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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Courault, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant guinéen, se déclarant né le 25 décembre 2002, s'est présenté spontanément à l'hôtel de police d'Amiens le 9 avril 2018 afin d'être pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance en sa qualité de mineur. Le préfet de la Somme interjette appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 10 avril 2018 faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français sans délai avec une interdiction de retour de deux ans, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et en fixant son pays de destination.
Sur le moyen retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille :
2. En premier lieu, lorsque le préfet fait obligation à un étranger de quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit interne de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne. Il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, qui incluent le droit à une bonne administration. Parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne à être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Ce droit n'implique pas systématiquement obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.
3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition signé par M.A..., que celui-ci, interpellé par les services de police pour usage de faux documents administratifs et infraction à la législation sur les étrangers, a été entendu le 9 avril 2018 en particulier en ce qui concerne son identité, sa nationalité, sa minorité alléguée, sa situation de famille, son niveau d'études, ses attaches dans son pays d'origine et en France, les raisons et conditions de son entrée sur le territoire français, ainsi que sur sa situation administrative. M. A... a eu, ainsi, la possibilité, au cours de cet entretien, de faire connaître des observations utiles et pertinentes susceptibles de faire obstacle à une mesure d'éloignement. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement et qui, si elles avaient été communiquées à temps, auraient été susceptibles de faire obstacle à la décision lui faisant obligation de quitter le territoire. Dès lors, le préfet de la Somme est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a estimé que l'arrêté en litige avait été pris en méconnaissance du principe général du droit d'être entendu.
4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Lille.
Sur les moyens invoqués par M. A...à l'encontre de l'ensemble des décisions contestées :
5. Par arrêté du 19 janvier 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Somme a donné à M. Jean-Charles Geray, secrétaire général de la préfecture de la Somme, délégation à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exclusion de certaines mesures limitativement énumérées au nombre desquelles ne figurent pas les actes et décisions concernant le séjour et l'éloignement des étrangers. Par suite, M.B..., signataire de l'arrêté en litige, avait compétence pour signer les décisions contestées. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit donc être écarté comme manquant en fait.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. La décision attaquée mentionne les textes sur lesquels se fonde l'obligation de quitter le territoire français, notamment les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne les éléments de fait propres à la situation de M. A...qui en constituent le fondement en indiquant que la procédure de police a révélé le caractère irrégulier du séjour et que l'intéressé est dépourvu de titre d'identité et de document de voyage. Dans ces conditions, la décision attaquée est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Somme, qui a notamment mentionné que l'intéressé est né le 9 décembre 1999 à Conakry, et qu'il s'est vu refuser la délivrance d'un visa par les autorités françaises le 18 septembre 2015, n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle.
8. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
9. M. A...soutient que l'arrêté est entaché d'une erreur de fait sur son âge. Il allègue être né le 25 décembre 2002 en se prévalant d'un acte de naissance qui a été considéré comme un faux document lors de sa présentation aux services de police. Le préfet de la Somme, en se fondant sur la consultation du système Visabio répertoriant les empreintes digitales des demandeurs de visa, a estimé que M. A...était né le 9 décembre 1999. En outre, si l'intéressé allègue qu'il avait déclaré une fausse date de naissance pour être considéré comme majeur lors de sa demande de visa en 2015, il ne produit toutefois aucun document d'état civil à l'instance au soutien de ses allégations de nature à contredire les données transmises par la consultation du système Visabio, qui a relevé une concordance des empreintes digitales. Dès lors, l'intéressé, qui au demeurant n'a produit aucun mémoire en appel, n'établit pas que les informations renseignées dans le système Visabio sont erronées. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.
10. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ". Il résulte de ce qui est énoncé au point précédent que M. A...n'établit pas être mineur de dix-huit ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. M. A...ne peut se prévaloir d'aucun lien personnel ou familial en France, et ne fait état d'aucune insertion sociale ou professionnelle sur le territoire français. Le moyen tiré de ce que le préfet de la Somme aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement attaquée sur sa situation personnelle doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
12. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
13. La décision litigieuse, en visant la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment l'article 3, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne les textes fondant la décision fixant le pays de renvoi. Par ailleurs, en indiquant que l'intéressé est de nationalité guinéenne et qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, l'arrêté énonce les circonstances de fait constituant le fondement de la décision fixant le pays de renvoi. En l'absence d'éléments précis portés à la connaissance du préfet, cette motivation satisfait aux prescriptions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
14. Aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
15. M. A...soutient qu'il a quitté la Guinée, son pays d'origine, par crainte pour sa vie et sa sécurité en raison de son appartenance à l'ethnie konakyla et de sa religion. Toutefois, par ses seules allégations, il ne fait état d'aucun élément de nature à établir qu'il encourrait des risques personnels et actuels en cas de retour dans son pays. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, M. A...n'est pas davantage fondé à soutenir que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur le refus d'un délai de départ volontaire :
16. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...). ".
17. La décision en litige vise le a) et le f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, elle mentionne que M. A...ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français, qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'il ne peut justifier d'un logement ou de ressources propres. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.
18. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision lui refusant l'octroi d'un délai départ volontaire.
19. Si M. A...allègue qu'il " ne trouble pas l'ordre public " et soutient, par ailleurs, qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. En outre, l'intéressé, célibataire et sans enfant en France, ne justifie pas davantage être en possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ni d'un lieu de résidence effective ou permanente, ne présente pas de garanties de représentation suffisantes. Dans ces conditions, en estimant qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à la mesure d'éloignement en litige et, au vu de l'ensemble des éléments rappelés ci-dessus, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, le préfet de la Somme n'a pas commis d'erreur dans son appréciation de la situation de M. A...au regard des dispositions précitées du a) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français de deux ans :
20. La décision en litige vise les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique notamment que M. A...est célibataire et sans enfant en France, qu'il a été placé en garde à vue pour faux et usage de faux documents administratifs et qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français. Dans ces conditions, la décision attaquée comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée.
21. Si M. A... soutient qu'il n'a pas été destinataire de l'information prévue par l'article 42 du règlement du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération, conformément aux exigences de la directive du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Au demeurant, l'intéressé a été informé, aux termes de l'article 4 de l'arrêté en litige, qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
22. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français en litige.
23. Il ressort des pièces du dossier que M. A...ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français et que celle-ci est récente. En outre, il est célibataire, sans enfant, et se déclare sans ressources et ne justifie pas davantage être en possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité. Par ailleurs, il n'établit pas être isolé en Guinée et ne justifie pas plus des risques personnels qu'il y encourrait en cas de retour. Il résulte de ces éléments que le préfet de la Somme n'a pas, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées.
24. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Somme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 10 avril 2018 en litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1803114 du 9 mai 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...en première instance est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...A....
Copie sera adressée à la préfète de la Somme.
N°18DA01253 2