Par un jugement n° 1600222 du 12 avril 2016, le tribunal administratif de Grenoble a notamment annulé cet arrêté du 11 décembre 2015 concernant MmeB....
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 mai 2016, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 avril 2016 en tant qu'il a annulé son arrêté du 11 décembre 2015 concernant MmeB... ;
2°) de rejeter la demande de Mme B...devant le tribunal administratif.
Il soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 21 septembre 2016, Mme C..., épouseB..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a annulé l'arrêté contesté pour méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a, en outre, méconnu les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne saisissant pas la commission de séjour alors qu'elle remplit les conditions pour bénéficier d'un titre sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 de ce code ;
- le préfet a également méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du même code.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Segado, premier conseiller,
- et les observations de MmeB....
1. Considérant que Mme B...a sollicité, le 23 juillet 2015, le renouvellement de la carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " valable du 2 juillet 2014 au 1er juillet 2015 qui lui avait été délivrée sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 11 décembre 2015, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de faire droit à cette demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement d'office ; que le préfet de la Haute-Savoie relève appel du jugement du 12 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
3. Considérant que MmeB..., ressortissante de la République de Guinée, fait valoir qu'elle est entrée régulièrement en France le 26 septembre 2004 à l'âge de dix-neuf ans pour poursuivre ses études, qu'elle a séjourné régulièrement en France au cours de la période du 26 septembre 2004 au 14 octobre 2013 sous couvert de cartes de séjour temporaire d'un an mention "étudiant" et qu'elle a obtenu une licence en économie-gestion ; qu'elle fait aussi valoir qu'à la suite d'un PACS conclu avec un ressortissant français le 6 septembre 2013, elle a bénéficié, le 2 juillet 2014, d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " d'un an sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, le 18 juillet 2015, elle a épousé en France un compatriote, M. B...et qu'ils vivent ensemble avec leur enfant Tidian, né le 22 février 2015 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que si l'intéressée a séjourné en France sous couvert d'une carte de séjour temporaire obtenue en qualité d'étudiant, ce titre ne lui donnait pas vocation à s'installer durablement sur le territoire français ; que la communauté de vie avec son concubin de nationalité française a été relativement brève et a cessé très rapidement, la dissolution du PACS ayant d'ailleurs été prononcée le 12 janvier 2015, un peu plus de six mois après la délivrance de la carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " et environ un mois et demi avant la naissance de son enfant Tidian issu de sa relation avec M. B... ; qu'à la date de l'arrêté, son mariage avec M. B... était récent, son époux, qui était en situation irrégulière, ayant aussi fait l'objet d'un refus de titre assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'il ne ressort des pièces du dossier, ni qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, ni qu'elle ne pourrait y reconstituer sa vie privée et familiale avec son époux et leur enfant qui ont également la nationalité guinéenne, ni qu'elle ferait preuve d'une intégration sociale particulière dans la société française ; que, dans ces conditions, et eu égard aux conditions de son séjour en France, le préfet n'a pas, par l'arrêté contesté, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis ; qu'ainsi, cet arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif ;
4. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par MmeB... ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'au regard de la situation de Mme B... telle qu'elle est décrite au point 3, le préfet n'a pas méconnu ces dispositions ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B...ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa demande de titre de séjour n'a pas été présentée ni examinée sur le fondement de cette disposition ;
7. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'il résulte des articles L. 312-2 et R. 312 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que lorsque, comme en l'espèce, le préfet a estimé à bon droit que le demandeur ne remplit pas les conditions de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'est pas tenu, contrairement à ce que soutient MmeB..., de consulter la commission du titre de séjour avant d'opposer un refus ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 11 décembre 2015 portant refus de renouveler la carte de séjour de MmeB..., obligation pour celle-ci de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi en cas d'éloignement d'office ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que Mme B...demande sur leur fondement au titre de ses frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante ;
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du 12 avril 2016 du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 11 décembre 2015 concernant MmeB....
Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme B...devant le tribunal administratif de Grenoble tendant à l'annulation de cet arrêté ainsi que ses conclusions en appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MmeC..., épouseB..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre,
M. Gille, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2016.
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N° 16LY01647
mg