Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2019, Mme A... D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jours de retard ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer dans l'attente de ce réexamen un récépissé de demande de titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°10-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante arménienne, relève appel du jugement du 2 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le préfet du Nord a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.
Sur le refus d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'avis médical concernant Mme D... du 5 avril 2017, porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émet l'avis suivant " et a aussi été signé par les trois médecins composant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'appelante ne produit aucun commencement de preuve de ce que les médecins n'auraient pas délibéré de façon collégiale conformément à la mention figurant sur cet avis. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie tirée du débat collégial du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
6. Il ressort des termes mêmes de l'avis du 5 avril 2017 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais pour lequel elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. L'appelante se réfère à un certificat qui évoquerait une indisponibilité en Arménie du traitement qui lui est nécessaire. Ce dernier, daté du 12 novembre 2018, et donc postérieur à l'arrêté attaqué, serait rédigé par un médecin précisant que, selon les termes de la requête " ces pathologies requièrent des soins constants et un suivi médical régulier. Il semble qu'elle ne peut accéder à ce niveau de soins dans son pays, et doit rester en France pour y être soigner (sic) à titre humanitaire et solidaire. ". Ces appréciations, non circonstanciées et dépourvues de tout élément d'explication, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet du Nord au vu notamment de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à l'intéressée un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Nord n'a pas méconnu ces dispositions.
7. Mme D... soutient résider en France de manière continue depuis 2009 avec son mari, qu'elle a épousé en 1985, mais elle ne le démontre pas. Elle se prévaut également de son insertion sociale sans apporter d'éléments probants. Elle ne justifie pas non plus être isolée en cas de retour en Arménie où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-six ans. Enfin, elle n'établit pas qu'un retour dans son pays d'origine aggraverait la pathologie dont elle est atteinte. Dans ces conditions, le préfet du Nord n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de séjour prise à l'encontre de Mme D... doit être écarté.
9. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination qui sont prises concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Mme D..., qui au demeurant n'apporte aucune précision au sujet des éléments qu'elle aurait pu porter à la connaissance de l'administration si elle avait été invitée à le faire, n'est dès lors pas fondée à soutenir, en tout état de cause, que l'arrêté en litige est entaché d'un vice de procédure à ce titre.
Sur la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :
10. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français prises à l'encontre de Mme D... doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente à fin d'injonction sous astreinte et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me C... B....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
5
N°19DA00228