Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2018, M.D..., représenté par Me B...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 avril 2018 du préfet du Nord ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C-166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014 ;
- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...D..., ressortissant malien né le 1er novembre 1999, entré en France le 8 décembre 2015 selon ses déclarations à l'âge de seize ans, a été interpellé par les services de police le 5 avril 2018 dans un foyer pour mineur. Il relève appel du jugement du 5 juin 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2018 du préfet du Nord lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.
Sur les moyens communs aux décisions attaquées :
2. M. D...réitère ses moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des décisions en litige et de leur insuffisance de motivation. Cependant, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le premier juge sur ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, de les écarter.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
3. M. D...réitère son moyen tiré du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle. Cependant, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le premier juge sur ce moyen. Par suite, il y a lieu, par adoption du motif retenu à bon droit par le premier juge, de l'écarter.
4. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour.
5. Il ressort du procès-verbal d'audition de M. D...du 5 avril 2018 que celui-ci a été informé, préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, de la possibilité qu'une telle mesure soit prise à son encontre, et invité à présenter ses observations sur ce point. Il a ainsi pu être entendu sur l'irrégularité de son séjour et sur la perspective de son éloignement. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu, doit être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que, pour obliger M. D...à quitter le territoire français, le préfet du Nord s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, conformément à l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et quand bien même le préfet n'aurait pas fait état de la qualité de mineur isolé de l'intéressé, M.D..., qui n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, entrait dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions et de l'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard de ces dispositions doivent être écartés.
8. M. D...réitère ses moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard de ces dispositions. Cependant, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le premier juge sur ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, de les écarter.
9. M.D..., qui est entré en France à l'âge de seize ans, est célibataire, sans charge de famille et n'établit pas avoir tissé des liens d'une particulière intensité sur le territoire français. En outre, il ressort du procès-verbal d'audition qu'il dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour sur le territoire français du requérant, la décision en litige n'a pas porté au droit de M. D...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard de sa vie privée et familiale.
Sur la décision de refus de délai de départ volontaire :
10. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.
11. Aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) ".
12. M. D...est entré irrégulièrement en France en décembre 2015 et ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, ni être en possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité. Dès lors, en application des dispositions du a) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées, le risque de fuite pouvait être regardé comme établi, ce qui justifiait que le préfet décide de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire. Le requérant ne fait valoir aucune circonstance particulière qui aurait justifié l'octroi d'un tel délai, dont il ne précise d'ailleurs pas la durée. Par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord, qui s'est fondé sur un motif surabondant tiré de la méconnaissance du e) des dispositions précitées, aurait commis une erreur dans l'appréciation de sa situation personnelle au regard de ces dispositions.
Sur le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
14. Si M. D...soutient qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine, il ne produit aucun élément au soutien de ses allégations. Il n'a d'ailleurs jamais sollicité l'asile en France. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
15. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / (...) ".
16. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision d'obligation de quitter le territoire français sans délai doit être écarté.
17. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire résultant du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu doit être écarté.
18. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressé doivent également être écartés.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
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N°18DA02001