Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 mai 2018 et le 7 février 2019, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule l'arrêté du 5 janvier 2018 refusant de délivrer un titre de séjour à M.A..., et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays de renvoi ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. La préfète de la Seine-Maritime interjette appel du jugement du 12 avril 2018 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a, à la demande de M. E...A..., ressortissant de la Géorgie né le 4 février 1973, annulé son arrêté du 5 janvier 2018 refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :
2. L'article R. 811-10-1 du code de justice administrative dispose que : " I.- Par dérogation aux dispositions de l'article R. 811-10, le préfet présente devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'État lorsque le litige est né de l'activité des services de la préfecture dans les matières suivantes : 1° Entrée et séjour des étrangers en France (...) ".
3. En premier lieu, les décisions en litige sont relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France. Dès lors, contrairement à ce que soutient l'intimé, en application des dispositions du 1° du I de l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative, la préfète de la Seine-Maritime a qualité pour faire appel, au nom de l'État, du jugement ayant annulé ces décisions.
4. En second lieu, par arrêté du 27 octobre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 76-2017-211 du 31 octobre 2017, la préfète de la Seine-Maritime a donné à M. Yvan Cordier, secrétaire général de la préfecture, et, en cas d'absence ou d'empêchement de celui-ci, à Mme Houda Vernhet, secrétaire générale adjointe, délégation à l'effet de signer tous arrêtés, circulaires, rapports, documents, correspondances, contrats et conventions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certaines décisions limitativement énumérées, dont ne font pas partie les mémoires en défense devant la juridiction administrative. Par suite, Mme D...avait compétence pour signer la requête présentée par la préfète de la Seine-Maritime.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A...déclare être entré en France en 2013 accompagné de son épouse et de leurs deux enfants, alors mineurs. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile en 2016. L'épouse de M.A..., qui n'a pas déposé de demande de titre de séjour, est en situation irrégulière. Si M. A...est atteint de la maladie de Verneuil et a bénéficié de soins chirurgicaux en France, il ressort de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, daté du 26 juillet 2017, que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement adapté dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier que la fille de M. A...bénéficie d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " et que le tribunal administratif de Rouen, par le jugement attaqué, a enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de délivrer à son fils un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Cette circonstance ne s'oppose toutefois pas à ce que M. A...reparte, accompagné de son épouse, en Géorgie où leurs enfants pourront, le cas échéant, les rejoindre à l'issue de leurs études universitaires. Il n'est pas établi que M.A..., qui a vécu en Géorgie jusqu'à l'âge de trente-neuf ans, aurait fixé en France le centre de ses intérêts privés. Dans ces conditions, la préfète n'a pas, en refusant de délivrer un titre de séjour à M.A..., entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour ce motif, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 5 janvier 2018 refusant d'admettre M. A...au séjour au titre de l'asile, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...à l'encontre de l'arrêté attaqué devant le tribunal administratif de Rouen et devant la cour.
Sur la légalité de la décision refusant à M. A...un titre de séjour :
7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version issue du 3° de l'article 13 de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, en vigueur depuis le 1er janvier 2017 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article 67 de la même loi : " (...) V. - L'article 5, le 3° de l'article 13, l'article 14, le 2° du I et le VIII de l'article 20 et le troisième alinéa du 6° du II de l'article 61 entrent en vigueur le 1er janvier 2017. VI.- la présente loi s'applique aux demandes pour lesquelles aucune décision n'est intervenue à sa date d'entrée en vigueur. Le 3° de l'article 13, l'article 14, le 2° du I de l'article 20 et le troisième alinéa du 6° du II de l'article 61 s'appliquent aux demandes présentées après son entrée en vigueur ".
8. Il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour présentée par M. A..., si elle est datée du 30 décembre 2016, n'a été enregistrée par les services de la préfecture de la Seine-Maritime que le 5 janvier 2017. Dans ces conditions, le préfet a, à bon droit, fait application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 dans sa version issue du 3° de l'article 13 de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, et applicable aux demandes présentées après le 1er janvier 2017. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète aurait, en sollicitant l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, entaché sa décision d'un vice de procédure doit être écarté.
9. La préfète de la Seine-Maritime qui s'est appropriée l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et l'intégration du 26 juillet 2017, a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En se bornant à produire deux attestations de son médecin généraliste qui reposent uniquement sur les informations transmises par le requérant puisque l'une indique que " d'après ce patient, et après renseignement pris par lui ", l'antibiotique qui semble lui avoir été prescrit en France n'est pas disponible dans son pays d'origine, et l'autre que " d'après M.A... ", les interventions chirurgicales réalisées en Géorgie ne correspondent pas à la technique préconisée en France, M. A...n'établit pas l'absence d'un traitement adapté à sa pathologie dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
10. Ainsi qu'il a été dit au point 2, il n'est pas établi que M.A..., dont l'épouse est également en situation irrégulière, aurait transféré en France le centre de ses intérêts privés, malgré la circonstance que ses deux enfants disposent de titres de séjour et poursuivent leurs études en France. Dès lors, la décision en litige ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elle poursuit. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 9 que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour au soutien de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
12. Ainsi qu'il a été dit au point 8, il n'est pas établi que M. A...ne pourrait pas bénéficier, en Géorgie, d'un traitement adapté à sa pathologie. En outre, il ressort de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que M. A...peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 doit être écarté.
13. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 2 et 9.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 12 que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 5 janvier 2018 en tant qu'il concerne M. E...A..., a fait injonction de délivrer à M.E... A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à MeB.... Dès lors, les conclusions de M. A... présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n°1800344-1800345 du 12 avril 2018 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : Les articles 3 et 4 du jugement n°1800344-1800345 du 12 avril 2018 du tribunal administratif de Rouen sont annulés en tant qu'ils concernent M. E...A....
Article 3 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de M. A...sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E...A...et à MeC... B....
Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°18DA00899