Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 janvier, M. D...B..., représenté par Me C...E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 31 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (CE) n°1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...-louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant irakien né le 1er mai 1983, serait selon ses déclarations entré en France le 14 avril 2017, démuni de tout titre de séjour et de document de circulation en cours de validité, et a présenté le 7 juillet 2017 une demande d'asile auprès de la préfecture de Côte d'Or. La consultation, par l'autorité administrative, du fichier Eurodac, a permis de constater que l'intéressé avait déjà présenté une telle demande au Luxembourg, le 18 décembre 2015. Le préfet de la Côte-d'Or a ensuite adressé aux autorités luxembourgeoises une demande de reprise en charge de M.B.... Les autorités luxembourgeoises ont accepté cette reprise en charge le 2 août 2017 sur le fondement des dispositions du c) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Après son interpellation le 22 septembre 2017, dans le département du Nord, les services de police ont procédé le même jour à son audition pour vérifier son identité et l'ont interrogé sur son droit au séjour en son parcours en qualité de demandeur d'asile. Par décision en date 22 septembre 2017, le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités du Luxembourg. M B...relève appel du jugement du 27 septembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté son recours dirigé contre cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 4 du règlement (CE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) / 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) " . Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit se voir remettre une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. La délivrance par l'autorité administrative des brochures prévues par les dispositions précitées constituant pour le demandeur d'asile une garantie, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi du moyen tiré de l'omission ou de l'insuffisance d'une telle information à l'appui de conclusions dirigées contre un refus d'admission au séjour ou une décision de remise, d'apprécier si l'intéressé a été, en l'espèce, privé de cette garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision.
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est au demeurant pas même soutenu en défense par le préfet du Nord, qui a eu communication de la requête, d'une part, que M. B...ait fait l'objet d'un entretien conforme aux dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 à l'occasion de la présentation de sa demande d'asile en France à la préfecture de la Côte d'Or, le 7 juillet 2017, avec le concours d'un interprète et dans une langue qu'il a déclaré comprendre en présentant sa demande d'asile, au cours duquel il aurait pu être vérifié qu'il avait correctement compris les informations dont il devait avoir connaissance, notamment le fait que ses empreintes digitales avaient été enregistrées au Luxembourg le 18 décembre 2015 et que l'entretien s'inscrivait dans un processus de détermination de l'Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile préalablement à la demande de reprise en charge adressée le 31 juillet 2017 par le préfet du Nord aux autorités luxembourgeoises sur le fondement des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, suivie de l'acceptation de cette demande par les mêmes autorités le 2 août 2017, qu'il se serait vu remettre le guide du demandeur d'asile en France, ainsi que la brochure dite " A " intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' ", et la brochure dite " B " intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", comportant l'ensemble des informations citées au point 2 . En outre, avant le prononcé de l'arrêté en litige du préfet du Nord, portant transfert de M. B...aux autorités luxembourgeoises, l'intéressé n'a pas non plus bénéficié de ces informations. Il a été seulement entendu par les services de police, le 22 septembre 2017, et il ne ressort pas non plus des pièces du dossier le guide du demandeur d'asile et la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' " auraient été remises à M.B..., avant le prononcé de l'arrêté en litige du préfet du Nord, alors que les mentions portées sur la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' ", au dossier, établissent que seule celle-ci lui a été remise en langue française, le 22 septembre 2017, le jour même de la mesure de transfert en litige, par le truchement d'un interprète en langue arabe qui en aurait assuré la traduction. Par suite, des informations essentielles n'ont pas été portées à la connaissance de M.B..., en méconnaissance des dispositions citées au point 2. Ces vices de procédure préalables à la prise de la décision de remise de l'intéressée aux autorités luxembourgeoises, qui l'ont privé d'une garantie, comme il le soutient pour la première fois en cause d'appel, sont ainsi de nature à entacher d'illégalité cette décision. .Il résulte de ce qui a été dit que la décision de transfert du 22 septembre 2017 en litige est entachée d'illégalité
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2017 par lequel le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités luxembourgeoises.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Compte tenu des motifs sur lesquels elle repose, l'annulation de l'arrêté contesté implique seulement que le préfet du Pas-de-Calais réexamine la situation de M. B.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais, d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à Me E... C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 27 septembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille et l'arrêté du préfet du Nord du 22 septembre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 800 euros au conseil de M. B..., au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet du Nord et à Me E...C....
N°18DA00052 2