Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 février et 7 mai 2018, ainsi qu'un mémoire enregistré le 17 octobre 2018 qui n'a pas été communiqué, M. C..., représenté par la SCP Gavignet et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 26 octobre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions de la préfète de la Côte d'Or du 3 juillet 2017 ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de l'arrêté en litige ;
- le refus de titre de séjour a été pris en violation du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé entache d'illégalité l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet, qui méconnaît en outre tant les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2018, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 30 janvier 2018, rectifiée le 13 mars 2018.
La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 19 octobre 2018 par une ordonnance du 12 octobre précédent.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant de la République du Bénin né en 1987, a sollicité le bénéfice d'un titre de séjour à raison de son état de santé. Par arrêté du 3 juillet 2017, la préfète de la Côte-d'Or a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office. M. C... relève appel du jugement du 26 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité des décisions du préfet de la Côte-d'Or du 3 juillet 217 :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ".
3. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par M. C..., la préfète de la Côte-d'Or s'est fondée sur la circonstance qu'il n'était pas établi que l'intéressé ne disposerait pas d'un traitement approprié à sa pathologie, d'un suivi médical et d'un accès effectif aux soins dont il a besoin en cas de retour dans son pays d'origine.
4. Pour contester le motif de refus qui lui a été opposé, M. C... fait précisément état et justifie par ses productions tant de son état de santé que des difficultés rencontrées pour la prise en charge au Bénin du diabète dont il souffre. Si le préfet fait état de la possibilité d'un suivi médical de la pathologie de M. C... dans son pays d'origine et de la disponibilité dans ce pays d'un traitement de substitution à celui qui lui est prescrit, ces éléments ne suffisent pas, alors notamment que la fiche "MedCOI" en langue anglaise du 7 juin 2016 à laquelle il est renvoyé relève précisément la particulière faiblesse du nombre d'endocrinologues au Bénin, pour établir que, contrairement à l'avis rendu le 29 mai 2017 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que l'autorité préfectorale n'a pas suivi, le requérant pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à demander, outre l'annulation du jugement du tribunal administratif de Dijon du 26 octobre 2017, l'annulation des décisions de la préfète de la Côte-d'Or du 3 juillet 2017 rejetant sa demande de titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif qui la fonde et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement de la situation de fait ou de droit y ferait obstacle, l'annulation prononcée par le présent arrêt, qui fait d'ailleurs suite à une précédente décision de la cour annulant un refus de titre de séjour opposé à l'intéressé pour un motif analogue, implique nécessairement que le préfet de la Côte-d'Or délivre à M. C... la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par suite, de faire application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or, après avoir muni le requérant d'une autorisation provisoire de séjour, de lui délivrer cette carte de séjour dans le délai d'un mois.
Sur les frais liés au litige :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de mettre à ce titre à la charge de l'Etat le versement à Me Si Hassen, avocat de M. C..., d'une somme de 1 000 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 26 octobre 2017 et l'arrêté de la préfète de la Côte d'Or du 3 juillet 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de munir sans délai M. C... d'une autorisation provisoire de séjour et de lui délivrer, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Article 3 : L'Etat versera à Me Si Hassen la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...'F... C..., au ministre de l'intérieur et à Me D... B....
Copie en sera adressée :
- au préfet de la Côte d'Or ;
- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dijon.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.
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N° 18LY00816
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