Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2018, M. D...C..., représenté par Me E...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 mars 2017 par lequel la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et fixé le pays de destination de l'éloignement ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour temporaire d'un an, assorti d'un astreinte fixée à 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...-louis Albertini, président de chambre,
- et les observations de Me E...A..., représentant M. D...C....
Le rapport de M. B...-louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. M.C..., ressortissant nigérien né le 25 mai 1983 à Lagos, a déclaré être entré en France le 11 juin 2012. Après avoir sollicité le bénéfice de l'asile politique, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour par un arrêté du 16 novembre 2012. Par deux arrêtés du 2 janvier 2013, il a ordonné sa remise aux autorités allemandes et son placement en rétention administrative. Par un jugement du 11 janvier 2013, le tribunal administratif de Rouen a annulé ces arrêtés. M. C...a, de nouveau, sollicité le bénéfice de l'asile politique. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 21 octobre 2015, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 6 mai 2016. Il a ensuite sollicité, le 13 juin 2016, un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 30 mars 2017, la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a enjoint de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Rouen. M. C...relève appel du jugement du 26 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2017.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne ". L'article R. 613-3 dans sa version applicable au cours de l'instruction suivie devant les premiers juges dispose en outre que : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. / Si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction " ; Enfin l'article R. 613-4 du même code prévoit que : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties ".
3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire une production de l'une des parties après la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement, ou le rapporteur qu'il délègue, doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Lorsque le délai qui reste à courir jusqu'à la date de l'audience ne permet plus l'intervention de la clôture automatique de l'instruction trois jours francs avant l'audience, dans les conditions prévues à l'article R. 613-2 du code de justice administrative, il lui appartient également, sauf à fixer, s'il l'estime nécessaire, une nouvelle date d'audience, de clore l'instruction ainsi rouverte.
4. Par une ordonnance du 27 juin 2017, le rapporteur du tribunal administratif de Rouen a fixé la date de clôture de l'instruction au 17 août 2017 à 12 h 00. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la communication au requérant, le 26 septembre 2017, du mémoire en défense présenté par la préfecture de la Seine-Maritime et accompagné de pièces annexées, doit être regardée comme ayant implicitement rouvert l'instruction. Le requérant a, ainsi, disposé d'un délai suffisant pour y répondre avant la clôture automatique de l'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience du 26 octobre 2017. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
5. M. C...soutient également que le tribunal aurait omis de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté en litige, en ne distinguant pas les notions de vie privée et de vie familiale, serait entaché d'erreur de droit. Toutefois, le premier juge, qui s'est prononcé sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles protègent tant la vie familiale que la vie privée, n'avait pas à se prononcer sur l'ensemble des arguments invoqués par le requérant à l'appui de ce moyen. Par suite, le moyen tiré d'une omission à statuer doit être écarté.
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
6. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention "salarié". " ; qu'aux terme de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
7. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code.
8. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. C...a déposé une demande de titre de séjour " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet a également examiné sa demande sur le fondement de l'article L. 313-14 qui permet la délivrance du même titre de séjour " salarié ", au regard de motifs exceptionnels. Dans ces conditions, le préfet de l'Oise n'était pas tenu d'examiner d'office si l'intéressé pouvait bénéficier d'un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le même fondement, dès lors que M. C...n'avait pas déposé de demande en ce sens. D'autre part, la préfète de la Seine-Maritime a procédé à un examen individualisé de la situation personnelle de M. C...au regard, notamment, de son expérience professionnelle, avant d'estimer qu'aucun motif exceptionnel ou humanitaire ne justifiait son admission au séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés, du vice de procédure, du défaut d'examen complet de la demande de titre de séjour et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
9. La préfète a examiné la situation de M. C...tant au regard des critères de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il a expressément invoqué, qu'au regard de l'admission exceptionnelle fondée sur les dispositions de l'article L. 313-14. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que la préfète a fondé sa décision sur l'avis du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, pour refuser à M. C...l'admission exceptionnelle au séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour de l'étranger et du droit d'asile doit dès lors être écarté.
10. M.C..., qui déclare être arrivé en France en 2012 à l'âge de vingt-neuf ans, est célibataire et sans charge de famille. Il n'établit pas être isolé dans son pays d'origine où résident ses parents. En outre, la seule circonstance qu'il a pu travailler régulièrement en France depuis juillet 2015 ne suffit pas à caractériser une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiales, alors que la préfète a examiné les particularités de sa situations qu'il ne peut justifier d'une insertion sociale et professionnelle ancienne, intense et stable en l'absence d'autres éléments. Dans ces conditions, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas porté au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sa décision quant aux conséquences sur sa situation personnelle de M.C....
Sur la légalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire :
11. La motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus du titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus ou ce retrait est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter l'exigence de motivation prévue par l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'espèce, l'arrêté en litige comporte l'énoncé précis des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de refus de renouvellement du titre de séjour de M. C...et vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent d'assortir ce refus d'une obligation de quitter le territoire français. Cette dernière décision est donc suffisamment motivée.
12. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.
13. Pour les mêmes motifs que ceux cités aux point précédents, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle du requérant doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
14. M. C... a demandé un titre de séjour et en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tendait à son maintien régulier sur le territoire français, il ne pouvait ignorer qu'en cas de refus, il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement et d'être reconduit à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays où il serait légalement admissible. Il a ainsi été en mesure, lors du dépôt de sa demande ou au cours de l'instruction de celle-ci, de faire valoir de manière utile et effective, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a concomitamment obligé à quitter le territoire français en fixant le pays de renvoi, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures. Par suite, et alors même que la décision fixant le pays de renvoi est une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne, n'a pas été méconnue.
15. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
16. Pour le reste, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
17. M. C...n'apporte aucun élément circonstancié de nature à démontrer les risques qu'il allègue encourir en cas de retour dans son pays d'origine. Sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié a, au demeurant, été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Seine-Maritime.
N°18DA00121 2