Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2016, le centre médico-chirurgical des jockeys, représenté par Me C...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 31 octobre 2013 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de l'Oise lui a refusé l'autorisation de licencier Mme E... B...;
3°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 7 mai 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a confirmé la décision précitée de l'inspectrice du travail ;
4°) d'enjoindre à la ministre du travail d'autoriser le licenciement de MmeB... ;
5°) de mettre à la charge de Mme B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens de l'instance.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E...B...est employée depuis 1980 en qualité d'aide-soignante par le centre médico-chirurgical des jockeys, situé à Chantilly (Oise), et y exerçait également le mandat de déléguée syndicale. Par courrier du 12 septembre 2013, le centre médico-chirurgical des jockeys a sollicité l'autorisation de la licencier pour motif disciplinaire. Cette demande a été rejetée par décision du 31 octobre 2013 de l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de l'Oise. Le centre médico-chirurgical des jockeys a formé un recours hiérarchique contre cette décision, et le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a, par une décision du 7 mai 2014, confirmé la décision de l'inspectrice du travail. Le centre médico-chirurgical des jockeys relève appel du jugement du 18 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions précitées de l'inspectrice du travail et du ministre chargé du travail.
2. Aux termes de l'article L. 2143-22 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Dans les entreprises de moins de trois cents salariés et dans les établissements appartenant à ces entreprises, le délégué syndical est, de droit, représentant syndical au comité d'entreprise ou d'établissement. (...) ". Aux termes de l'article L. 2421-3 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement.(...) ", et aux termes de l'article R. 2421-9 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'avis du comité d'entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé. (...) ".
3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. En particulier, il résulte des dispositions de l'article L. 2421-3 du même code que tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel, d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est obligatoirement soumis à l'avis du comité d'entreprise. Il appartient à l'employeur de mettre le comité d'entreprise à même d'émettre son avis, en toute connaissance de cause, sur la procédure dont fait l'objet le salarié protégé. A cette fin, il doit lui transmettre, notamment à l'occasion de la communication qui est faite aux membres du comité de l'ordre du jour de la réunion en cause, des informations précises et écrites sur l'identité du salarié visé par la procédure, sur l'intégralité des mandats détenus par ce dernier ainsi que sur les motifs du licenciement envisagé. Il appartient à l'administration saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'apprécier si l'avis du comité d'entreprise a été régulièrement émis, et notamment si le comité a disposé des informations lui permettant de se prononcer en toute connaissance de cause. A défaut, elle ne peut légalement accorder l'autorisation demandée.
4. Il est constant qu'à la date des décisions en litige, Mme B...exerçait le mandat de déléguée syndicale, et que l'effectif des salariés employés par le centre médico-chirurgical des jockeys était inférieur au seuil de trois-cents salariés, fixé par les dispositions de l'article L. 2143-22 du code du travail citées au point 2. Par suite, Mme B...était, en application de ces mêmes dispositions, membre de droit du comité d'entreprise en qualité de représentante syndicale au comité d'entreprise, nonobstant la circonstance alléguée qu'elle n'aurait pas effectivement exercé ce mandat. Dès lors, le projet de licenciement de Mme B...envisagé par le centre médico-chirurgical des jockeys devait être soumis pour avis au comité d'entreprise, en application des dispositions de l'article L. 2421-3 du même code citées au point 2.
5. Le centre médico-chirurgical des jockeys fait valoir que, lors de sa séance du 27 août 2013, le comité d'entreprise a été consulté de manière régulière sur ce projet de licenciement. Il ressort toutefois du procès-verbal de cette séance que la directrice de l'établissement s'est bornée, au titre des " questions diverses ", à informer les membres du comité d'entreprise " qu'elle a été dans l'obligation de prendre des mesures disciplinaires concernant trois membres du personnel " dont " une mise à pied conservatoire concernant Mme A...B...au regard d'un problème de maltraitance ". Il ne ressort ni de ce procès-verbal, qui ne fait d'ailleurs pas même référence au projet de licenciement envisagé, ni d'aucune autre pièce du dossier, que l'employeur aurait transmis aux membres du comité d'entreprise des informations précises et écrites sur la mesure de licenciement envisagé et ses motifs, et qu'ainsi le comité d'entreprise aurait disposé des informations lui permettant de se prononcer en toute connaissance de cause sur ce projet de licenciement. Dès lors, au vu de l'irrégularité de la consultation du comité d'entreprise, l'inspectrice du travail était tenue de refuser l'autorisation de licenciement sollicitée par le centre médico-chirurgical des jockeys. Compte tenu de la situation de compétence liée dans laquelle étaient ainsi placés l'inspectrice du travail, pour refuser l'autorisation de licenciement demandée, et le ministre chargé du travail, saisi par recours hiérarchique pour confirmer la décision de l'inspectrice du travail, les autres moyens soulevés par le centre médico-chirurgical des jockeys pour contester la légalité des décisions en litige sont inopérants et ne peuvent, par suite, qu'être écartés.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le centre médico-chirurgical des jockeys n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais exposés par le centre médico-chirurgical des jockeys et non compris dans les dépens soient mis à la charge de MmeB.... En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre médico-chirurgical des jockeys une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens. La présente instance n'ayant entraîné aucuns dépens, les conclusions respectives présentées par le centre médico-chirurgical des jockeys et par Mme B...au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de l'autre partie, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du centre médico-chirurgical des jockeys est rejetée.
Article 2 : Le centre médico-chirurgical des jockeys versera à Mme B...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de Mme B...présentées au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre médico-chirurgical des jockeys, à la ministre du travail et à Mme E...B....
N°16DA02512 2