Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 avril 2018 et le 30 août 2018, Mme A...D..., représentée par Me B...E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 13 septembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 79-597 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret du 6 juin 2001 pris pour l'application du chapitre II du titre II de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. F...Albertini, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...D..., ressortissante philippine née en 1972, serait entrée en France en septembre 2011 selon ses déclarations. Le 1er décembre 2016, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour afin d'exercer une activité salariée. Elle relève appel du jugement du 15 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 13 septembre 2017 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de faire droit à cette demande, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination en cas de renvoi.
2. Tout d'abord, en vertu des dispositions du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Le 2° de ce dernier article prévoit que l'étranger présente un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. En vertu de l'article R. 5221-1 du code du travail, pour exercer une activité professionnelle en France, les étrangers non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse doivent détenir une autorisation de travail.
3. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), il est loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Il peut, en outre, exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, dont il justifierait. Dans le cadre de l'examen de la demande de titre de séjour présentée par Mme A...D...au titre du travail, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Oise a aussi envisagé dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation l'admission au séjour de Mme A...D...sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet a ainsi relevé, d'une part, que la demande d'autorisation de travail présentée pour l'intéressée sur un poste de garde d'enfants a reçu un avis défavorable du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, au motif, d'une part, que son employeur n'a pas répondu au courrier de l'administration et n'a déposé aucune offre sur le marché du travail, d'autre part, que l'intéressée ne présente pas de contrat de travail visé par l'administration conformément aux dispositions de l'article L . 52221-2 du code du travail. Il relève aussi que Mme A...D...ne justifie pas que l'emploi de garde d'enfants nécessite un savoir faire rare sur le marché du travail. Elle ne conteste pas sérieusement ces éléments en se bornant à avancer qu'aucun courrier de l'administration n'a été reçu par son employeur et à faire état des besoins des familles en matière de garde d'enfants à domicile, de la formation qu'elle a suivie à Taiwan et de l'expérience qu'elle a pu acquérir en travaillant à l'étranger. Dans ces conditions, le préfet de l'Oise, qui a fait une exacte application des dispositions précitées, et, contrairement à ce que soutient Mme A...D..., a pu a bon droit se prononcer sur son admission au séjour, après instruction de sa demande conformément aux dispositions citées au point 2.
4. Ensuite, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1°et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
5. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant par là-même des motifs exceptionnels exigés par la loi. Il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...D...a sollicité son admission exceptionnelle au séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si elle soutient que le préfet a méconnu les dispositions citées au point 4, elle se borne à soutenir qu'elle travaille depuis le 7 mars 2016 en qualité de garde d'enfants à domicile, pour une famille résidant à Paris, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, et qu'elle dispose d'une expérience de plusieurs années dans cette activité professionnelle, dès lors qu'elle a toujours travaillé en qualité de garde d'enfants ou aide à domicile après son arrivée en France en 2011, au demeurant sans pouvoir établir ses conditions d'emploi avant 2015. Elle ne justifie pas, ainsi, d'une insertion sociale et professionnelle intense, ancienne et stable en France, en admettant même qu'elle ait donné satisfaction à ses employeurs. En outre, elle est célibataire, sans charge de famille en France, où elle est arrivée à l'âge de trente-trois ans, ses trois enfants étant demeurés aux Philippines. Elle ne justifie pas non plus, pour contester la décision en litige, d'une relation de concubinage ancienne et stable et avec un ressortissant français en justifiant de son hébergement à son domicile à compter seulement du mois de juin 2016, et n'a, au demeurant, pas mentionné auprès du préfet de l'Oise sur cette relation, en faisant état de sa qualification professionnelle et de l'exercice d'une activité de garde d'enfants à domicile pour demander la régularisation de sa situation. Ces circonstances ne sont, dès lors, pas de nature à caractériser un motif exceptionnel justifiant la régularisation de sa situation alors qu'il n'est fait état d'aucun élément faisant obstacle à ce que, ainsi que cela a déjà été le cas selon ses propres déclarations, l'intéressée exerce son activité hors de France. Mme A... D...n'est ainsi pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché d'erreur manifeste d'appréciation l'arrêté contesté.
7. Il ressort aussi des termes de l'arrêté attaqué et des pièces du dossier que le préfet de l'Oise a procédé à un examen individuel et sérieux de la situation de Mme A...D.... Il suit de là que le moyen tiré d'un défaut d'examen particulier de la demande doit être écarté.
8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, reprenant, à compter du 1er janvier 2016, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations ".
9. Si Mme A...D...soutient que le préfet a méconnu les dispositions précitées qui imposent à l'administration, à peine d'illégalité de sa décision, lorsque la demande est incomplète, d'indiquer au demandeur les pièces manquantes dont la production est requise pour l'instruction de sa demande, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Oise ne s'est pas fondé sur l'absence de documents ou de justificatifs nécessaires à l'instruction de son dossier, mais sur la circonstance qu'elle ne remplissait pas les conditions de fond permettant de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Dès lors, le moyen doit être écarté.
10. Pour le reste, Mme A...D...fait valoir que la communauté de vie avec un ressortissant français a débuté quatorze mois avant le prononcé de l'arrêté en litige. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la communauté de vie, établie notamment par une domiciliation commune depuis le mois de juillet 2016, est récente. Mme A...D...n'a, en outre, aucune charge de famille en France, ainsi qu'il a été dit au point 6, et ses trois enfants majeurs résident aux Philippines. Elle ne peut également justifier d'une insertion sociale et professionnelle particulièrement stable et ancienne en France, où elle est arrivée en 2011, en précisant qu'elle a exercé une activité professionnelle rémunérée de garde d'enfants. Dans ces conditions, le préfet de l'Oise n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme A...D....
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Oise.
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N°18DA00837
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