Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 avril 2018, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M.C....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;
- le règlement (CE) n° 1987/2006 règlement du 20 décembre 2006 du Parlement européen et du Conseil ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
1. M. C..., ressortissant turc né le 19 mars 1984, a déclaré vivre en France depuis deux ans à la date de l'arrêté attaqué. Le 29 janvier 2018, il a fait l'objet d'une interpellation puis d'une audition par les services de police au cours de laquelle il n'a pas été en mesure de justifier de son droit à circuler ou séjourner sur le territoire national. Le même jour, une mesure d'éloignement a été prise par le préfet du Pas-de-Calais puis notifiée à l'intéressé. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté préfectoral.
2. Il ne ressort pas des termes du procès-verbal que M. C...aurait signalé à l'officier de police en charge de son audition, comme il le soutenait devant le tribunal, être en possession d'un document prouvant qu'il avait saisi la préfecture du Pas-de-Calais d'une demande de rendez-vous dans le but de déposer une demande d'asile. Il ressort des termes mêmes du document produit devant le tribunal que le rendez-vous, accordé par la préfecture du Pas-de-Calais suite à la demande du 19 décembre 2017, avait pour seul objet une demande d'admission exceptionnelle au séjour et non une demande d'asile. Dès lors, en s'abstenant de déduire de ces déclarations, qu'avant son interpellation, M. C...avait effectué des démarches en vue d'obtenir l'asile, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la situation du requérant. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu ce motif pour annuler son arrêté.
3. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant la juridiction administrative.
Sur le moyen commun à toutes les décisions :
4. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. M. D... B..., chef de la section éloignement de la préfecture du Pas-de-Calais, dispose d'une délégation de signature du 18 décembre 2017, par arrêté régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs du même jour, à l'effet de signer les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté.
Sur les moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. La décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été entendu préalablement à l'édiction de la mesure contestée, comme en témoigne le procès-verbal d'audition du 29 janvier 2018, lequel a été signé par l'intéressé et son interprète. A cette occasion, l'intéressé a pu faire valoir ses observations concernant notamment les raisons de son départ de Turquie, ses conditions de séjour en France et l'éventualité d'une mesure d'éloignement et d'une interdiction de retour sur le territoire français à son encontre. Il a enfin indiqué à la fin de l'audition, en réponse à la question qui lui avait été posée, qu'il n'avait pas d'autre élément à porter à la connaissance du préfet. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'il aurait été empêché de présenter des observations écrites. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il disposait d'informations tenant à sa situation qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...ait exprimé le souhait de demander l'asile en France avant son interpellation ou durant son audition par les services de police. En particulier et ainsi qu'il a été dit au point 2, sa demande du 19 décembre 2017 ne portait pas sur une telle demande d'asile et les références à de prétendues démarches en ce sens lors de son audition ne sauraient en l'espèce caractériser l'expression de son souhait de demander l'asile en France. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français contestée a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L.741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et " du droit constitutionnel de l'asile " dont il se prévaut.
8. M. C... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir du principe de non-refoulement énoncé notamment par l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, dont le paragraphe 1 stipule qu'" aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ", dès lors que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas pour objet de déterminer le pays à destination duquel il sera renvoyé et n'a pas pour effet de le contraindre à retourner dans son pays d'origine.
9. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé en raison des risques qu'il encourrait en cas de retour en Turquie est inopérant à l'encontre de la décision attaquée, qui ne fixe pas le pays à destination duquel il serait renvoyé.
10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'illégalité.
Sur les moyens propres à la décision refusant un délai de départ volontaire :
11. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision lui refusant un délai de départ volontaire.
12. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) / (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 / (...) ".
13. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré irrégulièrement en France et y réside également de manière irrégulière depuis deux ans. Il ne présente pas de document d'identité et ne justifie pas d'un lieu de résidence effective. Il a, par ailleurs, été interpellé en possession d'un faux permis de conduire bulgare. Ces éléments caractérisent un risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français au sens de l'article L. 511-1 précité, en l'absence même de toute tentative de soustraction à une précédente mesure d'éloignement. En outre, l'intéressé n'a fait état ni devant l'administration, ni devant la juridiction administrative d'éléments susceptibles de justifier l'octroi d'un délai de départ volontaire. Par suite, en lui refusant l'octroi d'un tel délai, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas méconnu les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'illégalité.
Sur les moyens propres à la décision fixant le pays de destination :
15. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
16. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il décide, en outre, qu'il est fait obligation à M. C... de quitter le territoire français à destination du pays dont il revendique la nationalité ou de tout autre pays où il établirait être légalement admissible. Le préfet doit ainsi être regardé comme ayant, par une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français, décidé que l'intéressé pourrait notamment être reconduit en Turquie. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
17. M. C... soutient qu'en raison de son appartenance à la minorité kurde et de sa dénonciation des malversations d'une entreprise, sa vie ou sa liberté serait en danger en cas de retour en Turquie. Il ne produit toutefois aucun élément de nature à appuyer ses déclarations, au demeurant peu circonstanciées, ou à étayer le caractère réel et actuel des mauvais traitements auxquels il serait susceptible d'être exposé en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
Sur les moyens propres à la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et informant l'intéressé de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen :
18. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
19. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / (...) ".
20. En l'espèce, après s'être référé aux dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et avoir relevé la durée de la présence de M. C... en France et le caractère irrégulier de son séjour, le préfet a également pris en compte l'absence de liens privés et familiaux en France, l'absence de mesure d'éloignement précédente et le fait que sa présence en France ne constituait pas une menace pour l'ordre public. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais, qui a examiné l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a suffisamment motivé sa décision en fait et en droit.
21. Ainsi qu'il a été dit au point 17, M. C... ne démontre pas les risques qu'il dit encourir en cas de retour en Turquie. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Pas-de-Calais aurait commis une erreur d'appréciation sur ce point en prononçant à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire doit, en tout état de cause, être écarté.
22. Pour prononcer l'interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an, le préfet s'est fondé sur la durée de séjour de M. C... de deux ans à la date de l'arrêté en litige, l'absence de liens privés et familiaux dans ce pays, la circonstance qu'il n'ait pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement précédente et l'absence de menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le sol national. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire dont fait l'objet l'intéressé.
23. La circonstance que M. C... n'aurait pas été destinataire de l'information prévue par l'article 42 du règlement n° 1987/2006, conformément aux exigences de la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, alors au demeurant qu'il a été informé, aux termes de l'article 4 de l'arrêté attaqué, qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, est sans incidence sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Ce moyen qui, en tout état de cause, manque en fait, doit donc être écarté.
24. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 29 janvier 2018. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. C... aux fins d'injonction doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 6 février 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande de M. C... devant le tribunal administratif est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
N°18DA00770 2