Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2019, M. B...A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de sept jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et d'enregistrer sa demande d'asile;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...A..., ressortissant somalien né le 31 décembre 1982, serait entré une première fois sur le territoire français, selon ses déclarations, le 9 novembre 2017. Il s'est présenté à la préfecture de la Seine-Maritime le 20 novembre 2017 dans le but de former une demande d'asile. Toutefois, une consultation du fichier Eurodac a permis d'établir que M. B... A...était connu des autorités finlandaises, qui avaient prélevé ses empreintes digitales le 6 avril 2016. Les autorités finlandaises ayant accepté sa reprise en charge, la préfète de la Seine-Maritime a prescrit, par un arrêté du 14 décembre 2017, son transfert en Finlande. Cet arrêté a été exécuté le 6 février 2018. L'intéressé étant toutefois revenu en France et s'étant une nouvelle fois présenté à la préfecture de la Seine-Maritime, le 3 septembre 2018, pour y solliciter l'asile, une consultation de l'application Eurodac a établi que l'intéressé était connu des autorités finlandaises, qui avaient prélevé pour la seconde fois ses empreintes digitales le 20 novembre 2017. Ces autorités, rendues destinataires d'une nouvelle demande de reprise en charge de M. B... A..., ayant accepté celle-ci le 4 septembre 2018, la préfète de la Seine-Maritime a, pour la seconde fois, prescrit le transfert de l'intéressé en Finlande, par un arrêté du 23 octobre 2018. M. B...A...relève appel du jugement du 3 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de ce dernier arrêté et à ce qu'il soit fait injonction, sous astreinte, à la préfète de la Seine-Maritime de l'admettre provisoirement au séjour et de prendre en compte sa demande d'asile.
Sur la motivation de l'arrêté en litige :
2. Les motifs de l'arrêté en litige énoncent qu'après que M. B...A...a bénéficié d'un entretien individuel en langue somali, qu'il a déclaré comprendre, et qu'il se soit vu délivrer, dans la même langue, les informations requises par l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 en ce qui concerne sa situation de demandeur d'asile et l'application de ce règlement, les autorités finlandaises, qui connaissaient l'intéressé en tant que demandeur d'asile, ont été saisies, le 3 septembre 2018, d'une demande de reprise en charge de l'intéressé, formulée sur le fondement des dispositions du d) du 1 de l'article 18 du même règlement. Ces motifs précisent que les autorités finlandaises ont expressément accepté cette reprise en charge par une décision du 4 septembre 2018. Ainsi rédigés, ces motifs, qui ajoutent que M. B...A...ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale stable sur le territoire français et qu'il n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner en Finlande, exposent les considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision de transfert de M. B...A...en Finlande. Dès lors que cette décision intervient dans le cadre d'une reprise en charge d'un ressortissant étranger dont la demande d'asile a été rejetée par les autorités d'un autre état membre de l'Union européenne et qui a présenté une autre demande d'asile en France, et non d'une prise en charge d'un demandeur d'asile à l'issue de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande, la préfète de la Seine-Maritime n'avait pas à motiver son arrêté au regard de l'un des critères de détermination énoncés au chapitre III du règlement (UE) n°604/2013. Il suit de là que doit être écarté le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de transfert au regard de l'exigence rappelée par les articles L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et 4 du règlement (UE) n°604/2013.
Sur la régularité de la procédure préalable :
En ce qui concerne le traitement de ses données personnelles :
3. En vertu de l'article 29 du règlement (UE) n°603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement du même jour établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale, toute personne dont les empreintes digitales ont fait l'objet d'un relevé aux fins d'enregistrement dans le système Eurodac bénéficie, de la part des autorités de l'Etat ayant procédé à ce relevé, d'une information relative notamment à l'identité du responsable du traitement de ces données ou de son représentant, à la raison pour laquelle ces données vont être traitées par le système Eurodac, aux destinataires de celles-ci, enfin, à l'existence d'un droit d'accès et d'un droit de rectification. Toutefois, ce droit à information ayant pour seul objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, son éventuelle méconnaissance est, par elle-même, dépourvue d'incidence tant sur la légalité de la décision prescrivant le transfert d'un demandeur d'asile vers l'Etat membre compétent pour sa prise ou sa reprise en charge que sur la régularité de la procédure préalable à l'édiction d'une telle décision. Il suit de là que le moyen tiré, en l'espèce, par M. B...A...de la méconnaissance de ces dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n°603/2013 doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne l'entretien individuel :
4. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ". Aux termes de l'article 35 de ce règlement : " 1. Chaque État membre notifie sans délai à la Commission les autorités chargées en particulier de l'exécution des obligations découlant du présent règlement et toute modification concernant ces autorités. (...) / (...) / 3. Les autorités visées au paragraphe 1 reçoivent la formation nécessaire en ce qui concerne l'application du présent règlement. / (...) " et aux termes de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres désignent pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes conformément à la présente directive. (...) / (...) / 4. Lorsqu'une autorité est désignée (...), les États membres veillent à ce que le personnel de cette autorité dispose des connaissances appropriées ou reçoive la formation nécessaire pour remplir ses obligations lors de la mise en oeuvre de la présente directive. / (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier et notamment du compte-rendu produit à l'instruction, que M. B...A...a bénéficié, ainsi qu'il a été dit au point 2, de l'entretien individuel prévu par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dans les locaux de la préfecture de la Seine-Maritime, le 3 septembre 2018, avec l'assistance d'un interprète en langue somali, qu'il a déclaré comprendre et selon des modalités dont il n'est pas allégué qu'elles n'auraient pas permis le respect de la confidentialité. En l'absence de tout élément de nature à faire naître un doute sérieux sur ce point, le seul fait que ce compte-rendu ne comporte pas la mention du nom et de la qualité de l'agent de la préfecture qui a mené cet entretien ne peut suffire à établir que cet agent n'aurait pas été mandaté à cet effet par la préfète de la Seine-Maritime après avoir bénéficié d'une formation appropriée, et ne serait, par suite, pas une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens des dispositions citées au point précédent. Dans ces conditions, le moyen tiré par M. B...A...de ce que ces dispositions auraient été méconnues en l'espèce, faute pour le législateur et le pouvoir réglementaire d'avoir pris des mesures propres à en assurer la transposition en droit interne, doit être écarté.
Sur l'appréciation portée par l'autorité préfectorale sur la situation de l'intéressé :
6. L'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoit la possibilité pour chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement ou de demander à un autre Etat membre de prendre l'intéressé en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères fixés par ce règlement.
7. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ni n'est même allégué, que M. B... A...aurait fait état auprès de la préfète de la Seine-Maritime de circonstances tirées de sa situation personnelle pour solliciter que sa demande d'asile soit examinée, à titre dérogatoire, par les autorités françaises, le seul fait que les motifs de l'arrêté en litige mentionnent seulement que sa situation ne relève pas de la clause dérogatoire de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 ne suffit pas à établir qu'avant de prendre la mesure de transfert contestée, la préfète de la Seine-Maritime ne se serait pas livrée à un examen particulier de la situation de l'intéressé, notamment sur le point de savoir s'il était en situation de voir sa demande d'asile examinée, sur le fondement de cette disposition dérogatoire de l'article 17 du règlement, par les autorités françaises.
8. Enfin, si M. B... A...soulève, au terme de sa requête, les moyens tirés de ce que la décision de transfert en litige aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il n'a pas assorti ces moyens de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...A..., à Me C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.
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N°19DA00012