Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mai 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 29 janvier 2016 ;
2°) de rejeter la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision du 20 janvier 2016 fixant le pays de destination.
Elle soutient que :
- M. B...n'établit pas être exposé à des risques réels et personnels de mauvais traitements en cas de retour dans son pays d'origine ;
- il n'apporte aucun élément permettant de tenir pour établi qu'il est bien originaire d'Afghanistan et de la région de Laghman ;
- il n'a pas demandé l'asile ;
La requête a été régulièrement communiquée à M. B...qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'à la suite de son interpellation, le 20 janvier 2016, sur la rocade du port de Calais par les services de la police aux frontières, M.B..., se déclarant ressortissant afghan, a fait l'objet d'un arrêté de la préfète du Pas-de-Calais pris le 20 janvier 2016 lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français à destination du pays dont il revendique la nationalité, ou de tout autre pays dans lequel il est légalement admissible, et ordonnant son placement en rétention administrative ; que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 29 janvier 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision fixant le pays de destination et a rejeté le surplus des conclusions de M. B... ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que selon les termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments ;
3. Considérant que M.B..., se disant originaire de la région de Laghman, située dans l'Est de l'Afghanistan, fait valoir qu'il est menacé par les talibans qui seraient à la recherche de son frère et qui auraient brulé son commerce ; que M.B... est dépourvu de tout document d'identité ; que sa demande de première instance, rédigée avec l'aide de l'association France Terre d'asile, en dehors de l'affirmation précitée, n'apporte aucune précision d'ordre personnel quant aux conditions de vie de l'intéressé dans cette région, ni aucun éléments relatifs à ce qu'il y a lui-même vu ou subi ; qu'ainsi, en l'absence de tout récit personnel, M. B...ne peut être regardé comme établissant qu'il serait effectivement originaire de la province précitée où le degré de violence généralisée est effectivement tel qu'un civil renvoyé dans la région concernée courrait un risque réel de subir une menace grave du seul fait de sa présence sur ce territoire ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu, pour annuler la décision fixant le pays de destination de l'intéressé, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Lille ;
5. Considérant que les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige et de son insuffisante motivation, déclinés à l'encontre de chacune des décisions en litige, doivent être écartés par adoption des motifs exposés aux points 1 et 2 du jugement attaqué ;
6. Considérant que, si l'intéressé se prévaut de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera éloigné, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le tribunal administratif de Lille, dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ce point, a rejeté à bon droit ses conclusions tendant à l'annulation de cette mesure d'éloignement ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination de son éloignement est entachée d'illégalité ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé sa décision fixant le pays de destination de l'éloignement de M.B... ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lille du 29 janvier 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Nizet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 décembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-J. GAUTHÉ Le président de
La formation de jugement,
Signé : O. NIZET Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°16DA00978
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