Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 mai 2016, M.B..., représenté par Me E...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 avril 2016 du tribunal administratif d'Amiens ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Somme du 23 décembre 2015 lui refusant l'admission au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit, il devait se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L 313-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation eu égard à sa situation personnelle et familiale ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
La requête à été communiquée au préfet de la Somme qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B...été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11°: A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ; qu'en application de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé" ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 dudit code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé, au vu du rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et des informations dont il dispose : " le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) " ;
2. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées relatives au droit au séjour des étrangers qui demandent un titre de séjour en raison de leur état de santé, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un tel titre de séjour et d'éloigner le demandeur du territoire, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du même code, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé de Picardie du 30 novembre 2015 mentionne que l'état de santé de M.B..., ressortissant arménien né le 18 octobre 1986, nécessite une prise en charge médicale et des soins devant être poursuivis sur une durée de douze mois, dont le défaut est de nature à entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il existe dans le pays dont il est originaire un traitement approprié ; que cet avis précise, en outre, que le requérant peut voyager sans risque vers ce pays ; que, si M. B...produit à l'appui de sa requête des comptes-rendus opératoires et d'analyses médicales ainsi que des certificats des 16 janvier 2015 et 27 janvier 2015 dressés par le docteur Gilles Touati, chirurgien rattaché au pôle " coeur, thorax, vaisseaux " du centre hospitalier universitaire d'Amiens, qui attestent qu'il a été opéré à coeur ouvert en décembre 2014 et doit faire l'objet d'une surveillance postopératoire étroite, dont le défaut aurait des conséquences d'une extrême gravité sur son état de santé, ces certificats ne comportent aucune précision sur la présence ou non d'un suivi et d'un traitement appropriés à cet état en Arménie ; que, par suite, les éléments produits par M. B...ne sont pas de nature à contredire sérieusement l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation préfectorale sur la disponibilité des soins dans son pays d'origine ; qu'en conséquence, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur de droit, au regard des dispositions précitées, doit être écarté ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
5. Considérant que M.B..., qui serait entré en France le 3 janvier 2014 selon ses déclarations, moins de deux ans avant l'intervention de l'arrêté en litige, fait état de la relation qu'il entretient avec MmeC..., de nationalité géorgienne ; que, toutefois, il ne justifie ni de l'ancienneté de cette relation, ni être dans l'impossibilité de constituer la cellule familiale dans son pays d'origine où dans celui de sa compagne, à propos de laquelle il n'est pas établi qu'elle résiderait en situation régulière sur le territoire français ; qu'il a au demeurant reconnu le 13 janvier 2016 l'enfant à naître issu de sa relation avec Mme C... et a contracté mariage avec l'intéressée le 15 février 2016, ce qui est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige, qui s'apprécie à la date à laquelle il est intervenu ; que M. B...ne fait état par ailleurs d'aucun autre lien qu'il aurait noué en France, ni d'aucune intégration sociale ou professionnelle particulière ; qu'il ne démontre pas, non plus, être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans, en tenant compte de la date alléguée de son entrée sur le territoire français ; que, dès lors, ses liens avec la France ne sont pas d'une intensité, d'une ancienneté et d'une stabilité telles que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, au regard des buts qu'il poursuit ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté ; que pour les mêmes motifs, le moyen de M. B... tiré de ce que la préfète de la Somme aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cet arrêté sur sa situation personnelle et familiale doit être écarté ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de la préfète de la Somme du 23 décembre 2015 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentes aux fins d'injonction doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Somme.
Délibéré après l'audience publique du 6 octobre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 décembre 2016.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : O. NIZET Le président de chambre,
président-rapporteur,
Signé : P.-L. ALBERTINI Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°16DA00893