Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2020, M. B... G..., représenté par Me C... E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 février 2020 du préfet de la Seine-Maritime ;
4°) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de produire le dossier médical de son fils, F... ;
5°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, ou, dans le cas où seul serait retenu un moyen de légalité externe, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, et ce dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à titre subsidiaire, à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller
- et les observations de Me D... A... pour M. G....
Considérant ce qui suit :
1. M. G..., né le 19 septembre 1979, de nationalité géorgienne, est entré en France le 30 mai 2018 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par décision de la cour nationale du droit d'asile du 31 juillet 2019. Il a alors sollicité un titre de séjour en tant qu'accompagnant d'enfant malade qui lui a été refusé par arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 7 février 2020, portant également obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination. M. G... relève appel du jugement du 5 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce que cet arrêté soit annulé pour excès de pouvoir, à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, ou à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter du jugement à intervenir et à ce qu'il soit enjoint à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de lui communiquer le dossier médical de son fils.
Sur l'admission à l'aide juridictionnelle :
2. M. G... a demandé dans sa requête que lui soit accordée l'aide juridictionnelle provisoire. Toutefois, il a été admis par décision du 27 octobre 2020 à l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions à ce titre sont devenues sans objet.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
3. La décision contestée cite les textes dont elle fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. En particulier, s'agissant de l'état de santé du fils de M. G..., elle cite l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et considère qu'il " ressort de l'étude approfondie des circonstances de l'espèce " que son fils " peut bénéficier de soins en cas de retour dans son pays d'origine, d'autant plus qu'il ne justifie pas ne pas y avoir accès ". Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
4. Aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. ". Le dernier alinéa de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 précise que : " L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
5. Il est constant que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, produit au dossier par le préfet de la Seine-Maritime, est revêtu des signatures électroniques des trois médecins membres du collège médical de l'office. En se bornant à soutenir qu'une telle signature ne présente aucune garantie d'intégrité et d'authenticité, sans expliquer en quoi un tel procédé est contraire aux dispositions citées au point 4, l'appelant n'apporte pas les précisions suffisantes permettant d'apprécier le bienfondé de ce moyen. Au contraire, il ressort des écritures de première instance du préfet de la Seine-Maritime que l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis en place une application sécurisée permettant de s'assurer que l'avis a bien été validé, à l'issue de la délibération par chacun des médecins signataires. Ce dispositif présente les garanties de sécurité de nature à assurer l'authenticité des signatures ainsi que le lien entre elles et leurs auteurs.
6. Lorsque l'avis porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. En l'espèce, l'avis du 21 novembre 2019, produit en première instance, atteste qu'il a été émis après délibération du collège des médecins. L'apposition d'une signature électronique par chacun des médecins auteurs de l'avis, ne permet pas à elle seule, contrairement à ce que soutient l'appelant, de renverser cette présomption de collégialité. Par ailleurs, le préfet n'est pas tenu de produire les documents relatifs à la disponibilité dans le pays d'origine des soins nécessaires, et notamment la fiche relative à la Géorgie dans la " bibliothèque d'information santé sur le pays d'origine " (BISPO) qui aurait été utilisée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour émettre son avis, ni la fiche " Themis " d'instruction de la demande dès lors qu'aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose une telle communication préalablement à l'intervention d'une décision de refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de cet avis ne peut qu'être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ".
8. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires, doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, la possibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
9. En l'espèce, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 21 novembre 2019 considère que le fils de M. G..., F..., nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour remettre en cause cet avis, l'appelant se borne à produire des certificats médicaux qui, s'ils établissent la nécessité de soins, n'indiquent pour aucun d'entre eux que le patient ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Géorgie. Si l'appelant soutient que son fils ne pourrait bénéficier des mêmes médicaments en Géorgie, il ne l'établit pas. De même s'il fait valoir que son fils est doté d'un système de contrôle du taux de glycémie dont il ne serait pas équipé dans son pays d'origine, il ne justifie pas plus, en tout état de cause, de l'absence de disponibilité d'un tel dispositif en Géorgie. Au contraire, le préfet a produit en première instance, sans que ces éléments soient sérieusement contestés, une liste des médicaments disponibles en Géorgie, fournie par le ministère de la santé de Géorgie qui indique que le traitement du fils de l'appelant y est disponible. Dans ses conditions, la demande que la cour fasse usage de ses pouvoirs d'instruction pour obtenir communication du dossier médical n'apparaît pas utile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges.
10. Il ne résulte ni des termes de la décision, ni de ce qui précède, ni des pièces du dossier, que le préfet de la Seine-Maritime ne se serait pas livré à un examen sérieux de la situation de l'appelant. En particulier, il ne ressort pas de ces éléments que le dit préfet se soit senti lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen ne peut qu'être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Rouen dans son jugement du 5 août 2020, les moyens tirés de l'insuffisante motivation et du défaut d'examen, M. G... n'apportant en cause d'appel, aucun élément nouveau sur ces points.
12. M. G... est entré en France en 2018 avec son épouse et ses trois enfants. Sa demande d'asile ainsi que celles de son épouse et de sa fille ainée ont été définitivement rejetées. Si ses deux enfants mineurs sont scolarisés pour l'année scolaire 2018-2019, respectivement en troisième et en cours préparatoire, il ne fait valoir aucun autre élément démontrant l'intensité de son intégration ou celle de sa famille. Il n'établit, ni même n'allègue que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer dans le pays d'origine. Par suite et compte tenu de ce qui a été dit au point 9, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation de M. G... doit également être écarté.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 et 12 que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, base légale de la décision fixant le pays de renvoi, ne peut qu'être écarté.
14. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Rouen dans son jugement du 5 août 2020, le moyen tiré de l'insuffisante motivation, M. G... n'apportant en cause d'appel aucun élément nouveau sur ce point.
15. M. G... se prévaut des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne produit toutefois aucun élément de nature à établir que sa vie ou sa sécurité serait menacée en cas de retour dans son pays. Par suite, les moyens tirés de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions d'annulation ainsi que celles aux fins d'injonction de délivrance sous astreinte d'un titre ou d'une autorisation provisoire de séjour et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur les conclusions à fins d'injonction que soit produit le dossier médical de son fils.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions d'admission à titre provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. G... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me E... pour M. B... G... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.
N°20DA01726 6