2°) de rejeter les conclusions de la demande de Mme C...dirigées contre l'arrêté du 13 avril 2018.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Christine Courault, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de son interpellation par les services de police le 10 avril 2018, Mme F...C..., ressortissante ivoirienne née le 30 décembre 1988, a fait l'objet le même jour d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi ainsi que d'une décision de placement en rétention administrative. Le 13 avril 2018, l'intéressée, alors qu'elle était encore en rétention administrative, a déposé une demande d'asile. Par un arrêté du même jour, le préfet du Pas-de-Calais a prononcé le maintien en rétention de l'intéressée sur le fondement de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Pas-de-Calais interjette appel du jugement du 11 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 13 avril 2018 prononçant le maintien en rétention de MmeC....
Sur le bien-fondé du jugement :
2 Aux termes des dispositions de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger placé en rétention en application de l'article L. 551-1 présente une demande d'asile, l'autorité administrative peut, si elle estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, maintenir l'intéressé en rétention le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celui-ci, dans l'attente de son départ (...) La décision de maintien en rétention est écrite et motivée. (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées que, hors le cas particulier où il a été placé en rétention en vue de l'exécution d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, prises en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il doit en principe être mis fin à la rétention administrative d'un étranger qui formule une demande d'asile. Toutefois, l'administration peut maintenir l'intéressé en rétention, par une décision écrite et motivée, dans le cas où elle estime que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre.
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal du 10 avril 2018 de l'audition de MmeC..., produit pour la première fois en appel par le préfet, que l'intéressée a déclaré être entrée en France une première fois le 23 mars 2018, qu'elle s'y est maintenue jusqu'au 25 mars 2018, date à laquelle elle est retournée dans son pays d'origine avant de revenir en France le 2 avril 2018. Par ailleurs, elle n'a présenté de demande d'asile ni lors de ses entrées sur le territoire, ni lors de son audition par les services de police le 10 avril 2018, ni lorsqu'elle a fait l'objet le même jour, d'une mesure d'éloignement et d'un placement en rétention. Invitée à formuler des observations dans l'hypothèse où elle ferait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, elle a alors indiqué qu'elle ne souhaitait pas retourner dans son pays d'origine afin d'éviter d'être mariée par ses parents contre sa volonté. A aucun moment, elle n'a fait état d'une quelconque volonté de solliciter l'asile en France alors même qu'elle a déclaré au cours de son audition s'être procurée un faux document d'identité afin de se rendre au Royaume-Uni " voir si la vie était plus facile ". Dans ces conditions, le préfet, en se fondant sur les conditions d'entrée de l'intéressée ainsi que sur l'absence initiale de tout élément fourni par l'intéressée lors de son interpellation et de son audition par les services de police, a pu sans commettre d'erreur d'appréciation au vu de ces données objectives, estimer que cette demande avait été présentée par l'intéressée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, et décider en conséquence de maintenir son placement en rétention pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de l'erreur d'appréciation pour annuler son arrêté du 13 avril 2018.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...devant le tribunal administratif de Lille.
Sur les autres moyens soulevés en première instance par Mme C...à l'encontre de l'arrêté portant maintien en rétention du 13 avril 2018 :
7. Par un arrêté du 18 décembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 121 du même jour, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. E... B..., chef du bureau du contentieux du droit des étrangers, à l'effet de signer, notamment la décision contestée en cas d'absence ou d'empêchement de M. D...A..., directeur des migrations et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'auteur de la décision en litige doit être écarté.
8. La décision du 13 avril 2018 en litige vise les textes sur lesquels elle se fonde, après avoir notamment cité l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionné que Mme C...a fait l'objet d'un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et ordonnant son placement en rétention le 10 avril 2018, fait état de la demande d'asile présentée le 13 avril 2018 par Mme C... alors qu'elle était en rétention, et indique de manière précise et circonstanciée les motifs pour lesquels sa demande doit être regardée comme ayant été introduite dans le seul but de faire échec à son éloignement ainsi que ceux pour lesquels elle est maintenue en rétention durant l'examen de sa demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité, jusqu'à son éloignement. La décision portant maintien du placement en rétention, qui comporte les éléments de droit et de fait en constituant le fondement, est, par suite, suffisamment motivée.
9. Aux termes de l'article 8 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu'elle est un demandeur conformément à la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. 2. Lorsque cela s'avère nécessaire et sur la base d'une appréciation au cas par cas, les États membres peuvent placer un demandeur en rétention, si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées. 3. Un demandeur ne peut être placé en rétention que : (...) d) lorsque le demandeur est placé en rétention dans le cadre d'une procédure de retour au titre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, pour préparer le retour et/ou procéder à l'éloignement, et lorsque l'État membre concerné peut justifier sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d'accéder à la procédure d'asile, qu'il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou d'empêcher l'exécution de la décision de retour ; / (...) / 4. Les motifs du placement en rétention sont définis par le droit national. "
10. S'il incombe aux Etats membres, en vertu du paragraphe 4 de l'article 8 de la directive 2013/33/UE, de définir en droit interne les motifs susceptibles de justifier le placement ou le maintien en rétention d'un demandeur d'asile, parmi ceux énumérés de manière exhaustive par les dispositions du 3 de cet article, aucune disposition de la directive n'impose, s'agissant du motif prévu par le d) du 3 de l'article 8, que les critères objectifs, sur la base desquels est établie l'existence de motifs raisonnables de penser que la demande de protection internationale d'un étranger déjà placé en rétention a été présentée à seule fin de retarder ou d'empêcher l'exécution de la décision de retour, soient définis par la loi. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile serait incompatible avec les stipulations du d) du paragraphe 3 de l'article 8 de la directive 2013/33/UE, en tant qu'il ne détermine pas une liste des critères objectifs permettant à l'autorité administrative d'estimer qu'une demande d'asile est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution d'une mesure d'éloignement, ne peut qu'être écarté.
11. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande (...) / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. (...) / (...) / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention. ". Aux termes de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " Lorsque l'étranger présente sa demande auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, la personne est orientée vers l'autorité compétent (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge d'appel, que Mme C...a indiqué lors de son audition par les services de police, le 10 avril 2018, ne pas avoir demandé l'asile en Europe et n'avoir effectué aucune démarche pour régulariser sa situation administrative depuis son arrivée sur le territoire national. En outre, et contrairement à ce que soutient l'intéressée dans ses écritures de première instance, il ne ressort aucunement de son audition que Mme C...ait manifesté son intention de déposer une demande d'asile en France. Par suite, Mme C...ne saurait être regardée comme ayant demandé, dès son interpellation, à bénéficier de l'asile. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet du Pas-de-Calais a commis une erreur de droit, en n'enregistrant pas la demande d'asile qu'aurait formé Mme C...lors de son audition par les services de police, doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 13 avril 2018 par lequel il a ordonné le maintien en rétention de MmeC....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1803225 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 11 mai 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme F...C....
Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.
N°18DA01359 2