Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mai 2018, le préfet du Nord demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C-166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014 ;
- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de son interpellation par les services de police le 23 janvier 2018, M. B..., de nationalité algérienne né le 10 juillet 1980, a fait l'objet le même jour d'un arrêté du préfet du Nord l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 14 février 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.
2. Pour annuler l'arrêté en litige, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a estimé que le préfet du Nord avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que M. B...est marié avec une compatriote vivant en France, qu'il est père d'un enfant né sur le territoire français et que l'enfant de sa soeur nécessite des soins particuliers, auxquels il contribue. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M.B..., entré en France le 11 décembre 2014, s'il est marié avec une compatriote avec laquelle il a eu un enfant, né le 2 décembre 2016 à Roubaix, n'établit, ni même allègue que celle-ci serait en situation régulière. En outre, l'intéressé ne justifie d'aucune intégration professionnelle, ni même d'une intégration particulière en France dès lors que quatre ans après son arrivée sur le territoire, il ne parle pas le français, ayant demandé le concours d'un interprète lors de son interpellation. Il ne démontre pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie privée et familiale en dehors du territoire français, notamment en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans et où il n'établit pas être isolé. Enfin, si M. B...fait valoir qu'il aide sa soeur dans la prise en charge de son enfant handicapé, il ne produit aucun élément au soutien de ses allégations. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, et notamment des conditions de séjour sur le territoire français du requérant, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, pour ce motif, annulé l'arrêté du 23 janvier 2018.
3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Lille.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
4. Par un arrêté du 14 décembre 2017, publié le 18 décembre 2017 au recueil spécial n° 282 des actes administratifs de la préfecture du Nord, le préfet du Nord a donné délégation à M. C...A..., chargé de mission auprès de la cheffe de la section de l'éloignement, pour signer, notamment, les obligations de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées doit être écarté.
5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Nord a produit, devant le premier juge, le relevé des informations de la base de données " TelemOfpra ", tenue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, selon lequel la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 13 octobre 2015 a été notifiée à l'intéressé le 1er mars 2016. En application des dispositions précitées de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire. M.B..., qui ne fait état d'aucun élément contraire, de nature à remettre en cause l'exactitude de ces mentions, n'est par suite pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas reçu notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile antérieurement à l'arrêté en litige.
6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour.
7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition signé par l'intéressé, que M. B...a été entendu individuellement par les services de police le 23 janvier 2018, en particulier en ce qui concerne son âge, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches dans son pays d'origine, ainsi qu'en ce qui concerne les conditions de son entrée en France et de son hébergement. Il a, également, été informé qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prise par l'autorité préfectorale et a été invité à faire connaître ses observations sur cette éventualité. Dans ces conditions, M. B...n'a pas été privé du droit d'être entendu et de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu, doit être écarté.
Sur le refus de délai de départ volontaire :
8. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".
9. La décision en litige vise le c) et le f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, elle mentionne que M. B...ne présente pas de garanties de représentation suffisantes notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'il s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son attestation de demandeur d'asile et que dans ces circonstances, il convient de ne pas lui octroyer de délai de départ volontaire. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.
10. M. B...soutient que la décision en litige est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation. Cependant, ces moyens ne sont assortis d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
11. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des moyens soulevés par M. B...à l'encontre de l'arrêté préfectoral n'est fondé. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté en litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 14 février 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...B....
Copie sera adressée au préfet du Nord.
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N°18DA00987