Procédure devant la cour
I) Par une requête enregistrée le 11 mars 2020 sous le n° 20LY01027, M. D... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 mars 2020 ;
2°) d'annuler ces décisions du 29 janvier 2020 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et fixé le pays de destination, ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il peut prétendre de plein droit à la délivrance d'une carte de résident, de sorte qu'il ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;
- il ne présente pas une menace à l'ordre public, contrairement à ce qu'a indiqué le préfet ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est, en outre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2020, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
II) Par une requête enregistrée le 17 mars 2020, sous le n° 20LY01132, M. D... B..., représenté par Me A..., demande, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 2 mars 2020 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lyon.
Il soutient que l'exécution du jugement en litige risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables et que c'est à tort que le préfet l'a obligé à quitter le territoire français, dès lors qu'il peut prétendre de plein droit à la délivrance d'une carte de résident, qu'il ne présente pas une menace pour l'ordre public et que la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est, en outre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2020, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant serbe, né en 1991, indique être entré pour la première fois en France en septembre 2008. Il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Française, valable du 4 octobre 2013 au 3 octobre 2014. Par arrêté du 29 janvier 2020, le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois. Par jugement du 2 mars 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. B... relève appel de ce jugement en demandant l'annulation des décisions l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination, ainsi que de l'arrêté du 29 janvier 2020 l'assignant à résidence.
2. Les deux requêtes susvisées de M. B... tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution de ce jugement du 29 janvier 2020. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet du même arrêt.
Sur la requête n° 20LY01027 :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les récépissés dont M. B... a bénéficié suite à sa demande de renouvellement de titre de séjour ont expiré le 14 mai 2016, sans que l'intéressé, qui ne s'est plus signalé ensuite aux services préfectoraux, en ait demandé le renouvellement. M. B... séjournant irrégulièrement sur le territoire français depuis cette date, il ne peut prétendre à la délivrance d'une carte de résident. S'il entend faire valoir qu'il aurait droit à un titre de séjour mention " vie privée et familiale " en raison d'une présence continue pendant plus de dix ans sur le territoire français, une telle circonstance ne constitue pas un motif de délivrance de plein droit d'un titre de séjour. Au demeurant, et à supposer même que M. B... soit resté en France depuis 2016, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est retourné en Serbie en mai 2011, suite à l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet, et qu'il ne séjournait ainsi pas depuis plus de dix ans en France. Par suite, il ne peut soutenir qu'il doit se voir délivrer de plein droit un titre de séjour et que le préfet du Rhône ne pouvait, pour ce motif, l'obliger à quitter le territoire français.
4. En deuxième lieu, le préfet du Rhône a relevé que M. B... avait été interpelé pour conduite d'un véhicule sans permis et sans assurance et qu'il était connu des services de police pour avoir été personnellement mis en cause à huit reprises pour des faits délictueux. Si M. B... fait valoir qu'il n'a fait l'objet d'aucune condamnation, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français dont fait l'objet M. B..., prise sur le fondement des dispositions du 4° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du fait du maintien de l'intéressé sur le territoire français après l'expiration des titres de séjour dont il bénéficiait, serait fondée sur une menace à l'ordre public. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Rhône aurait pris la même décision en se fondant sur le séjour irrégulier de M. B... et ses conditions de séjour en France. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône s'est à tort fondé sur la menace pour l'ordre public que représente le requérant doit être écarté.
5. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier que, si M. B... est revenu en France en 2012, après l'obligation de quitter le territoire français dont il avait fait l'objet en 2011, et qu'il s'est marié cette même année avec une Française, il a divorcé de celle-ci en 2016. S'il fait valoir que son frère réside en France, qu'il a travaillé pendant la période pendant laquelle il séjournait régulièrement en France, il est célibataire et ne justifie pas d'une particulière insertion dans la société française. Dans ces conditions, la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas, non plus, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B..., qui ne soulève aucun moyen distinct contre les décisions fixant le pays de destination et l'assignant à résidence, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les conclusions à fins de sursis à exécution du jugement du 2 mars 2020 :
8. Le présent arrêt statuant sur la requête de M. B... tendant à l'annulation du jugement attaqué, ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement se trouvent privées d'objet.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 20LY01027 de M. B... est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20LY01132 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lyon du 2 mars 2020.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. François Pourny, président de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme E... C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.
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N° 20LY01027, 20LY01132
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