Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 juin 2017, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. D...devant le tribunal administratif de Rouen.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013 ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant de la république du Soudan du Sud, entré irrégulièrement en France le 8 mars 2017, a fait l'objet d'un examen de situation le 17 mars 2017. Il est apparu à cette occasion que ses empreintes digitales avaient été relevées le 31 octobre 2015 en Norvège. La préfète de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 14 juin 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 7 juin 2017 décidant de transférer M. D...aux autorités norvégiennes et le plaçant en rétention pour une durée de quarante-huit heures.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / III. - En cas de placement en rétention en application de l'article L. 551-1, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention. La décision de placement en rétention ne peut être contestée que devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification, suivant la procédure prévue à la section 1 du chapitre II du titre V du présent livre et dans une audience commune aux deux procédures, sur lesquelles le juge statue par ordonnance unique lorsqu'il est également saisi aux fins de prolongation de la rétention en application de l'article L. 552-1. / L'étranger faisant l'objet d'une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 peut, dans le même délai, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision. Les décisions mentionnées au premier alinéa du présent III peuvent être contestées dans le même recours lorsqu'elles sont notifiées avec la décision d'assignation. / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 742-4 du même code : " (...) II. - Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans le délai prévus au III de l'article L. 512-1. / (...) ".
3. Le délai de soixante-douze heures prévu par les dispositions précitées n'est prescrit ni à peine de dessaisissement, ni à peine de nullité du jugement. Ainsi, la circonstance que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen n'a statué que le 14 juin 2017, alors qu'il avait été saisi le 8 juin 2017, donc après l'expiration de ce délai, est sans incidence sur sa régularité.
Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen :
4. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. D...a été reçu le 17 mars 2017 dans les locaux de la préfecture de police de Paris pour examen de sa situation administrative et non afin de présenter une demande d'asile. Il a, à cette occasion, reçu communication des brochures A et B en langue arabe, langue qu'il a déclaré comprendre, en a signé les couvertures, a reçu un exemplaire de l'entretien individuel et a signé ce document. Il a aussi bénéficié, lors de l'entretien individuel, de l'assistance téléphonique de l'organisme ISM Interprétariat et a confirmé avoir compris tous les termes de l'entretien. M.D..., qui a bien été destinataire des informations prévues à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ne peut sérieusement soutenir que l'absence de mention relative au traducteur, lors de son entretien individuel, serait de nature à établir la réalité de l'absence d'assistance linguistique, qu'il aurait ainsi été privé d'une garantie et que la décision contestée serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière. Dès lors, la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement contesté, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a, pour ce motif, annulé son arrêté du 7 juin 2017.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...à l'encontre de l'arrêté en litige.
Sur les autres moyens :
7. L'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde. Il est, par suite, suffisamment motivé.
8. M. D...soutient que la préfète de Seine-Maritime ne produit pas la preuve de la demande de reprise en charge par la Norvège. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la demande de reprise en charge par les autorités de ce pays a été formée le 20 mars 2017 par le réseau de communication DubliNET qui permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile. Les copies des accusés de réception DubliNET versées aux débats par le préfet permettent d'attester que les autorités norvégiennes ont bien été saisies d'une demande de reprise en charge concernant M. D... et qu'elles ont transmis leur accord explicite dès le 21 mars 2017. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
9. M. D...fait valoir que l'agent de la préfecture de police ayant mené l'entretien individuel n'aurait pas été qualifié en vertu du droit national et que l'administration ne justifie pas qu'il disposait des connaissances appropriées. Toutefois, aucune disposition n'impose à cet agent une qualification particulière, ni la mention, dans le compte-rendu de cet entretien, de ses noms et qualités. En outre, la directive 2013/32 dont se prévaut M. D... a été entièrement transposée par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 et ne peut donc pas être directement invoquée à l'encontre de la décision litigieuse. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 5 et 35 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
10. Aux termes de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " : 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière (...) ".
11. Ainsi qu'il l'a été dit au point 1, M. D...est entré en France le 8 mars 2017. Par suite, en application des dispositions précitées, la responsabilité de la Norvège prenait fin au 8 mars 2018. Ce pays, au demeurant a accepté, dès le 21 mars 2017, sa reprise en charge.
12. Aux termes de l'article 24 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsque aucune nouvelle demande n'a été introduite dans l'Etat membre requérant. 1. Lorsqu'un Etat membre sur le territoire duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b) (...), se trouve sans titre de séjour et auprès duquel aucune nouvelle demande de protection internationale n'a été introduite estime qu'un autre Etat membre est responsable conformément (...) à l'article 18, paragraphe 1, point b) (...), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne (...) ".
13. Ainsi qu'il a été dit au point 5, il ressort des pièces du dossier que M.D..., démuni de tout document de voyage et d'identité, s'est rendu le 17 mars 2017 à la préfecture de police de Paris à la suite d'une convocation en vue d'un examen de sa situation et n'a déposé aucune demande d'asile en France. Identifié au fichier Eurodac en tant que demandeur d'asile en Norvège le 31 octobre 2015, et ce pays ayant donné son accord explicite à la demande reprise en charge des autorités françaises sur le fondement de l'article 18-1b) du règlement n° 604/2013, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commis la préfète de la Seine-Maritime en fondant sa décision sur l'article 24 précité doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 7 juin 2017. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. D...à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 14 juin 2017 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande de M. D...et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à M. B... D...et à Me A...C....
Copie en sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
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