Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 février 2018 et le 24 avril 2018, le préfet de la Somme demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. A...C....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- et les observations de Me B...D..., représentant M. A...C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A...C..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 11 juin 1991, a déclaré être entré sur le territoire français le 13 juin 2008, alors qu'il était encore mineur. Il a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour le 18 mars 2016. Par l'arrêté en litige du 17 novembre 2017, le préfet de la Somme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le préfet de la Somme interjette appel du jugement du 2 février 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 17 novembre 2017 et a enjoint au préfet de la Somme de réexaminer la situation de M. A...C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A...C...est père de deux enfants nés sur le territoire français respectivement les 23 décembre 2010 et 9 mars 2012, qui y ont toujours vécu et qui y sont scolarisés. Leur résidence a été fixée au domicile de M. A...C...par une ordonnance du juge aux affaires familiales du tribunal de grande d'instance d'Amiens du 19 octobre 2015 adoptée à la suite de la séparation de l'intéressé avec la mère des enfants, qui vit désormais au Portugal. S'il est constant que le comportement de l'intéressé, condamné à deux reprises à des peines de prison avec sursis de trois et un mois pour violences conjugales et vol, a pu être de nature à constituer une menace pour l'ordre public, ces condamnations étaient à la date de la décision attaquée relativement anciennes. En outre, si M. A...C...a été, plus récemment, condamné à effectuer une peine de cent quarante heures de travaux d'intérêt général pour possession d'un faux titre de séjour, cette circonstance, expliquée par l'intéressé par la volonté d'exercer une activité professionnelle, ne permet pas de le regarder comme présentant, à la date de la décision attaquée, une menace à l'ordre public s'opposant à la délivrance d'un titre de séjour. Par ailleurs, M. A...C...soutient, sans être utilement contredit par le préfet de la Somme, qu'il a été abandonné successivement par les membres de sa famille dans son pays d'origine, dont son père, sa mère et sa grand-mère paternelle, avant d'être pris en charge par l'aide sociale à l'enfance à son arrivée en France en 2008 à l'âge de dix-sept ans. Il est ainsi dépourvu de toute attache familiale en République démocratique du Congo, où il se trouverait, ainsi que ses enfants, isolé en cas de retour. La cellule familiale est ainsi aujourd'hui fixée en France, auprès de l'association Coallia, qui assure notamment le suivi éducatif et scolaire des enfants de l'intéressé, dont le retour dans le pays d'origine de leur père affecterait de manière suffisamment directe et certaine leur situation et serait, ainsi, de nature à porter atteinte à leur intérêt supérieur, garanti par les stipulations précitées de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Dans les circonstances très particulières de l'espèce, le préfet de la Somme ne pouvait par suite, sans méconnaître ces stipulations, refuser à M. A...C...la délivrance d'un titre de séjour.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Somme n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 17 novembre 2017 refusant de délivrer à M. A...C...un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Somme délivre à M. A... C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Somme est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Somme de délivrer à M. A...C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A...C...est rejeté.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 2 février 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E... A... C..., au préfet de la Somme et à Me B...D....
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N°18DA00412