Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2019, le préfet du Nord demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant nigérian, né le 29 juin 1983, entré en France le 12 octobre 2012 selon ses déclarations, a demandé son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision du 28 janvier 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 17 décembre 2014 de la Cour nationale du droit d'asile. M. A... a ensuite demandé, le 24 mai 2017, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 7 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 14 mars 2018 refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure.
Sur le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ".
3. Pour annuler l'arrêté du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions rappelées au point précédent, après avoir rappelé que le préfet du Nord s'était fondé sur un avis du 3 novembre 2017 du collège de médecins de l'OFII précisant que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale, le défaut éventuel de celle-ci ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, en estimant que les certificats médicaux des 24 avril 2018 et 7 août 2018 établis par un médecin psychiatre et un praticien hospitalier étaient de nature à contredire cet avis lequel ne se prononçait pas sur la disponibilité de ces médicaments prescrits dans le pays d'origine de M. A... alors que le médecin psychiatre indiquait que ce dernier ne pouvait recevoir le traitement qui lui est nécessaire dans son pays. Toutefois, si les certificats médicaux établis le 24 avril 2018, font état de ce que M. A... bénéficie d'un suivi psychiatrique régulier en raison d'un syndrome post-traumatique, ils se bornent cependant à préciser que l'état de l'intéressé nécessite une prise en charge en France et qu'il parait " peu probable " que les soins spécialisés qu'il reçoit existent au Nigéria. Si un autre certificat médical du 7 août 2018 évoque pour la première fois un risque suicidaire, celui-ci, établi postérieurement à la décision attaquée, ne permet pas à lui-seul d'établir que M. A... ne pourrait faire l'objet d'une prise en charge médicale au Nigéria alors que ce dernier ne démontre pas que sa pathologie est directement liée au traumatisme qu'il prétend avoir subi. Ces certificats médicaux ne sont ainsi pas de nature à infirmer l'avis émis le 3 novembre 2017 par le collège de médecins de l'OFII quant à l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut éventuel de prise en charge médicale. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que l'arrêté en litige n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu ce motif pour annuler l'arrêté du 14 mars 2018.
4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens présentés par M. A... devant le tribunal administratif et la cour.
Sur le moyen commun aux décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français :
5. Par un arrêté du 7 février 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord n° 29 du 7 février 2018, le préfet du Nord a donné délégation à Mme C... B..., attachée principale, cheffe de bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière à la préfecture du Nord, signataire des décisions en litige, à l'effet de signer les décisions portant refus de séjour, les décisions portant obligations de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire et celles fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de ces décisions doit être écarté.
Sur le refus de titre de séjour :
6. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...). ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
7. Par un arrêté du 8 juin 2017 modifiant la décision du 17 janvier 2017 portant désignation au collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le directeur général de cet office a arrêté la liste des médecins désignés pour participer au collège à compétence nationale de l'OFII, parmi lesquels figurent les trois médecins, signataires de l'avis émis le 3 novembre 2017 relatif à l'état de santé de M. A.... Par suite, le moyen tiré de l'incompétence des signataires de cet avis doit être écarté.
8. Il résulte des dispositions précitées que l'avis émis le 3 novembre 2017 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'avait pas à comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical relatif à l'état de santé de M. A.... Il ressort ensuite du bordereau de transmission du 5 juillet 2018, signé pour le directeur de l'OFII par la directrice territoriale adjointe de Lille, que le médecin instructeur ayant rédigé le rapport transmis au collège de médecins au vu duquel il a émis son avis n'a pas siégé au sein de ce collège. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de cet avis et ainsi du vice de procédure doit être écarté.
9. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
10. M. A... fait valoir qu'il a tissé des liens amicaux forts en France depuis son arrivée sur le territoire français, six ans avant l'intervention de l'arrêté en litige et qu'il justifie de sa volonté d'intégration par une activité de bénévole au sein d'une association caritative. Cependant, il est célibataire, sans enfant à charge et ne justifie pas de liens intenses et stables en France. En outre, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent ses parents, pays qu'il a quitté à l'âge de vingt-neuf ans. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi et n'a, par suite, pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.
12. Pour le même motif que celui énoncé au point 3, l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit également être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. Si M. A... soutient qu'il serait menacé en cas de retour au Nigéria en raison notamment de son orientation homosexuelle, il ne produit pas d'élément nouveau relatif aux risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine, ni d'élément circonstancié de nature à établir la réalité et l'actualité des risques qu'il prétend encourir au Nigéria alors qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile formulée par l'intéressée a été rejetée par deux une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 janvier 2014 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 17 décembre 2014. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 14 mars 2018 en litige. Par voie de conséquence, les conclusions de M. A... à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 par le conseil de l'intéressé doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1805598 du 7 décembre 2018 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de M. A... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... A....
Copie sera adressée au préfet du Nord.
N°19DA00052 2