Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 août 2018, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet du Pas-de-Calais interjette appel du jugement du 26 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. A..., ressortissant albanais né le 9 février 1983, annulé son arrêté du 16 juillet 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de retour et prononçant à son encontre une interdiction de revenir sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an avec signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné :
2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 531-1 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Par dérogation aux articles (...) L. 511-1 à L. 511-3 (...), l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009 ".
3. Il ressort du procès-verbal de l'audition de M. A...par les services de la police aux frontières du Pas-de-Calais que l'intéressé, qui ne détenait, au moment de son interpellation, que son passeport biométrique albanais, n'a, à aucun moment durant son audition, signalé avoir résidé en Italie ni y être autorisé à séjourner. Le préfet du Pas-de-Calais n'a été informé de la possession, par M.A..., d'une carte d'assurance maladie italienne et d'un titre de séjour italien en cours de renouvellement que par le recours gracieux introduit par l'intéressé postérieurement à la décision en litige. Il ressort en outre du procès-verbal d'audition que M. A...n'a aucunement sollicité sa remise aux autorités italiennes. Dans ces conditions, le préfet du Pas-de-Calais a pu, sans entacher sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M. A..., décider de l'obliger à quitter le territoire français sans délai. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé, pour ce motif, son arrêté du 16 juillet 2018 faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire.
4. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Lille.
Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions :
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige a été signé, au nom du préfet du Pas-de-Calais, par M. D...B..., chef du bureau de l'éloignement, bénéficiant d'une délégation de signature à l'effet notamment de signer les décisions en litige, qui lui a été conférée par arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 18 décembre 2017, publié au recueil des actes administratifs spécial n° 121 du même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contenues dans l'arrêté du 16 juillet 2018 ne peut qu'être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. L'arrêté du 16 juillet 2018 comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Pas-de-Calais s'est fondé pour obliger M. A... à quitter le territoire français. Cette obligation est, ainsi, suffisamment motivée au regard des exigences du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'État membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les États membres de l'Union européenne. (...) ". Et aux termes de l'article L. 531-2 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " L'article L. 531-1 est applicable à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité (...) ".
8. Il ressort de ces dispositions que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre.
9. Ainsi qu'il a été dit au point 3, il ressort des pièces du dossier que M. A...n'a, à aucun moment de son audition, informé l'autorité administrative de ce qu'il était titulaire d'un titre de séjour italien. Il n'a pas signalé avoir séjourné en Italie, ni demandé à être reconduit dans ce pays. Dans ces conditions, le préfet du Pas-de-Calais n'était pas tenu d'examiner s'il y avait lieu de le reconduire en priorité vers l'Italie ou de le réadmettre dans cet Etat, avant de prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle doit, pour les mêmes motifs, être écarté.
Sur la décision lui refusant un délai de départ volontaire :
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire.
11. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...). Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a été interpellé alors qu'il tentait de se rendre en Grande-Bretagne, sans disposer de visa, qu'il est entré irrégulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, et n'a pas déclaré de résidence effective et permanente. Dans ces conditions, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation en lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
13. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. A...n'a, à aucun moment de son audition, signalé avoir résidé en Italie, ni n'a demandé à y être reconduit, ou à pouvoir y retourner. Il ne justifie pas avoir sa résidence effective en Italie, alors qu'il a déclaré souhaiter se rendre en Angleterre. Dans ces conditions, M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'en fixant le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi, le préfet du Pas-de-Calais a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 9 que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
15. Il ressort des termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
16. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
17. La décision contestée fait état de la durée de séjour en France de M.A..., à savoir une journée, de l'absence de menace à l'ordre public et d'une précédente mesure d'éloignement, et de l'absence de liens privés et familiaux sur le territoire français. Cette motivation est conforme aux exigences rappelées aux deux points précédents. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français serait insuffisamment motivée doit être écarté.
18. Si M. A... soutient qu'il n'a pas été destinataire de l'information prévue par l'article 42 du règlement du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération, conformément aux exigences de la directive du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision lui interdisant le retour sur le territoire français. Au demeurant, l'intéressé a été informé, aux termes de l'article 2 de l'arrêté en litige, qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
19. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 9, que les moyens tirés, par voie d'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision relative au délai de départ volontaire doivent être écartés.
20. Ainsi qu'il a été dit au point 17, M. A... n'avait séjourné qu'un jour sur le territoire français, où il n'a aucune attache, lorsque l'arrêté contesté a été pris. Il résulte en outre des stipulations de l'article 25 de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990, modifiée, que lorsqu'un étranger est titulaire d'un titre de séjour délivré par l'une des parties contractantes, l'Etat signalant limite l'inscription de l'intéressé à sa liste nationale de signalement, à moins que l'Etat qui a délivré ce titre, saisi par l'Etat signalant, estime qu'il existe des motifs sérieux pour retirer le titre de séjour. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. A..., la décision d'interdiction de retour prise à son encontre n'a pas, par elle-même, pour effet de lui interdire de se rendre sur le territoire de l'Etat italien où il dispose d'un titre de séjour expiré dont il avait, à la date de la décision attaquée, demandé le renouvellement. M. A...ne se prévaut, par ailleurs, d'aucune attache familiale en Italie ou en France. Il s'ensuit qu'en prenant à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation.
21. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 16 juillet 2018. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte, présentées par M. A...devant le tribunal administratif de Lille, doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 26 juillet 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...A....
Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.
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N°18DA01776