2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 5 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de lui délivrer, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous la même astreinte, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ou subsidiairement, de mettre à la charge de l'Etat cette même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me B... D..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né le 3 décembre 1986, est entré en France le 19 avril 2015 sous couvert de son passeport national revêtu d'un visa de court séjour à entrées multiples, valable du 23 novembre 2014 au 21 mai 2015. Le 4 avril 2016, il a sollicité un titre de séjour en raison de son état de santé et obtenu une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois. Par un arrêté du 5 janvier 2018, la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. C... relève appel du jugement du 9 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Par un avis du 27 août 2017, sur lequel l'autorité administrative s'est notamment fondée, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. C..., qui souffre d'une paraplégie de " type 3 " survenue à la suite d'un accident sur la voie publique en 2012, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il pouvait toutefois avoir accès effectivement à un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de différents comptes rendus d'hospitalisation, qu'outre la prise d'un très grand nombre de médicaments, M. C... reçoit régulièrement des injections botuliques intradétrusoriennes en raison d'une " vessie neurologique avec contraction détrusorienne désinhibée ". Pour contester l'appréciation selon laquelle il pourra bénéficier d'un traitement, et en particulier de ce traitement par injection intradétrusorienne, M. C... produit plusieurs attestations, dont trois émanent de médecins algériens. Ainsi, par un certificat médical du 5 novembre 2018, un neurologue de l'établissement public hospitalier d'Ain Bessem indique que la technique d'injection de toxine botulique " n'existe pas à (son) niveau ". Selon une attestation d'un médecin généraliste algérien du 23 novembre 2018, " M. C..., paraplégique, présente une vessie neurologique avec contraction détrusorienne. Il nécessite de ce fait des injections de toxine botulique intradétrusoirennes, produit qui n'est pas disponible dans les structures hospitalières en Algérie et technique non pratiquée ". Un autre compte rendu médical daté du 13 décembre 2018 établi par un médecin du centre hospitalo-universitaire de Tizi Ouzou atteste également que " vu nos moyens limités, nous ne pouvons pas assurer une bonne prise en charge pour le patient ". Si le préfet de la Seine-Maritime établit en cause d'appel la disponibilité de la toxine botulique en Algérie, en versant un nouvel extrait de la liste des médicaments essentiels disponibles, il n'apporte en revanche aucun élément de nature à remettre en cause la teneur des attestations versées par M. C..., selon lesquelles la technique très particulière d'administration de cette toxine par injection intradétrusorienne, dont les effets doivent nécessairement être surveillés et maîtrisés, n'est pas pratiquée en Algérie. Les attestations de M. C... sont, dès lors, de nature à infirmer l'avis du collège de médecins de l'OFII quant à l'accès effectif au traitement par M. C... dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'ordonner un supplément d'instruction, la préfète de la Seine-Maritime a méconnu les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien en refusant de délivrer à M. C... un titre de séjour.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 janvier 2018 portant refus de titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et celle fixant le pays de renvoi prises le même jour.
Sur les conclusions à fin injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
7. Il y a lieu, par application de ces dispositions sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de M. C..., d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer le titre de séjour prévu par les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. En application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me B... D..., sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 9 octobre 2018 et l'arrêté du 5 janvier 2018 de la préfète de la Seine-Maritime sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à M. C... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me B... D... une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me B... D....
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.
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N°18DA02546
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N°"Numéro"