Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 août 2018, M.A..., représenté par Me C... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 février 2018 de la préfète de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C-166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant guinéen, né le 2 février 1996, entré en France le 15 septembre 2016 selon ses déclarations, a demandé, le 24 novembre 2016, son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision du 23 mars 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 12 décembre 2017 de la Cour nationale du droit d'asile. Il relève appel du jugement du 13 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 février 2018 de la préfète de la Seine-Maritime lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. La décision en litige vise le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile rejetant la demande d'asile de M. A.... Elle énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles la préfète de la Seine-Maritime s'est fondée pour obliger le requérant à quitter le territoire français. Cette mesure est, par suite, suffisamment motivée au regard des exigences du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Toutefois, dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 du même code, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de reconnaissance de sa qualité de réfugié. Lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection internationale, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ainsi que l'indique le " Guide du demandeur d'asile en France " qui lui a été remis à l'occasion du dépôt de sa demande. Il lui appartenait, à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il jugeait utile, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'imposait pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire. Ainsi, la circonstance que M. A... n'ait pas été invité à formuler des observations avant l'édiction de la décision d'éloignement ne permet pas de le regarder comme ayant été privé de son droit à être entendu. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu tel que garanti par le principe général du droit de l'Union européenne doit, dès lors, être écarté.
4. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / (...) ".
5. Dès lors qu'elle dispose d'éléments d'informations suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie qu'elle prévoit des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
6. M. A...ne justifie pas avoir, préalablement à la décision du 2 février 2018 en litige, transmis aux services de la préfecture des informations suffisamment précises et circonstanciées établissant qu'il était susceptible de bénéficier des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la préfète de la Seine-Maritime n'était pas tenue de saisir le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration préalablement au prononcé de la mesure d'éloignement contestée.
7. M. A...réitère son moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle. Cependant, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le premier juge sur ce moyen. Par suite, il y a lieu, par adoption du motif retenu à bon droit par le premier juge de l'écarter.
8. M. A... n'établit pas, par la seule production devant le tribunal administratif d'ordonnances de prescription médicales et d'un certificat médical peu circonstancié faisant état de ce qu'il est atteint d'une hépatite B et a une ferritine basse, être exposé à des conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de prise en charge de sa pathologie, ni en tout état de cause ne pouvoir bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. M. A...fait valoir que ses parents sont décédés et que sa soeur s'est réfugiée en Guinée Bissau. Cependant, M.A..., qui est entré en France à l'âge de vingt-ans, est célibataire, sans charge de famille et n'établit pas avoir tissé des liens d'une particulière intensité sur le territoire français où il y réside depuis seulement dix-huit mois. Il ne démontre pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie privée et familiale hors de France. En outre, sa durée de séjour en France est consécutive à sa procédure de demande du statut de réfugié et du recours qu'il a formé contre le rejet de sa demande. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour sur le territoire français du requérant, la préfète de la Seine-Maritime, qui a examiné la situation de M. A...tant au regard de sa vie privée que de sa vie familiale, n'a pas, en prenant la décision en litige, entaché celle-ci d'une erreur de droit. Elle n'a pas davantage porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur dans l'appréciation de sa situation au regard de sa vie privée et familiale, ni d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur le pays de destination :
10. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 3, le moyen tiré de ce que M. A...aurait été privé de son droit d'être entendu, conformément au principe général du droit de l'Union européenne doit être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.
12. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
13. M. A...se prévaut des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, il ne produit aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques personnels, directs et actuels qu'il encourrait. Au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée le 23 mars 2017 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 12 décembre 2017. Par suite, la préfète de la Seine-Maritime, qui ne s'est pas sentie liée par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, n'a pas, en prenant la décision en litige, méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Pour les mêmes motifs que ceux retenus précédemment, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle au regard des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine et celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé doivent également être écartés.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°18DA01703