Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 août 2018, M.F..., représenté par Me B... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Eure du 10 août 2017 et la décision du 3 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour et de lui restituer son passeport dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.F..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 18 mai 1986, interjette appel du jugement du 5 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 août 2017 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de retour, et de la décision de saisie de son passeport du 3 octobre 2017.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort de la minute du jugement produite avec les pièces du dossier de première instance que cette décision a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier. Elle est ainsi conforme aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été adressée à M. F... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de celui-ci.
Sur la légalité de l'arrêté du 10 août 2017 :
4. En vertu de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et permettent à M. F... d'en comprendre les motifs. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
5. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M.F..., qui soutient être entré régulièrement en France en 2002, est père de deux filles nées en 2003 et en 2004, qu'il a reconnues en 2006 et dont l'aînée est de nationalité française. M. F...produit des mandats cash datant de 2008 à 2010 et une attestation très peu circonstanciée de la mère de l'enfant, indiquant que s'il ne peut participer financièrement à son entretien, M. F...est " présent pour sa fille ". Ces éléments, en l'absence notamment de précisions sur la nature et la fréquence des relations que l'intéressé entretiendrait avec sa fille, ne permettent pas d'établir qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de cette adolescente depuis au moins deux ans. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les dispositions citées au point précédent du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. S'il ressort des pièces du dossier que M. F...est entré en France en 2002 à l'âge de seize ans, sa présence continue sur le territoire depuis cette date n'est pas établie par les documents produits par l'intéressé, qui permettent tout au plus de constater une présence épisodique sur le territoire. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, M. F...n'établit pas entretenir de relations suivies avec sa fille aînée. Il est en outre constant qu'il ne participe pas à l'éducation de sa benjamine. Le requérant n'établit ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, ni avoir noué en France des liens affectifs d'une particulière intensité. S'il produit une demande de licence de football pour l'année 2011 et une promesse d'embauche, au demeurant postérieure à la décision en litige, ces éléments ne suffisent pas à établir que M. F..., qui ne fait pas état d'une insertion particulière dans la société française, et a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré, aurait déplacé en France le centre de ses intérêts personnels. Dans ces conditions, l'arrêté en litige ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 doit, par suite, être écarté.
8. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
9. M. F...se prévaut d'une présence continue sur le territoire français depuis 2002. Il produit des avis d'imposition pour les années 2009, 2010, 2012, 2016 et 2017, sans revenus déclarés, quelques documents administratifs datant de 2011, 2012 et 2016, et des mandats cash datant de 2008 à 2010. Ces documents ne sont pas suffisamment nombreux et diversifiés pour établir sa présence effective en France durant une période de dix ans, mais témoignent, tout au plus, d'une présence ponctuelle sur le territoire français. Le requérant, qui ne démontre pas ainsi avoir eu sa résidence habituelle sur le territoire national durant les dix années précédant la décision lui refusant un titre de séjour, et qui, ainsi qu'il a été dit aux points 6 et 7, n'établit pas devoir bénéficier de plein droit d'un titre de séjour, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Eure était tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur sa demande.
10. Ainsi qu'il a été dit aux points 6, 7 et 9, M. F...n'établit pas participer à l'éducation de ses filles, ni même entretenir des relations paternelles avec elles. Il n'établit ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, ni avoir tissé des liens d'une intensité particulière en France. Il ne fait valoir aucun motif exceptionnel ou considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
11. Si M. F...soutient qu'il n'est pas entré en France en 2000 et, n'ayant que quatorze ans à cette date, ne pouvait avoir fait l'objet d'un rejet de demande d'asile, cette mention, à la supposer erronée, dans l'arrêté en litige, ne suffit pas, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, à entacher celui-ci d'illégalité. Il résulte en outre de ce qui a été dit aux points 6 à 10 que le préfet de l'Eure n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M.F....
Sur la légalité de la décision de saisie de passeport :
12. La décision de saisie du passeport de M. F...a été prise par M. E... A..., chef du bureau migration et intégration de la préfecture de l'Eure, qui bénéficiait pour ce faire d'une délégation de signature du préfet de l'Eure consentie par arrêté du 9 mai 2017 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de l'Eure du même jour. La circonstance que cet arrêté n'ait pas été visé dans la décision en litige est sans incidence sur sa légalité. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige ne peut, dès lors, qu'être écarté.
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 11 que M. F...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'arrêté du 10 août 2017 au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision de saisie de son passeport du 3 octobre 2017.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1990 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M.F..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme au titre des frais non compris dans les dépens exposés par le préfet de l'Eure.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet de l'Eure présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...F...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de l'Eure.
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N°18DA01752