Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 janvier 2017 et le 20 février 2017 sous le n° 17DA00123, M. F..., représenté par Me C...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401688 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010 et des majorations correspondantes ;
3°) d'ordonner le sursis de paiement ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
1. Considérant que les requêtes n° 17DA00123 et n° 17DA00125 présentées par M. F..., présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M.F..., associé de plusieurs sociétés en participation, a imputé sur le montant de son impôt sur le revenu au titre des années 2009 et 2010, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt résultant d'investissements réalisés à la Guadeloupe par lesdites sociétés consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques données en location à d'autres sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique ; que cette réduction d'impôt opérée en 2009 et 2010 a été remise en cause par l'administration fiscale au motif qu'en l'absence de raccordement des installations au réseau électrique géré par la société Electricité de France (EDF) à la date du 31 décembre 2010, les investissements considérés n'étaient pas éligibles au bénéfice du régime de faveur et ne pouvaient en conséquence ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre des années litigieuses ;
Sur la régularité des jugements :
3. Considérant qu'il ressort du point 14 de chacun des deux jugements contestés, que, contrairement à ce que soutient le requérant, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tout les arguments, ont répondu au moyen tiré de la nécessité de solliciter une nouvelle demande de raccordement suite à la suspension des demandes de raccordement au réseau EDF en raison du moratoire décrété le 9 décembre 2010 ; qu'ainsi, le moyen tiré d'insuffisance de motivation des jugements doit être écarté ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 57 de ce livre : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ;
5. Considérant que l'imposition litigieuse ne procède pas du rehaussement du résultat imposable des SEP à l'origine des investissements mais résulte de la remise en cause de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, dont M. F...se prévaut à titre personnel à raison d'investissements productifs réalisés outre-mer par les SEP dont il est associé ; que le requérant a, au demeurant, bénéficié des garanties de la procédure contradictoire de rectification et a notamment pu présenter utilement des observations sur le motif de la rectification proposée ; que la remise en cause d'une réduction d'impôt sur le revenu à l'occasion d'un contrôle sur pièces des déclarations de revenus d'associés de sociétés relevant de l'article 8 du code général des impôts, qui prévoit la soumission à titre personnel à l'impôt des membres des SEP, n'imposait pas au service de procéder préalablement à la vérification de comptabilité et à la rectification des résultats des sociétés ayant réalisé l'investissement éligible au régime de faveur dès lors que lesdites sociétés n'étaient pas les redevables de l'impôt ; que par suite, le moyen tiré de la prétendue obligation d'adresser une proposition de rectification auxdites sociétés en vertu des dispositions des articles L. 53 et L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Sur l'application de la loi fiscale :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant (...) une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 / (...) La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé (...) " ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au même code, dans sa version applicable au litige : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée, sous réserve des dispositions de la deuxième phrase du vingtième alinéa du I du même article, au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) " ;
7. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer ; que dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus ; que par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en nom collectif en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date ; que le raccordement est nécessaire pour une exploitation effective de ces installations, dès lors qu'il n'est pas contesté que l'électricité produite n'a pas vocation à être consommée et stockée par les sociétés exploitantes ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, qu'à la date du 31 décembre des années 2009 et 2010, les installations en litige, pour lesquelles, au demeurant, aucune demande de raccordement auprès d'Electricité de France n'avait été présentée, n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité et que leur exploitation par les entreprises locales ne pouvait ainsi commencer ; qu'à cet égard, si M. F...soutient que les installations photovoltaïques sont susceptibles de fonctionner de manière autonome sans être raccordées au réseau public d'électricité mais en étant reliées à des batteries qui peuvent ensuite être vendues, il n'établit pas, à supposer qu'une telle forme d'exploitation soit possible, stocker puis vendre des batteries chargées de l'électricité produite par les centrales photovoltaïques données en location aux SEP dont il est associé ; qu'en l'absence de toute demande de raccordement, le requérant ne peut en tout état de cause utilement se prévaloir, pour contester les suppléments d'impôt mis à sa charge, de l'existence d'un moratoire résultant de l'entrée en vigueur des dispositions du décret susvisé du 9 décembre 2010, suspendant l'obligation d'achat pour Electricité de France de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil qui l'aurait obligé à présenter une nouvelle demande de raccordement ; qu'il ne peut davantage invoquer les dispositions de l'article 199 undecies B, dans leur rédaction issue de la loi de finances pour 2014, postérieures aux années d'imposition en cause ; que, contrairement à ce que soutient M.F..., l'administration fiscale, en relevant le défaut de raccordement des SEP au réseau, au 31 décembre des années 2009 et 2010, des centrales photovoltaïques, et l'impossibilité qui en résultait de commencer leur exploitation, s'est bornée à mettre en oeuvre les conditions légales auxquelles sont soumis les investissements effectués par les sociétés dont le requérant était associé afin de pouvoir être regardés comme étant réalisés au sens des dispositions précitées du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, et n'a ainsi pas ajouté à la loi ; que c'est dès lors à bon droit que le service a considéré, pour ce motif, qui suffit à lui seul à justifier le bien-fondé des impositions, que ces investissements n'étaient pas éligibles au titre des années 2009 et 2010 à la réduction d'impôt prévue par ces dispositions ;
Sur le bénéfice de la doctrine :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente " ;
10. Considérant que M. F...se prévaut, sur le fondement de ces dispositions, du paragraphe n° 148 de l'instruction référencée 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 aux termes duquel : " Conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. Le premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II prévoit que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail " ; que ces dispositions sont susceptibles d'être invoquées par les contribuables pour faire échec à un redressement opéré par l'administration fiscale lorsque les conditions posées par l'instruction sont remplies, notamment celle qui est énoncée au paragraphe 22, qui définit les investissements ouvrant droit à réduction d'impôt dans les termes suivants : " Conformément aux dispositions du premier alinéa du I de l'article 199 undecies B et de l'article 95 K de l'annexe II, les investissements productifs dont l'acquisition, la création ou la prise en crédit-bail est susceptible d'ouvrir droit à réduction d'impôt doivent avoir la nature d'immobilisations neuves, corporelles et amortissables. La notion même d'investissement productif implique l'acquisition ou la création de moyens d'exploitation, permanents ou durables capables de fonctionner de manière autonome. " ; qu'il ne ressort pas des énonciations de l'instruction du 30 janvier 2007 que l'administration a entendu donner, en ce qui concerne le fait générateur de la réduction d'impôt, une interprétation du texte fiscal différente de celle énoncée au point 7, qui lui serait opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
11. Considérant que M. F...ne peut davantage se prévaloir de la réponse ministérielle du 26 novembre 2013 à MM. B...etE..., députés, publiée au journal officiel le 26 novembre 2013, postérieure aux années d'imposition ;
Sur la demande de sursis de paiement :
12. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit de sursis de paiement des impositions contestées pendant la durée de l'instance devant la cour administrative d'appel ; que, dès lors, les conclusions présentées à ce titre par M. F...sont irrecevables et doivent être rejetées ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. F...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°17DA00123,17DA00125