Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 décembre 2015 et 20 juin 2016, Mme B..., représentée par Me A...F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 24 septembre 2015 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif de Rouen a statué " ultra petita " en jugeant que l'administration pouvait valablement remettre en cause le bénéfice de l'abattement prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts aux motifs que l'intéressée n'avait pas été rémunérée au titre de l'année 2009 et n'a pas fait valoir ses droits à la retraite au plus tard le 31 décembre 2008, alors qu'aucun moyen tiré de l'absence de départ à la retraite n'était soulevé par la requérante ;
- M. B...pouvait bénéficier des dispositions de l'article 150-0 A du code général des impôts ;
- l'administration fiscale n'a pas suffisamment motivé ses rectifications en se bornant à faire application des dispositions de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, sans viser les dispositions de l'article 38 de la loi de finances rectificatives pour 2008 et de l'instruction du 7 avril 2009 5 C-2-09 applicables en l'espèce.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'objet du litige est circonscrit à la seule plus-value réalisée par MmeB..., un avis de dégrèvement ayant déchargé, à hauteur de la plus-value réalisée par M.B..., l'imposition supplémentaire ;
- en dépit d'une mise en demeure, les époux B...n'ont pas souscrit de déclaration s'agissant de la cession litigieuse, en conséquence la procédure de taxation d'office a été régulièrement mise en oeuvre ;
- Mme B...n'a perçu aucune rémunération au titre de l'année 2009 en contrepartie de ses fonctions de gérante, elle ne peut donc bénéficier de l'abattement institué à l'article 150-0 D ter du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.
1. Considérant que M.B..., aujourd'hui décédé, et son épouse Mme B...ont cédé par acte du 12 avril 2010 la totalité de leurs titres de la société à responsabilité limitée (SARL) Construction Porte Normande dont Mme B...est gérante et M. B...associé ; que ces derniers n'ont pas déclaré les plus-values réalisées au motif qu'ils bénéficiaient d'une exonération ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces portant sur l'ensemble des revenus imposables au titre de l'année 2010, l'administration leur a adressé une proposition de rectification en date du 26 janvier 2012 remettant notamment en cause l'application du dispositif de l'abattement institué à l'article 150-0 D ter du code général des impôts et les assujettissant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, assorties de pénalités, au motif que Mme B... n'avait pas reçu de rémunération au titre de l'année 2009, qu'en conséquence, elle ne remplissait pas la condition tenant à l'exercice de la fonction de direction pendant les cinq années précédant la cession, et que dès lors, le bénéfice de l'abattement étant remis en cause pour le dirigeant de la société, M.B..., associé, ne pouvait bénéficier de l'exonération ; que MmeB..., reprenant également l'instance de M.B..., relève appel du jugement du 24 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification en date du 26 janvier 2012 et de la réponse aux observations du contribuable en date du 7 mai 2012, que, pour rectifier la plus-value taxable réalisée par les époux B...lors de la cession de leurs parts de la SARL Construction Porte Normande, le service vérificateur s'est fondé notamment sur l'absence de rémunération de Mme B...au titre de l'année 2009 pour sa fonction de gérante de société ; que le service a ainsi vérifié si cette absence de rémunération était la conséquence du départ à la retraite de Mme B...au cours de l'année 2008 ; que dans le mémoire en défense enregistré le 7 octobre 2013 au tribunal administratif de Rouen, l'administrateur général des finances publiques fait valoir que le départ en retraite du cédant peut justifier d'une tolérance quant à l'absence de rémunération du dirigeant de la société et permettre le bénéfice de l'abattement prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts ; qu'ainsi le tribunal administratif ne s'est pas fondé sur un motif différent de ceux fondant la rectification et qu'il a répondu à un moyen invoqué par la défense ; que, par suite, celui-ci n'a pas relevé un moyen d'office, ni statué " ultra petita " ; que, dès lors, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité ;
Sur l'étendue du litige :
3. Considérant que, par un avis de dégrèvement postérieur à l'introduction de la requête d'appel, le directeur départemental des finances publiques de l'Eure a prononcé le dégrèvement des droits et pénalités mis à la charge de M. B...au titre des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010, à concurrence, respectivement, d'une somme de 12 099 euros et 1 706 euros ; que, dans le mémoire en réponse, enregistré le 20 juin 2016, Mme B... prend acte du dégrèvement et ne le conteste pas ; que les conclusions de la requête de Mme B...relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
4. Considérant qu'aux termes du I. de l'article 150-0 D ter du code général des impôts : " L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis s'applique (...) si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La cession porte sur l'intégralité des actions, parts ou droits détenus par le cédant dans la société dont les titres ou droits sont cédés (...) / 2° Le cédant doit : a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l'article 885 0 bis, l'une des fonctions mentionnées à ce même 1° (...) / b) Avoir détenu directement ou par personne interposée (...) de manière continue pendant les cinq années précédant la cession, au moins 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres ou droits sont cédés ; c) Cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite, soit dans l'année suivant la cession, soit dans l'année précédant celle-ci si ces événements sont postérieurs au 31 décembre 2005 (...) / 4° En cas de cession des titres ou droits à une entreprise, le cédant ne doit pas détenir, directement ou indirectement, de droits de vote ou de droits dans les bénéfices sociaux de l'entreprise cessionnaire (...) " ; qu'aux termes de l'article 885 O bis du même code : " Les parts et actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont également considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes : 1°) Etre, soit gérant nommé conformément aux statuts d'une société à responsabilité limitée (...) / Les fonctions énumérées ci-dessus doivent être effectivement exercées et donner lieu à une rémunération normale. Celle-ci représente plus de la moitié des revenus à raison desquels l'intéressé est soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62 " ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qui, compte tenu de leur caractère dérogatoire, doivent être interprétées strictement, que le bénéfice de l'abattement prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts est subordonné au respect de plusieurs conditions relatives à la personne du cédant, tenant notamment à l'exercice effectif de fonctions de direction normalement rémunérées au sein de la société dont les titres sont cédés et à la cessation de toute fonction au sein de cette même société dans l'année suivant la cession ; que, pour remettre en cause le bénéfice de l'abattement mentionné à l'article 150-0 D ter du code général des impôts, l'administration fiscale a retenu que MmeB..., qui supporte la charge de la preuve puisque taxée d'office, n'avait pas, au cours de l'année 2009, perçu de rémunération alors qu'elle a exercé les fonctions de gérante de la société jusqu'au 13 avril 2010 ; que, par suite, Mme B...ne peut être regardée comme remplissant la condition tenant à l'exercice de fonctions de direction normalement rémunérées prévue au a) du 2° du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts ;
En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine :
6. Considérant que Mme B...fait valoir qu'il y a lieu de lui appliquer le bénéfice de l'instruction 5-C-2-09 du 7 avril 2009 ; que si cette instruction vient préciser l'application de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, elle ne déroge toutefois pas à la condition posée au a) du 2° du I de l'article 150-0 D ter telle que complété par le 1° de l'article 885 O bis puisque l'instruction précise en son paragraphe 6 que " Le cédant doit de manière continue pendant les cinq années précédant la cession : avoir exercé, au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, une fonction de direction dont la rémunération représente plus de la moitié de ses revenus professionnels " ; qu'ainsi, Mme B...ne peut utilement se prévaloir de cette instruction administrative ;
7. Considérant que, si Mme B...fait valoir qu'il y a lieu de lui appliquer les dispositions de l'article 38 de la loi de finances rectificative pour 2008 modifiant l'article 150-0 D ter du code général des impôts, que celles-ci étendent le bénéfice de l'abattement aux cessations de fonctions intervenues dans les deux années suivant ou précédant la cession, elle se borne toutefois à faire valoir ces dispositions sans apporter d'éléments permettant à la cour d'en apprécier leur bien-fondé ; qu'au demeurant, ces dispositions ne permettent pas à Mme B...de contester utilement la remise en cause par l'administration fiscale du bénéfice de l'abattement litigieux, ces dispositions ne concernant pas la condition relative à la rémunération normale du dirigeant ; qu'ainsi, Mme B...ne peut utilement s'en prévaloir ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence de la somme de 13 805 euros, en ce qui concerne les impositions contestées, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme B....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...B...et au ministre de l'économie et des finances.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 13 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme G...C..., première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 30 décembre 2016.
Le premier conseiller le plus ancien,
Signé : D. C...Le président-assesseur,
Signé : M. H...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA01928