Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 avril 2016, M. A...représenté par Me B... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 mars 2016 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, dans l'hypothèse où seul un moyen de légalité externe serait retenu, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une motivation insuffisante ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'illégalité de la décision de refus de séjour a pour conséquence celle de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- celle-ci est entachée d'un vice de forme, le médecin de l'agence régionale de santé ne s'étant pas prononcé sur la possibilité de voyager sans risque ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire a pour conséquence l'illégalité de la décision fixant le pays de destination ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2016, la préfète de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
1. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs des premiers juges d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° : A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;
3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., de nationalité ivoirienne, souffre de troubles gastriques et psychiatriques ; que par un avis du 27 avril 2015, le médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que le traitement approprié n'était pas disponible dans son pays d'origine ; que le préfet de la Seine-Maritime, qui n'est pas lié par l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé, a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il pouvait bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé en Côte d'Ivoire ; que, pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins résultant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet de la Seine-Maritime a produit divers documents ; que, notamment, la liste nationale des médicaments essentiels de Côte d'Ivoire que produit cette autorité fait apparaitre la disponibilité des médicaments de la même classe que ceux qui sont prescrits à M.A..., en France et qui leur sont substituables ; que le préfet produit de plus la liste des hôpitaux et hôpitaux psychiatriques du pays ; que le requérant se limite, en cause d'appel, à soutenir, que sa pathologie psychiatrique étant en rapport avec les évènements vécus dans son pays d'origine, il n'est pas possible qu'un traitement approprié puisse lui être dispensé en Côte d'Ivoire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, en dépit de cette circonstance alléguée, que M. A...ne pourrait pas disposer, dans son pays d'origine, d'un accès à des médicaments et à des établissements aptes à lui prodiguer les soins que requiert son état de santé ; que, dans ces conditions, en refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas méconnu ces dispositions ;
Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de Seine-Maritime n'a pas suivi l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; que, par suite, la circonstance que celui-ci serait irrégulier faute pour ce dernier de s'être prononcé sur la possibilité du requérant de voyager sans risque est inopérant ;
7. Considérant qu'ainsi qu'il est dit au point 4, la décision contestée ne méconnaît pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi qu'il est dit au point 1, elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
8. Considérant que, si M. A...soutient qu'il serait menacé en cas de retour dans son pays d'origine, il ne produit aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques personnels, directs et actuels qu'il encourrait ; qu'au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 16 mai 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le 6 février 2014 ; que, dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ainsi commise dans l'appréciation de sa situation personnelle, doivent être écartés ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., au ministre de l'intérieur et à Me B...C....
Copie en sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Nizet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 décembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-J. GAUTHÉ Le président de
La formation de jugement,
Signé : O. NIZET Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°16DA00804
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