Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 mai 2018, le préfet du Nord demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter le recours de M.E....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre ;
- et les observations de Me C...D..., représentant M. F...E....
Considérant ce qui suit :
Sur l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
1. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignation d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. (...) " et aux termes de l'article 62 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'admission provisoire est demandée sans forme au président du bureau ou de la section ou au président de la juridiction saisie. (...) L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué ".
2. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'admettre le requérant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. M. F...E..., ressortissant algérien né le 27 janvier 1990, serait selon ses déclarations entré en France le 6 juin 2007, muni d'un passeport délivré par les autorités françaises et valable pour un séjour d'une durée maximale de trente jours. Le 6 avril 2016, il a sollicité un certificat de résidence au titre de ses " liens personnels et familiaux en France", sur le fondement des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 24 août 2017, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a enjoint de quitter le territoire et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 2 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.
4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5°) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. E...allègue, sans être contesté, résider sur le territoire national depuis le 5 mai 2009, date à laquelle il a bénéficié d'une ordonnance de placement provisoire à l'aide sociale à l'enfance, sous l'identité de M.G.... Il a aussi fait l'objet d'un jugement en assistance éducative du 2 juin 2009 au 6 juillet 2009, a souscrit un contrat jeune majeur du 6 juillet 2009 au 31 octobre 2009 et a ensuite été pris en charge, dans ce cadre, par le conseil général du Bas-Rhin. Toujours sous l'identité de M.G..., il a obtenu, le 10 septembre 2009, une carte nationale d'identité et sous cette identité, il a pu bénéficier de plusieurs formations professionnelles. Il s'est aussi vu proposer, le 5 mars 2014, un contrat à durée indéterminé en qualité de serveur polyvalent. Il établit également, par les pièces du dossier, être en concubinage, depuis le mois de septembre 2015, avec Mme A...B..., ressortissante belge exerçant une activité professionnelle en France. Il n'est pas non plus contesté par le préfet du Nord que l'intéressé, dont les parents sont décédés, ne dispose plus d'attaches familiales en Algérie. Il a, certes, été condamné à une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis et vingt-quatre mois de mise à l'épreuve pour escroquerie et prise du nom d'un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales contre lui, par jugement du 13 octobre 2016 du tribunal de grande instance de Lille statuant en matière correctionnelle, le juge qui s'est prononcé sur sa mise en liberté lui ayant aussi enjoint d'exercer une activité professionnelle et de suivre un enseignement ou une formation professionnelle. M. E...a, ainsi, commis des délits. Toutefois il ressort aussi des pièces du dossier que M. E...désire s'insérer sur le territoire français, où il est présent depuis 2009, puisqu'il s'est attaché à bénéficier de formations professionnelles, y a exercé divers emplois pour subvenir à ses besoins et n'a pas entendu s'enrichir au détriment d'un tiers en commettant ces délits., Il n'a, en outre, depuis cette condamnation pénale, commis aucune autre infraction et s'est encore attaché à s'insérer professionnellement, en suivant une formation de chauffeur VTC, puis en obtenant plusieurs promesses d'embauche, en entreprenant des démarches constantes auprès de sociétés d'intérim et de Pôle emploi afin de s'insérer professionnellement et en obtenant des contrats de travail en interim. Ainsi, dans les circonstances très particulières de l'espèce, le moyen tiré de la menace à l'ordre public que constituerait la présence sur le territoire français de M.E..., compte tenu de la nature et de la gravité des faits pour lesquels il a été condamné, doit être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 24 août 2017 et lui a enjoint de délivrer à M. E...un certificat de résidence d'algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter du jugement.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
7. L'exécution du présent arrêt n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celle qui a été prescrite par le tribunal administratif. Les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. E...ne peuvent, dès lors, être accueillies.'
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C...D..., conseil de M. E..., d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : M. E...est provisoirement admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête du préfet du Nord est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros au conseil de M. E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. E...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...E..., au ministre de l'intérieur et à Me C...D....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
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N°18DA01092
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N°"Numéro"