Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2018, M. D...D..., représenté par Me C...E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 avril 2018 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé de son transfert auprès des autorités italiennes et l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement ;
- l'arrêté du 6 janvier 2016 modifiant l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement (métropole) ;
- l'arrêté du 20 décembre 2017 portant expérimentation de la régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Hauts-de-France ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. En premier lieu, aux termes de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité compétente pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, assigner à résidence un demandeur d'asile en application de l'article L. 742-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police / (....) Un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements ".
2. S'il est exact que l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement, pris sur le fondement du dernier alinéa de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 1, dans sa rédaction résultant de l'arrêté du 6 janvier 2016 visé ci-dessus et non modifié sur ce point par l'arrêté du 20 décembre 2017 visé ci-dessus, a confié la détermination de l'Etat responsable d'une demande d'asile, pour le département du Pas-de-Calais, au préfet du Nord, en revanche, les décisions tendant à l'assignation à résidence d'un demandeur d'asile, en application de l'article L. 742-2 du même code et à son transfert, en application de l'article L. 742-3 de ce code, n'entrent pas dans le champ d'application de cet arrêté conjoint et restent donc de la compétence du préfet du département en application du premier alinéa du même article R.* 742-1 cité au point 1. Dès lors, d'une part, le préfet du Pas-de-Calais, département dans lequel résidait M. D... à la date de l'arrêté attaqué, était compétent pour prendre les décisions attaquées le transférant aux autorités italiennes et l'assignant à résidence. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'arrêté en litige a été signé, au nom du préfet du Pas-de-Calais, par M. B...A..., chef du bureau de l'éloignement, bénéficiant d'une délégation de signature à l'effet notamment de signer les décisions en litige, qui lui a été conférée par arrêté du Préfet du Pas-de-Calais du 18 décembre 2017, publié au recueil des actes administratifs spécial n° 121 du même jour. D'autre part, s'agissant de la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de M.D..., il ressort des pièces du dossier que c'est le préfet du Nord, et non le préfet du Pas-de-Calais, qui a mené l'entretien destiné à déterminer l'Etat-membre responsable sur le fondement des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui a procédé au relevé des empreintes décadactylaires de l'intéressé, et qui a été destinataire de la lettre du 16 octobre 2017 par laquelle le directeur de l'asile l'a informé que ces empreintes correspondaient à celles relevées par les autorités italiennes le 28 juin 2017 sous le numéro IT2SR01Y7M. Le préfet du Nord doit ainsi être regardé comme ayant procédé à la détermination de l'Etat-membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, avant de transmettre le dossier au préfet du Pas-de-Calais, compétent pour prendre les décisions attaquées ainsi qu'il a été dit. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige manque en fait et doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 ". Aux termes du quatrième paragraphe du même article : " L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel ". Aux termes du cinquième paragraphe du même article : " L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ". Ni ces dispositions, ni aucune autre disposition n'imposent que l'entretien individuel soit mené par le préfet ou par une personne disposant d'une délégation de signature régulièrement publiée de la part du préfet. Il ressort des pièces du dossier que l'entretien du 16 octobre 2017 s'est déroulé dans les locaux de la préfecture du Nord et il n'est pas sérieusement contesté que M. D... D...a bien été reçu lors de cet entretien par un agent de la préfecture du Nord, lequel doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener cet entretien. Aucune disposition n'impose la mention obligatoire sur le compte rendu individuel de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. D...a bénéficié d'un entretien individuel dans des conditions garantissant la confidentialité, qui s'est déroulé en langue arabe avec l'assistance d'un interprète, et à l'occasion duquel il a pu être vérifié qu'il avait correctement compris les informations dont il devait avoir connaissance, notamment le fait que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie et que l'entretien s'inscrivait dans un processus de détermination de l'Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile. M. D...a, enfin, disposé d'un délai raisonnable pour apprécier en toute connaissance de cause la portée de ces informations avant le 5 avril 2018, date à laquelle le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités italiennes, et de la possibilité de formuler des observations. Dans ces conditions, M. D...n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013auraient été méconnues. Par suite, le moyen doit être écarté.
4. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a décidé de son transfert aux autorités italiennes est illégale. Par voie de conséquence, n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités italiennes, M. D...n'est pas fondé à se prévaloir de cette illégalité, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'assignant à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité doit être écarté.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...D..., au ministre de l'intérieur et à Me C...E....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
N°18DA01386 2