Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 26 janvier 2021, et un mémoire complémentaire enregistré le 9 septembre 2021, Mme A... B..., représentée par Me Paquet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2020 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 7 octobre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, après lui avoir délivré, dans un délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour en procédure normale, sous la même astreinte ;
4°) à titre subsidiaire de réexaminer sa situation après lui avoir délivré, dans un délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour ou une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, le premier juge n'ayant pas statué sur ses moyens tirés de ce qu'en considérant que sa demande d'asile constituait une seconde demande de réexamen, le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation, du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français et de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a à tort considéré qu'elle avait déposé une seconde demande de réexamen de sa demande d'asile ; dès lors, il ne pouvait faire application des dispositions du 5° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise sans réel examen de sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, dès lors qu'elle peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire ;
- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 33 de la convention de Genève.
Par un mémoire enregistré le 17 septembre 2021, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé.
Par décision du 3 mars 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse, président-assesseur ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante nigériane née en 1992, est entrée en France en novembre 2016. Elle a déposé le 1er décembre 2016 une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 8 mars 2018, décision confirmée le 26 septembre 2018 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 19 octobre 2019, elle a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, lequel a fait l'objet d'un rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis, le 16 avril 2019, par la Cour nationale du droit d'asile. Le 6 octobre 2020, Mme B... a sollicité le réexamen de sa demande d'asile. Par arrêté du 7 octobre 2020, le préfet du Rhône, après avoir refusé de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 29 décembre 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier que le premier juge a répondu aux moyens tirés de ce que le préfet ne pouvant considérer que la demande d'asile déposée par Mme B... constituait une seconde demande de réexamen, l'obligation de quitter le territoire français était entachée d'une erreur d'appréciation et dépourvue de base légale. Par ailleurs, si l'intéressée a fait état dans son mémoire en réplique d'éléments relatifs à sa vie privée, elle n'a pas soulevé le moyen tiré de ce que l'arrêté du 7 octobre 2020 en litige méconnaitrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le premier juge aurait omis de statuer sur ces moyens et qu'il aurait ainsi entaché son jugement d'irrégularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 7 octobre 2020 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés (...) et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...), le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen (...) ". Aux termes de l'article 33 de la Convention de Genève : " 1. Aucun des États Contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir déposé une demande d'asile puis une demande de réexamen de sa demande d'asile en octobre 2019, Mme B... a sollicité un second réexamen de sa demande d'asile. Si elle fait valoir qu'elle avait présenté des éléments nouveaux en 2019, une telle circonstance, qui conditionnait la recevabilité de cette demande de réexamen, ne peut conférer à cette demande le caractère d'une première demande d'asile. Mme B... figurait ainsi au nombre des étrangers entrant dans le champ du 5° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à qui le préfet peut refuser la délivrance d'une attestation de demande d'asile. Dans ces conditions, le préfet du Rhône a pu légalement, et sans méconnaître en l'espèce l'article 33 de la convention de Genève, l'obliger à quitter le territoire français sans attendre la décision de la Cour nationale du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas de l'arrêté en litige que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à un réel examen de la situation de Mme B..., dont le droit de se maintenir sur le territoire français avait pris fin.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 316-1 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. (...) ".
7. Si Mme B... fait valoir qu'elle a déposé plainte le 26 février 2019 contre une responsable d'un réseau de proxénétisme qui l'aurait contrainte à se prostituer, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi que le fait valoir le préfet du Rhône qui soutient sans être contredit que la procédure pénale consécutive a été classée sans suite, que cette plainte était encore en cours à la date de l'arrêté en litige, postérieur de près de vingt mois. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français, dès lors qu'il aurait été tenu de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions citées au point précédent doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
9. Mme B... fait valoir qu'elle est bien intégrée, qu'elle a suivi des démarches d'insertion et des cours de français. Toutefois, l'intéressée est dépourvue d'attaches familiales en France et n'y réside que depuis quatre années, à la date de la décision en litige. Par suite, en obligeant Mme B... à quitter le territoire français, le préfet du Rhône n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris sa décision et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
12. Mme B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen selon lequel la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 33 de la convention de Genève. Alors que la Cour nationale du droit d'asile a d'ailleurs rejeté le 23 août 2021 le recours qu'elle avait formé contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application combinée des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 22 février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2022.
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N° 21LY000280