Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 décembre 2016, M. C..., représenté par Me B...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 novembre 2016 du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 janvier 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que :
- la décision lui refusant un titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 11° et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de la situation du requérant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
-la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 11° et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2017, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.C..., ressortissant géorgien, déclare être entré en France le 3 septembre 2012 ; que, par décision du 13 décembre 2013, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile ; que, le 8 juillet 2014, le préfet du Nord lui a délivré un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " pour des raisons médicales, valable jusqu'au 7 janvier 2015 ; que, le 10 février 2015, l'intéressé a déposé une demande de renouvellement de ce titre de séjour en raison de son état de santé ; que, par un arrêté du 27 janvier 2016, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé a quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que M. C...relève appel du jugement du 3 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur le refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.
A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-5 : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;
3. Considérant que la décision attaquée reprend les dispositions sur lesquelles elle est fondée ; qu'elle énonce, de manière précise, les circonstances de fait et de droit pour lesquelles le requérant ne remplit pas les conditions pour prétendre à un titre de séjour ; que M. C...n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaît les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et est entachée d'un défaut de motivation ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé et, à Paris, par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé ( ...) " ;
5. Considérant que M. C...déclare souffrir de troubles de santé sérieux qui nécessitent un suivi médical rigoureux et permanent, dont il ne pourrait bénéficier en Géorgie ; qu'il ressort néanmoins des pièces du dossier que, par un avis rendu le 16 mars 2015, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne pouvait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié existait dans son pays d'origine ; que, si le requérant produit des certificats médicaux émanant respectivement des docteurs Binault et Debuse, particiens hospitaliers, il ressort seulement de ces certificats qu'il doit régulièrement bénéficier d'un suivi médical, et ils ne comportent aucune mention des conséquences du défaut de soins et de l'impossiblité de bénéficier des soins appropriés dans son pays d'origine ; qu'en outre, si le docteur Lucidarme évoque la nécessité pour l'intéressé d'obtenir un titre de séjour, il ne précise pas non plus que l'offre de soins existante en Géorgie serait inappropriée au regard de son état de santé ; que, M.C..., alors même que la pathologie dont il est atteint et pour laquelle il a bénéficié d'un suivi médical en France a pu auparavant donner lieu à la délivrance d'un titre de séjour, ne démontre pas, par les pièces produites, l'existence d'une circonstance humanitaire exceptionnelle au sens du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, les certificats médicaux produits par M. C...ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé Nord/Pas-de-Calais sur lequel le préfet du Nord s'est fondé pour prendre sa décision ; que, par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Nord aurait méconnu les dispositions des articles L. 313-11 11° et R . 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : /(...)/ 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ;
7. Considérant que M.C..., qui soutient résider en France depuis le 3 septembre 2012, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ou il a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-et-un ans, et où résident encore son épouse, ses quatre enfants, ainsi que ses deux frères et sa soeur ; que, s'il fait valoir qu'il participe à des ateliers d'adaptation à la vie active au sein de son centre d'hébergement et qu'il a bénéficié de soins en France, il ne démontre pas qu'il ne pourrait se réinsérer professionnellement dans son pays d'origine et ne justifie pas de la consitution de liens affectifs stables et d'une particulière intensité ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du caractère récent du séjour du requérant sur le territoire français, le préfet du Nord a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs pour lesquels le refus de séjour a été pris, ni, par conséquent, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
8. Considérant qu'il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C...avant de prendre la décision contestée ; qu'en particulier, ni l'appréciation portée par le préfet sur son état de santé et la possibilité de bénéficier d'un suivi médical dans son pays d'origine, ni son appréciation sur sa vie privée et familiale de l'intéressé ne caractérisent un défaut d'examen sérieux de sa situation ; que, dès lors, ce moyen doit être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour est entaché d'illégalité ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant qu'il résulte de qui a été dit précédemment que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté ;
11. Considérant qu'en vertu des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour lorsque, notamment, un refus de délivrance d'un titre de séjour a été opposé à l'étranger ; que la décision de refus de titre de séjour du 27 janvier 2016 comporte, ainsi qu'il a été dit au point 3, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et vise les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettent d'assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation au requérant de quitter le territoire français est insuffisamment motivée doit être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que les moyen tirés de l'erreur manifeste d'appréciation, du défaut d'examen particulier et sérieux de la situation de M. C... et de la méconnaissance des dispositions du 7° et du 11 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doivent être écartés ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'illégalité ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait elle-même illégale ;
15. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me B...D....
Copie en sera transmise au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 15 mars 2017, à laquelle siégeaient :
M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
M. Olivier Nizet, président-assesseur,
M . Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 30 mars 2017.
L'assesseur le plus ancien
Signé : O. NIZET
Le président de chambre,
président-rapporteur,
Signé : P.-L. ALBERTINI
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N° 16DA02558