Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 novembre 2018 et le 17 mai 2019, la société anonyme UGEPA, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012 ainsi que des rappels de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui ont été réclamés au titre des mêmes années et, d'autre part, de lui accorder la restitution de ces impositions, assortie des intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... A..., première conseillère,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de M. D..., directeur général de la société UGEPA.
Considérant ce qui suit :
1. La société UGEPA, qui exerce une activité de fabrication de papiers peints, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. A l'issue de ce contrôle, l'administration, estimant que les " frais de gravure " des cylindres utilisés par cette société dans le cadre du processus de fabrication de papiers peints, et qu'elle avait déduits en charges au compte 62800000, correspondaient en réalité à des immobilisations et en a réintégré le montant dans l'actif net déclaré par cette dernière. Les rectifications ainsi envisagées du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés et de l'assiette de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises ont été portées à la connaissance de la société UGEPA par une proposition de rectification en date du 10 décembre 2013, en ce qui concerne l'exerce clos le 31 décembre 2010, et par une proposition de rectification en date du 30 juin 2014, en ce qui concerne les exercices clos le 31 décembre 2011 et le 31 décembre 2012. Ces rectifications ont été maintenues malgré les observations formulées par la société UGEPA, la saisine par cette dernière du supérieur hiérarchique du vérificateur, ainsi que de l'interlocuteur interrégional, et en dépit de l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, défavorable au service, en date du 18 mars 2015. La société UGEPA relève appel du jugement du 19 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui ont ainsi été assignés au titre des années 2010 à 2012, et à la restitution de ces impositions, assorties d'intérêts moratoires.
Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, le bénéfice net imposable à l'impôt sur les sociétés est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ". L'article 211-1 du plan comptable général issu du règlement n° 2004-06 du 23 novembre 2004, alors en vigueur, définit en son point 1 la notion d'actif comme " un élément identifiable du patrimoine ayant une valeur économique positive pour l'entité, c'est-à-dire un élément générant une ressource que l'entité contrôle du fait d'événements passés et dont elle attend des avantages économiques futurs ". Selon le point 2 de ce même article, une immobilisation corporelle est un actif physique détenu afin, notamment, d'être utilisé dans la production ou la fourniture de biens et dont l'entité attend qu'il soit utilisé au-delà de l'exercice en cours.
3. Il résulte de l'instruction que, pour l'exercice de son activité de fabrication de papiers peints, la société UGEPA utilise des rouleaux qui, tout en assurant le convoyage du papier sur les machines lors du processus de fabrication, effectuent la réalisation du motif d'impression attendu. Ces rouleaux sont constitués de cylindres en acier, d'une durée de vie de trente ans, et sont revêtus d'une couche de cuivre, polie et protégée par l'application d'une couche de chrome, sur laquelle sont gravés les motifs des différentes collections de papiers peints. L'usure de cette couche de cuivre au cours du processus de fabrication rend nécessaire, tous les deux ans, une opération de gravure des rouleaux, au cours de laquelle la couche de cuivre est reconstituée, avant d'être à nouveau gravée, puis revêtue d'une couche de chrome.
4. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les " frais de gravure " inscrits en charges par la société UGEPA ont trait au renouvellement des couches de cuivre apposées sur la surface des rouleaux d'impression du papier peint. Celles-ci constituent un élément physique identifiable des rouleaux d'impression, alors même qu'elles ne sauraient exister indépendamment des cylindres d'acier sur lesquels elles sont apposées et qu'elles ne peuvent, selon le critère d'identification applicables aux seules immobilisations corporelles en vertu des dispositions de l'article 211-1 du plan comptable général alors en vigueur, être vendues, louées ou échangées séparément. Elles sont, par ailleurs, susceptibles d'être valorisées au prix dû par la société requérante au titre des " frais de gravure ". En outre, en l'absence de toute précision apportée par la société requérante sur le rythme et la proportion du renouvellement de ces couches de cuivre rendu nécessaire par l'obsolescence des anciennes collections de papiers peints, la durée attendue de leur utilisation dans le processus de production doit être regardée comme correspondant à la durée de deux ans au-delà de laquelle l'usure impose leur remplacement, cette durée étant donc supérieure à celle d'un exercice. Enfin, les rouleaux d'impression des papiers peints dont elles constituent un élément sont, eux-mêmes, un élément physique identifiable du patrimoine de la société UGEPA, dont la durée d'utilisation prévue doit être assimilée à celle des cylindres d'acier qui en constituent la structure, soit une durée de trente ans. Les couches de cuivre revêtent ainsi, tout comme les rouleaux d'impression dans leur ensemble, le caractère d'immobilisations corporelles au sens des dispositions précitées de l'article 211-1 du plan comptable général alors en vigueur. La société UGEPA n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que les " frais de gravure " exposés pour le renouvellement de ces couches de cuivre constitueraient la simple rémunération de prestations de service et ne pourraient, faute de constituer un élément physique identifiable, être pris en compte au titre de ses immobilisations corporelles pour la détermination du résultat net des exercices considérés.
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 15 bis de l'annexe II au code général des impôts : " I. - Pour la détermination du bénéfice imposable résultant de l'application aux immobilisations de la méthode par composants, sont regardés comme des composants les éléments principaux d'une immobilisation corporelle : / 1° Ayant une durée réelle d'utilisation différente de celle de cette immobilisation ; / 2° Et devant être remplacés au cours de la durée réelle d'utilisation de cette immobilisation. / II. - L'application de la méthode par composant implique : / 1° La comptabilisation séparée à l'actif du bilan, dès l'origine et lors de leur remplacement, de chacun des composants satisfaisant aux conditions prévues au I. / Les coûts de remplacement d'un composant sont comptabilisés comme l'acquisition d'un actif séparé et la valeur nette comptable du composant remplacé est comptabilisée en charges. / Les éléments principaux d'une immobilisation corporelle, qui n'ont pas été identifiés dès l'origine comme des composants, sont comptabilisés séparément à l'actif du bilan dès qu'il est ultérieurement constaté qu'ils satisfont aux conditions prévues au I ; / (...) ".
6. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article 39 B du code général des impôts : " A la clôture de chaque exercice, la somme des amortissements effectivement pratiqués depuis l'acquisition ou la création d'un élément donné ne peut être inférieure au montant cumulé des amortissements calculés suivant le mode linéaire et répartis sur la durée normale d'utilisation. A défaut de se conformer à cette obligation, l'entreprise perd définitivement le droit de déduire la fraction des amortissements qui a été ainsi différée ".
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que les couches de cuivre apposées à la surface des rouleaux d'impression du papier peint jouent un rôle indispensable dans le processus de fabrication et il n'est pas allégué par la société requérante que leur valeur de remplacement ne serait pas significative par rapport à la valeur des cylindres d'acier sur lesquels elles sont appliquées. Il s'ensuit qu'elles constituent l'un des éléments principaux de ces rouleaux. En outre, elles présentent une durée d'utilisation inférieure à celle de ces mêmes rouleaux, laquelle, ainsi qu'il a été dit au point 4, doit être assimilée à la durée de vie de trente ans des cylindres d'acier qui en constituent la structure, et au cours de laquelle elles doivent être remplacées. Il s'ensuit que ces couches de cuivre constituent un composant des rouleaux d'impression du papier peint, au sens des dispositions de l'article 15 bis de l'annexe II au code général des impôts, et qu'en application de ces dispositions, le coût de leur remplacement doit être comptabilisé comme l'acquisition d'un actif immobilisé séparé. Par ailleurs, il résulte des dispositions, citées au point 6, de l'article 39 B du code général des impôts que, faute d'avoir constaté en comptabilité l'amortissement des cylindres en acier servant de support à ces rouleaux, la société UGEPA ne peut plus faire valoir que de tels amortissements devraient être pris en compte pour la détermination de son résultat imposable. Enfin, la société requérante ne se prévaut d'aucune autre surévaluation de ses bases d'imposition résultant de l'absence de remise en cause par l'administration de la comptabilisation en stocks des rouleaux d'impression du papier peint. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les " frais de gravure " ne pouvaient être inscrits isolément en immobilisation doit être écarté.
8. En troisième lieu, comme il a été dit au point précédent, la société UGEPA n'est plus en droit de pratiquer les amortissements, qu'elle a intégralement différés, des éléments constitutifs des rouleaux d'impression du papier peint qu'elle utilise pour son activité de production. Par suite, elle ne saurait utilement se prévaloir de la possibilité qui lui aurait été ouverte de procéder à de tels amortissements, si elle avait inscrit ces rouleaux en immobilisation, pour soutenir que son choix d'inscrire en stock ces rouleaux et en charges les frais de remplacement de la couche de cuivre dont ils sont revêtus n'a entraîné aucune perte pour le Trésor.
En ce qui concerne la doctrine de l'administration fiscale :
9. La société UGEPA invoque, à titre subsidiaire, la tolérance administrative résultant de la doctrine de l'administration fiscale énoncée au point 213 de l'instruction 4 A-13-05 N° 213 du 30 décembre 2005, qui elle-même renvoyait à la documentation de base 4 C-221, toutes deux désormais reprises au point 20 du Bulletin officiel des finances publiques - impôts (BOFiP) sous la référence BOI-BIC-CHG-20-30-10. Selon cette doctrine, les frais d'acquisition de matériels et outillages d'une valeur unitaire hors taxes n'excédant pas 500 euros peuvent être admis en charges au titre de l'exercice d'acquisition dès lors que leur utilisation ne constitue pas pour l'entreprise l'objet même de son activité.
10. Toutefois, il résulte de l'instruction que le dispositif de gravure apposé sur les cylindres, tel qu'il est décrit au point 3, est indispensable à l'objet même de l'activité de la société, qui consiste à procéder, à l'aide de cet outillage, à la fabrication de papiers peints. Par suite et en tout état de cause, la société requérante n'est pas fondée à demander le bénéfice des énonciations de la doctrine précitée, dans les prévisions de laquelle elle n'entre pas.
Sur les rappels de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises :
11. La société UGEPA ne soulève, à l'appui de ses conclusions dirigées contre les rappels de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui ont été réclamés, aucun moyen distinct de ceux qu'elle invoque au soutien de sa contestation des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge et qui, ainsi qu'il a été dit aux points précédents, doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que la société UGEPA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions contestées et à la restitution du montant de ces impositions, assorti d'intérêts moratoires. Par voie de conséquences, les conclusions présentées par cette société au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société anonyme UGEPA est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme UGEPA et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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No 18DA02282