2015 de ce budget, le courrier concernant les modalités de remboursement de l'emprunt souscrit auprès de la Caisse des dépôts et consignations, l'acte de vente du terrain auprès de la société Proteram, les notifications et les délibérations de toutes les subventions accordées pour la construction du pôle commerce, les engagements de l'ensemble des commerçants intégrant ce pôle et la copie des documents relatifs à l'offre de prêt des banques pour la construction du pôle commerce.
4. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Préseau n'a pas répondu à cette demande et n'a invoqué aucun motif d'intérêt général qui aurait fait obstacle à la communication des documents demandés. Si la commune soutient qu'elle a adressé, par un courrier électronique du 13 mars 2016 à l'ensemble des conseillers municipaux, une maquette du budget primitif qui comportait le détail des chiffres et, en annexe 2, les reports de recettes et de dépenses ainsi qu'une note explicative, cependant, elle n'établit pas, en l'absence de production des documents concernés qui auraient été joints à ce courriel, que ce courrier électronique comportait les informations demandées, toutes en rapport avec la délibération à voter.
5. Si la commune soutient aussi que le document relatif au montant des reports de dépenses et de recettes de l'année 2015 a été communiqué le 11 mars 2016 lors d'une réunion de travail à laquelle M. A... a été convié, dont l'objectif était de présenter les comptes administratifs 2015 ainsi que le budget primitif 2016 et que le détail du budget primitif a été délivré aux élus lors de cette séance, cette circonstance ne la dispensait pas d'adresser les documents demandés préalablement à la séance du conseil municipal.
6. Enfin, si la commune se prévaut de ce que la vivacité et la technicité des débats montrent que M. A... avait une connaissance suffisante quant aux données chiffrées demandées, cette circonstance est sans incidence sur le droit à l'information d'un membre du conseil municipal au titre de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales.
7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la commune n'établit pas avoir communiqué aux membres du conseil municipal, dont M. A..., les documents demandés nécessaires pour qu'ils puissent se prononcer utilement sur les affaires de la commune soumises à leur délibération, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales. Cette méconnaissance du droit d'information des élus les a privés d'une garantie substantielle dans l'exercice de leurs fonctions et a ainsi été de nature à entacher d'illégalité la délibération contestée. Par suite, la commune de Préseau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la délibération attaquée du 17 mars 2016.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales : " Le budget de la collectivité territoriale est en équilibre réel lorsque la section de fonctionnement et la section d'investissement sont respectivement votées en équilibre, les dépenses et les recettes ayant été évaluées de façon sincère, et lorsque le prélèvement sur les recettes de la section de fonctionnement au profit de la section d'investissement, ajouté aux recettes propres de cette section, à l'exclusion des produits d'emprunts, et éventuellement aux dotations des comptes d'amortissement et de provision, fournit des ressources suffisantes pour couvrir le remboursement en capital des annuités d'emprunt à échoir au cours de l'exercice ". Aux termes de l'article L. 2321-2 de ce code : " Les dépenses obligatoires comprennent notamment : / (...) 30° Les intérêts de la dette et les dépenses de remboursement de la dette en capital ". La commune de Préseau soutient qu'en vertu de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales, ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles, ce qui n'était pas le cas en mars 2016, à la date de l'adoption du budget primitif de la commune, dès lors que des négociations avec la Caisse des dépôts et consignations étaient en cours afin d'éviter des pénalités et que celles-ci ont duré jusqu'en 2018, date à laquelle un rééchelonnement de la dette a été décidé.
9. Il ressort des pièces du dossier que la commune a souscrit en décembre 2011 un emprunt auprès de la Caisse des dépôts et consignations et, selon ses écritures, des échanges ont eu lieu avec cette caisse pour connaître les possibilités de remboursement anticipé du montant de la vente d'un terrain. Si la commune soutient que les intérêts de cet emprunt n'étaient pas exigibles en mars 2016, elle ne produit toutefois aucun élément probant au soutien de ses allégations, les démarches entreprises auprès de la Caisse des dépôts et consignations visant essentiellement à éviter les pénalités de remboursement anticipé de cet emprunt et non le remboursement des intérêts de celui-ci. Dans ces conditions, le moyen de la commune de Préseau tiré de ce que les dettes de l'emprunt souscrit auprès de la Caisse des dépôts et consignations ne constituaient pas des dépenses exigibles devant être inscrites au budget primitif de la commune doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Préseau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la délibération n° 6/2016 du 17 mars 2016.
Sur les frais liés à l'instance :
11. La commune de Préseau a la qualité de partie perdante dans la présente instance et, par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Préseau est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Préseau, à M. C... A... et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
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N°19DA01166