Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 décembre 2019 et 21 novembre 2020, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 avril 2016 par lequel le directeur général de l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat l'a placé en disponibilité d'office à compter du 18 septembre 2015 ;
3°) d'enjoindre à Lille Métropole Habitat de réexaminer sa situation et de procéder à son reclassement sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un mois à compter de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de Lille Métropole Habitat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour Lille Métropole Habitat.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., né en 1958, est adjoint technique territorial de première classe exerçant ses fonctions auprès de l'office public de l'habitat Lille Métropole Habitat. Par un arrêté du 21 avril 2016, le directeur général de Lille Métropole Habitat l'a placé en disponibilité d'office à compter du 18 septembre 2015. M. C... relève appel du jugement du 12 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la fin de non-recevoir opposée par Lille Métropole Habitat :
2. Aux termes de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter :[...] c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ".
3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
4. Il ressort des pièces du dossier que, préalablement à l'introduction d'un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de l'arrêté du 21 avril 2016 en litige, M. C... a déposé, le 15 juin 2016, soit dans le délai de recours contentieux de deux mois, une demande d'aide juridictionnelle qui lui a été accordée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Lille du 10 août 2017. Toutefois, en l'absence d'éléments au dossier permettant d'établir la date de notification de cette décision, les délais de recours n'ont pu recommencer à courir conformément aux règles énoncées aux points 2 et 3, et la demande introduite par l'intéressé le 1er mars 2018 devant le tribunal administratif de Lille ne saurait être regardée comme tardive. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par Lille Métropole Habitat doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. D'une part, aux termes de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " [...] La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57. [...] ". Aux termes de l'article 32 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Si, au vu de l'avis du comité médical compétent et éventuellement de celui du comité médical supérieur, dans le cas où l'autorité territoriale ou l'intéressé jugent utile de le provoquer, [...] le fonctionnaire est reconnu inapte à exercer ses fonctions, le congé continue à courir ou, s'il était au terme d'une période, est renouvelé. Il en est ainsi jusqu'au moment où le fonctionnaire sollicite l'octroi de l'ultime période de congé rétribuée à laquelle il peut prétendre. Le comité médical doit alors donner son avis sur la prolongation du congé et sur la présomption d'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions. S'il y a présomption d'inaptitude définitive, la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales se prononce, à l'expiration de la période de congé rémunéré, sur l'application de l'article 37 ci-dessous. [...] " Par ailleurs, aux termes de l'article 37 du même décret : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 susvisé, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. Pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprise de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. ".
6. D'autre part, aux termes de l'article 4 du même décret : " Le comité médical est chargé de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les questions médicales soulevées par l'admission des candidats aux emplois publics, l'octroi et le renouvellement des congés de maladie et la réintégration à l'issue de ces congés, lorsqu'il y a contestation. Il est consulté obligatoirement pour : [...] f) La mise en disponibilité d'office pour raison de santé et son renouvellement ; [...] Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire : - de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier ; - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ; - des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur. ".
7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
8. La mise en disponibilité d'office prévue par l'article 37 du décret du 30 juillet 1987 ne peut intervenir que suite au constat, établi conformément aux dispositions de l'article 4 du même décret, que le fonctionnaire ne peut reprendre son service. Il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 28 août 2015, le comité médical départemental a rendu un avis favorable au renouvellement du congé de longue durée de M. C... du 18 février 2015 au 17 septembre 2015, constaté qu'il avait épuisé ses droits à congé de longue durée et proposé une mise en retraite pour invalidité pour inaptitude totale et définitive à toute fonction. Par l'arrêté attaqué du 21 avril 2016, pris au visa de cet avis, le directeur général de Lille Métropole Habitat a placé M. C... en disponibilité d'office à titre conservatoire à compter du 18 septembre 2015, avec maintien d'un demi-traitement, dans l'attente de l'avis de la commission de réforme et de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales en vue de sa mise en retraite pour invalidité.
9. Par application de l'article 4 précité du décret du 30 juillet 1987, l'intéressé doit être informé, par le secrétariat du comité médical, de la tenue d'une séance le concernant. Si, en réponse à la mesure d'instruction diligentée par la cour, Lille Métropole Habitat a produit un courrier du 3 août 2015 informant M. C... de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier, de ses droits concernant la communication de son dossier et de la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ainsi que les voies de recours possibles devant le comité médical supérieur, il n'établit pas l'avoir effectivement adressé au requérant qui conteste expressément l'avoir reçu. L'arrêté attaqué doit ainsi, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme entaché d'un vice au regard des dispositions de l'article 4 du décret du 30 juillet 1987 précité. Ce vice ayant privé l'intéressé d'une garantie, il entache d'illégalité l'arrêté du 21 avril 2016 contesté.
10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2016. Il s'ensuit que le jugement en date du 12 juillet 2019 et l'arrêté du 21 avril 2016 par lequel le directeur général de Lille Métropole Habitat a placé M. C... en disponibilité d'office à compter du 18 septembre 2015 doivent être annulés.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. M. C... ayant été radié des cadres à compter du 1er juillet 2016 par une décision du 30 mai 2016, dont au demeurant la cour a confirmé la légalité sur ce point par un arrêt n° 19DA02801 de ce jour, les conclusions tendant au réexamen de la situation de l'intéressé et à la recherche d'un reclassement ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. C... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante au titre des frais exposés par Lille Métropole Habitat et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le conseil de M. C... sur le fondement de ces mêmes dispositions et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 12 juillet 2019 et l'arrêté du 21 avril 2016 du directeur général de Lille Métropole Habitat sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande de M. C... devant le tribunal administratif et de sa requête devant la cour est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par Lille Métropole Habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me E... pour M. A... C... et à Me B... pour Lille Métropole Habitat.
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